3. Projection
La tâche du disciple a maintenant atteint le point le plus critique. Beaucoup d'aspirants atteignent ce stade particulier et – ayant acquis une véritable faculté de visualisation et ayant donc construit par ce moyen la forme désirée et organisé la substance qui doit être employée dans cette phase plus tardive du processus de construction – se révèlent incapables d'aller plus loin. Qu'y a-t-il donc ? Tout d'abord une incapacité à utiliser la Volonté dans le processus de projection. Ce processus réunit l'utilisation de la volonté, la continuation d'une visualisation plus poussée et l'emploi du Mot de Pouvoir correspondant au rayon. Jusqu'au stade présent du processus, la méthode est identique pour les sept rayons ; mais à ce point un changement intervient. Chaque disciple ayant réussi à organiser la substance du pont, ayant mis en route l'activité de l'aspect volonté, ayant conscience du processus et de ce qu'il accomplit, commence maintenant à déplacer la substance organisée vers l'avant, de sorte qu'à partir du centre des forces qu'il a réussi à accumuler, apparaît une ligne de substance-lumière ou projection.
Celle-ci est lancée vers l'avant par un Mot de Pouvoir, comme dans le processus logoïque de création.
C'est en vérité l'inverse du processus de la Monade lorsqu'elle projeta le fil de vie qui s'ancra finalement dans l'âme. L'âme, en réalité, naquit par le moyen de cet ancrage ; puis vint le processus suivant où l'âme, à son tour, projeta un fil double qui finalement s'ancra dans la tête et dans le coeur de l'homme inférieur triple, la personnalité. Le disciple est focalisé dans le centre qu'il a construit sur le plan mental, et met en activité toutes ses ressources (celles de la personnalité triple unies à celles de l'âme) ; il projette maintenant une ligne vers la Monade.
C'est le long de cette ligne que les forces se retirent finalement, forces qui – sur la voie descendante ou sentier involutif – se focalisèrent dans la personnalité et dans l'âme. L'antahkarana lui-même, complété par le pont qu'a construit le disciple, est le moyen final de l'abstraction ou du grand retrait. L'antahkarana concerne l'initié à la quatrième initiation, appelée quelquefois la Grande Renonciation – renonciation à la vie dans la forme ou abstraction, à la fois personnelle et égoïque.
Après cette initiation, aucun de ces aspects ne peut plus retenir la Monade. Le "voile du Temple" est déchiré en deux de haut en bas – ce voile qui séparait la Cour Extérieure (la vie de la personnalité) du Lieu Saint (l'âme) et du Saint des Saints (la Monade) dans le Temple de Jérusalem. Les implications et les analogies ne manqueront pas de vous apparaître clairement.
Afin donc d'obtenir la nécessaire projection d'énergies accumulées organisées par l'imagination créatrice et portées à un point extrême de tension par la focalisation de l'impulsion mentale (aspect de la volonté) le disciple fait alors appel aux ressources de son âme, emmagasinées dans ce que techniquement on appelle "le joyau dans le lotus". C'est l'ancrage de la Monade, point qu'il ne faut pas oublier. Les aspects de l'âme que nous appelons connaissance, amour et sacrifice, et qui sont des expressions du corps causal, ne sont que des effets de ce rayonnement monadique.
Donc, avant que le pont ne soit vraiment construit et "projeté sur la voie montante assurant la sécurité de parcours aux pieds las du pèlerin" (selon les termes de l'Ancien Commentaire), le disciple doit commencer à réagir en réponse au bouton du lotus fermé, au centre du lotus épanoui. Il le fait quand les pétales de sacrifice du lotus égoïque dominent sa vie, quand sa connaissance se transmue en sagesse et que son amour pour le tout grandit ; à ces facteurs s'ajoute le "pouvoir de renoncement". Ces trois qualités égoïques – quand elles agissent avec une certaine puissance – engendrent une activité accrue au centre même de la vie de l'âme, le coeur du lotus. Il faut se souvenir que, dans le lotus égoïque, les correspondances des trois centres planétaires sont les suivantes :
Shamballa Le joyau dans le lotus.
La Hiérarchie Les trois groupes de pétales.
L'humanité Les trois atomes permanents dans l'aura du lotus.
Les étudiants devraient aussi se débarrasser de l'idée habituelle que le sacrifice est un processus d'abandon ou de renonciation à tout ce qui rend la vie digne d'être vécue. Techniquement, le sacrifice est l'obtention d'un état de félicité et d'extase, car c'est la réalisation d'un autre aspect divin, caché jusque là par l'âme et la personnalité. C'est la compréhension et la reconnaissance de la volonté-de-bien qui ont rendu la création possible et inévitable, et qui ont été la vraie cause de la manifestation. Réfléchissez à ceci, car la signification des concepts habituels concernant le sacrifice est très différente.
Quand le disciple a recueilli le fruit de l'expérience qui est de connaître et d'apprendre à transmuer cette connaissance en sagesse, quand son objectif est de vivre dans la vérité et la réalité, et quand la volonté-de-bien est le but couronnant sa vie journalière, il peut alors commencer à évoquer la Volonté. Cela fera, du chaînon reliant le mental inférieur au supérieur, l'esprit à la matière et la Monade à la personnalité, un fait précis. La dualité remplace alors la triplicité, et la puissance du noyau central du véhicule égoïque détruit – à la quatrième initiation – les trois expressions qui l'entourent. Elles disparaissent, et la prétendue destruction du corps causal est alors accomplie. C'est la véritable "deuxième mort", la mort totale vis-à-vis de la forme.
C'est pratiquement tout ce que je peux vous dire au sujet du processus de projection. C'est un processus vivant, engendré par l'expérience journalière consciente, et dépendant de l'expression des aspects divins dans la vie sur le plan physique autant que c'est possible. Lorsqu'on s'efforce de rapprocher la vie de la personnalité des exigences de l'âme, et d'utiliser l'intellect au bénéfice de l'humanité, l'amour commence à dominer ; la signification du "divin sacrifice" est alors de mieux en mieux comprise et devient une expression naturelle, spontanée, de l'intention de l'individu. Il devient alors possible de projeter le pont. La vibration est établie sur les niveaux inférieurs de la manifestation divine et devient assez forte pour susciter une réponse des niveaux supérieurs. Dès lors, quand le Mot de Pouvoir est connu et employé correctement, le pont est rapidement construit.
Il ne faut pas que les étudiants se sentent en rien découragés par ce tableau.
Beaucoup de choses peuvent arriver sur les plans supérieurs quand il existe une intention correcte, de même qu'une intention occulte (dessein et tension réunis) ; le pont parvient au stade du contour précis et de la structure précise longtemps avant que le disciple n'en ait conscience.