b. Le toucher
Notons, en commençant notre étude de ce second sens, le toucher, qu'il est par excellence le sens le plus important de ce système solaire, le second – système de conscience astrale-bouddhique 79. Chacun des sens, lorsqu'il a atteint un certain point, commence à opérer une synthèse avec les autres sens, de telle sorte qu'il est presque impossible de savoir où commence l'un et où finit l'autre. Le toucher est la reconnaissance innée d'un contact par le moyen de manas, ou mental, d'une manière triple :
-En tant que reconnaissance.
-En tant que souvenir.
-En tant qu'anticipation.
Chacun des cinq sens lorsqu'il est associé à manas, donne naissance chez le sujet à un concept englobant le passé, le présent et l'avenir. Donc lorsqu'un homme très évolué, a transcendé le temps (tel qu'il est connu dans les trois mondes) et peut envisager les trois plans inférieurs du point de vue de l'Eternel présent, il a remplacé les sens par une conscience pleinement active. Il sait et n'a plus besoin des sens pour le conduire à la connaissance. Mais dans le temps, et dans les trois mondes, chaque sens, sur chaque plan, traduit pour le Penseur, tel ou tel aspect du non-soi, et grâce au mental le Penseur peut alors adapter ses relations à ces différents aspects.
L'ouïe lui donne une idée de la direction relative, et lui permet de se situer dans le schéma général.
Le toucher lui donne une idée de quantité relative, et lui permet d'apprécier sa valeur par rapport à d'autres corps qui lui sont extérieurs.
La vue lui donne une idée des proportions, et lui permet d'adapter ses mouvements selon ceux des autres.
Le goût lui donne une idée de valeur, et lui permet de s'attacher à ce qui lui semble le meilleur.
L'odorat lui donne une idée de qualité inhérente, et lui permet de découvrir ce qui l'attire comme étant de la même qualité ou essence que lui-même.
Dans toutes ces définitions il est nécessaire de se souvenir que le but des sens est de révéler le non-soi, et de permettre au Soi de faire la différence entre le réel et l'irréel 80.
79 La conscience Astrale-bouddhique est le terme appliqué à la conscience de base de notre système solaire. Elle est caractérisée par l'émotion, le sentiment, la sensation, qui doivent plus tard être transmués en intuition, perception spirituelle et unité.
80 Les sensations éveillées par les objets sensibles sont ressenties grâce aux instruments externes du Seigneur du Corps ou sens (Indriya) qui sont les voies par lesquelles le Jiva reçoit l'expérience du monde. Ils sont dix et se divisent en deux classes :
a. Les cinq organes de sensation Jnanendriya
1. L'oreille ouïe
2. La peau sensation par le toucher
3. L'œil la vue
4. La langue le goût
5. Le nez l'odorat
b. Les cinq organes de l'action Karmendriya
1. La bouche la parole
2. Les mains le fait de saisir
3. Les jambes la marche
4. L'anus l'excrétion
5. Les organes génitaux la procréation.
Les organes de sensation sont la réaction du Soi à la sensation. Les organes de l'action sont ceux par lesquels le désir du Jiva produit des effets.
"L'indriya ou sens n'est pas l'organe physique, mais la faculté du mental opérant par le moyen de cet organe, son instrument. Les organes extérieurs des sens sont les moyens habituels, grâce auxquels sur le plan physique les fonctions de l'ouïe etc... s'effectuent. Mais comme ce sont de simples instruments et que leur pouvoir est dérivé du mental, un Yogi peut accomplir, grâce au seul mental, tout ce qui peut être fait au moyen de ces organes physiques...
"Les trois fonctions d'attention, de sélection et de synthèse de la diversité discrète des sens appartiennent à cet aspect du corps mental, cet agent interne, appelé Manas. De même que manas est nécessaire aux sens, de même ces derniers sont nécessaires à manas... Manas est donc le principal indriya, dont les sens sont les pouvoirs." Le pouvoir du Serpent, par Arthur Avalon.
Dans l'évolution des sens, l'ouïe tout au début, attire vaguement l'attention du soi apparemment aveugle :
a.
Vers une autre vibration.
b.
Vers quelque chose qui vient de l'extérieur de lui-même.
c.
Vers le concept d'extériorité. Lors du premier contact avec le son, la conscience perçoit pour la première fois ce qui est à l'extérieur.
Mais tout ce que la conscience endormie peut saisir (par ce seul sens de l'ouïe) c'est le fait qu'il existe quelque chose d'extérieur à elle-même, se trouvant dans une certaine direction. Cette perception, au cours du temps, suscite l'éclosion d'un autre sens, celui du toucher. La Loi d'Attraction opère, la conscience se déplace lentement vers ce qui est entendu ; quand le contact est réalisé avec le non-soi, ce que nous appelons le toucher apparaît. Ce toucher communique d'autres idées à la conscience tâtonnante, des idées de dimensions, de texture externe, de différences de surface ; les conceptions du Penseur sont ainsi élargies progressivement. Il peut entendre et sentir, mais n'en sait pas encore assez pour établir des relations ou pour donner des noms.
Lorsqu'il réussit à nommer, il a fait un grand pas en avant. Nous pourrions donc noter ici que les premiers symboles cosmiques sont aussi applicables aux sens.
Le point au centre – la conscience et le non-soi, à un stade où seul le son est descriptif.
Le cercle divisé – la conscience percevant le non-soi, par une reconnaissance double.
La vue apparaît ensuite, c'est le troisième sens, celui qui marque vraiment la corrélation des idées, le concept de relation ; il est parallèle à la venue du Mental, à la fois en ce qui concerne le temps et la fonction. Nous avons donc, l'ouïe, le toucher ou sensation, et ensuite la vue. Sous l'angle des correspondances, notons que la vue apparut avec la troisième race-racine de cette ronde, et que la troisième race a aussi reçu le Mental. Le Soi et le non-soi furent immédiatement reliés et coordonnés. Leur association étroite devint un fait accompli, et l'évolution reprit sa marche en avant avec un élan renouvelé.
Ces trois sens majeurs (si on peut les décrire ainsi) sont chacun reliés très précisément avec l'un des trois Logoï :
L'ouïe – reconnaissance du monde quadruple, l'activité de la matière, le troisième Logos.
Le toucher – reconnaissance du Constructeur septuple des formes, le rassemblement des formes, leur rapprochement, leur interrelation, le deuxième Logos. La Loi d'Attraction entre le Soi et le non-soi commence à agir.
La vue – reconnaissance de la totalité, la synthèse de tout, la réalisation de l'Un dans le Multiple, le premier Logos. La Loi de Synthèse opérant entre toutes les formes occupées par le soi, la reconnaissance de l'unité essentielle de toute la manifestation grâce à la vue.
Quant au goût et à l'odorat, nous pourrions les appeler des sens mineurs, car ils sont étroitement liés à l'important sens du toucher. Ils en sont pratiquement les auxiliaires. Ce deuxième sens, dans son rapport avec le deuxième système solaire, mérite mûre réflexion. C'est avant tout, le sens le plus étroitement lié au deuxième Logos. Il y a là une suggestion de grande valeur si on l'examine soigneusement. Elle est précieuse pour étudier les extensions du toucher du plan physique à d'autres plans, et voir où cela nous conduit. C'est la faculté qui nous permet de parvenir jusqu'à l'essence, grâce à une juste reconnaissance du véhicule qui voile. Elle permet au Penseur qui l'utilise pleinement, d'entrer en rapport avec l'essence de tous les sois à tous les stades, et donc d'aider l'évolution normale du véhicule, et de servir activement. Un Seigneur de Compassion est celui qui (au moyen du toucher) sent, comprend pleinement, et réalise la manière de guérir et de corriger les imperfections du non-soi, et donc de servir activement l'évolution.
A ce sujet, il nous faudrait aussi étudier la valeur du toucher, tel que l'emploient les guérisseurs de la race (ceux qui sont sur la ligne du Bodhisattva) 81 et l'effet de la Loi d'Attraction et de Répulsion quand ils la manipulent. Les étudiants en étymologie auront remarqué que l'origine du mot toucher est assez obscure, mais qu'il signifie probablement "attirer dans un mouvement rapide". C'est là que gît tout le secret de ce système solaire objectif, et là que se manifeste l'accélération de la vibration au moyen du toucher. L'inertie, la mobilité, le rythme, sont les qualités manifestées par le non-soi. Le rythme, l'équilibre et la vibration stable sont obtenus par le moyen de la faculté même de toucher ou de la sensation. Prenons un bref exemple qui contribuera à clarifier ce problème. Que se passe-t-il pendant la méditation ?
Par le moyen d'efforts acharnés et d'observance des règles, l'aspirant réussit à toucher de la matière d'une qualité plus subtile que celle qui lui est familière. Il prend contact avec son corps causal, et en temps voulu, il prend contact avec la matière du plan bouddhique. Grâce à ce contact, ses propres vibrations sont temporairement et pour une brève période, accélérées. Fondamentalement, nous sommes ramenés à la question étudiée dans ce traité. Le feu latent de la matière attire à lui, le feu latent dans d'autres formes. Ils se touchent, et la reconnaissance et la prise de conscience s'ensuivent. Le feu de manas brûle continuellement, et il est nourri par ce qui est attiré et repoussé. Quand les deux feux se fondent, la stimulation est fortement accrue, et la faculté de contact intensifiée. La Loi d'Attraction continue d'agir jusqu'à ce qu'un autre feu soit attiré et contacté, et que le fusionnement triple soit parachevé.
N'oubliez pas, à ce sujet, le mystère de la Baguette d'Initiation 82. Plus tard, quand nous étudierons la question des centres et de l'Initiation, il faudra se souvenir qu'il s'agit précisément d'un aspect de cette mystérieuse faculté du toucher, la faculté du deuxième Logos, maniant la Loi d'Attraction.
81 La ligne du Bodhisattva est celle de l'Amour-Sagesse et de la science détaillée de l'âme : c'est la ligne de l'enseignement et le sentier que tous devront un jour parcourir.
Terminons-en maintenant avec ce qui peut être communiqué sur les trois sens restants – la vue, le goût, l'odorat – et résumons brièvement leurs relations avec les centres, et leur action et interaction mutuelle. Il nous restera alors deux points à traiter dans cette première division du Traité sur le Feu Cosmique, et à faire le résumé. Nous pourrons alors nous attaquer à cette partie du Traité qui étudie le feu de manas et le développement des manasaputras 83, dans leur totalité et individuellement. Ce sujet est de la plus haute importance car il traite de l'homme dans sa totalité de l'Ego, du penseur, et décrit la fusion cosmique des feux de la matière et des feux du mental, ainsi que leur utilisation par la Flamme qui habite à l'intérieur.
82 Les initiations dont nous parlons dans ce Traité sont les initiations majeures qui engendrent ces expansions de conscience conduisant à la libération ; elles sont prises dans le corps causal et de là réfléchies sur le plan physique. L'initié ne fait jamais état de son initiation.
83 Manasaputras : Ce sont les Fils du Mental, le principe individuel de l'homme, l'Ego, l'Ange solaire, dans son propre corps sur les niveaux abstraits du plan mental.