CHAPITRE VI

LE PROBLEME DES EGLISES


Qu'on remarque bien ce titre. Il ne s'agit pas dans ce chapitre du problème de la religion, mais simplement du problème des personnes et des organisations qui, s'efforçant d'enseigner la religion, prétendent représenter la vie spirituelle, diriger la voie d'approche de l'âme humaine vers Dieu et instituer les règles de la vie spirituelle. Je le mentionne dans la pleine conscience qu'écrire à ce sujet, c'est s'aventurer en terrain dangereux. Je désire donc, dès l'abord, exposer très clairement mon point de vue. Je veux écarter tout malentendu possible sur mon attitude et mes convictions spirituelles.

Je ne cherche point noise à l'esprit religieux. Je crois et sais qu'il existe et qu'il est essentiel à une vie complète et véritable sur la terre. Je reconnais que la foi est immémoriale et que l'Esprit, dès les temps les plus reculés, a témoigné du fait de Dieu. Je sais, par-delà toute controverse et toute crainte de preuve du contraire ou de désillusion, que le Christ vit et guide les peuples du monde, qu'Il ne le fait pas de quelque centre vague et lointain, appelé "à la droite de Dieu" (terme symbolique), mais au voisinage immédiat, tout proche de l'humanité qu'Il aime éternellement. Je crois que, lorsqu'il a dit : "Et maintenant je suis avec vous à jamais, jusqu'à la fin du monde", Il entendait exactement ce qu'Il disait. Je sais que l'approche de l'esprit humain vers sa Source, ce Centre spirituel où règne la divinité, et vers Ceux qui guident et dirigent cette approche, se poursuivra inévitablement. Je sais que la voie demeure éternellement ouverte aux pèlerins et je crois que ces pèlerins, toutes les âmes, trouveront finalement le chemin de la Maison du Père. Je crois en l'œuvre du Christ, telle qu'elle nous est décrite dans les Evangiles et je crois aussi aux épisodes qui y racontent la vie de Jésus. Par-dessus tout, je crois que le Christ est vivant aujourd'hui, et parce qu'Il vit nous vivrons aussi, car "tel qu'Il est, ainsi serons-nous en ce monde". Je sais aussi qu'un jour nous serons pareils à Lui, car nous Le verrons comme Il est. Quand cela aura lieu, "les miracles encore plus grands" qu'Il a prédit que nous ferions alors, nous les accomplirons. Ce sera possible, car Il nous ouvrit la Voie vers le Centre le plus intime, étant le "premier né parmi de nombreux frères" et notre Frère Aîné à tous.

Le fait de Dieu, le fait de Christ, le fait de l'approche spirituelle de l'homme vers la divinité, le fait de l'immortalité de l'Esprit, le fait de l'occasion spirituelle et le fait des rapports de l'homme avec Dieu et ses semblables sont les faits sur lesquels je m'appuie. Je voudrais aussi insister sur le fait que la présentation de la vérité évolue et s'adapte constamment au besoin de l'humanité à travers toute l'histoire.

Je cherche très précisément à prouver que, non seulement les Eglises ont failli à conduire sur une vaste échelle les hommes à Dieu et à éviter la guerre mondiale de 1914-1945, mais qu'à l'exception d'une très petite minorité, elles manifestent l'intention nette de revenir aux mauvaises méthodes anciennes, aux théologies et aux doctrines périmées, aux méthodes matérialistes et autoritaires, causes de l'échec des Eglises.

Je n'ai aucun intérêt à attaquer le christianisme. Le christianisme ne peut être attaqué ; il est, dans son essence, mais non encore en fait, l'expression de l'amour de Dieu, immanent dans l'univers qu'Il a créé. Le cléricalisme prête toutefois un large flanc à l'attaque, et la masse des gens réfléchis le savent.
Malheureusement, ceux-ci constituent une infime minorité (bien qu'elle s'accroisse rapidement) et c'est cette minorité intelligente qui, devenue majorité, mènera les Eglises à leur fin fatale et encouragera la diffusion du vrai christianisme.

Considérons ce tableau dans le sens le plus large possible. Puis-je vous prier de patienter et de me laisser développer le sujet ? Voulez-vous vous abstenir de juger avant d'avoir lu ce que j'ai à dire ? Voulez-vous calmer la révolte de vos préjugés et vos réactions de défense, avant d'avoir étudié le sujet avec moi ? C'est tout ce que je demande. Pour plus de clarté et afin de mieux dégager les faits et potentialités dans votre pensée, je diviserai le sujet en sections, et commencerai par la plus épineuse et sujette à controverse, pour terminer sur une note d'espérance indiquant le dessein et la vision.

I.
La faillite des Eglises. Peut-on, en toute honnêteté, et à la lumière des événements mondiaux, dire que les Eglises ont réussi ?
II.
L'occasion offerte actuellement aux Eglises. S'en rendent elles compte ?
III. Les vérités essentielles, nécessaires à l'humanité et qu'elle accepte intuitivement. Quelles sont-elles ?
IV.
La régénération des Eglises. Est-elle possible ?
V.
La nouvelle Religion mondiale.
J'ai traité certains de ces points précédemment, sous le titre de La Nouvelle
Religion mondiale ; Je reviendrai sur les mêmes points. Aujourd'hui la guerre mondiale est terminée, la situation a changé, la nécessité immédiate de l'humanité se dégage avec netteté. Les démarches qu'entreprennent les Eglises pour y faire face, s'organisant pour influencer politiquement les nations, comme certain groupe à Genève, pour rebâtir les églises, menant campagne pour recruter des membres et déclarant leur foi dans les mêmes termes anciens, tout cela se clarifie. Il semble donc essentiel de faire face à la situation telle qu'elle est, et de mettre en relief les vérités qui sont indispensables au progrès de l'humanité et de son illumination, tout en éliminant les vérités prêtant à controverse et sans importance. Il est nécessaire aussi de définir la voie du salut que les Eglises devraient suivre. Si les Eglises travaillent et les ecclésiastiques pensent selon des normes christiques, alors le salut de l'humanité est assuré. Il est, par-dessus tout, essentiel de présenter une vue qui offre à l'humanité entière une vision et ne soit pas seulement la belle espérance d'un groupe sectaire ou d'une organisation fanatique et contente de soi. Il est essentiel de revenir au Christ, à son message et au mode de vie dont Il a donné l'exemple.

Les ecclésiastiques doivent se souvenir que l'esprit humain est plus grand que toutes les Eglises et supérieur à leurs enseignements. A la longue, l'esprit humain les vaincra et entrera triomphalement dans le Royaume de Dieu en les laissant loin derrière, à moins qu'ils n'entrent comme membres de l'humble masse des hommes. Les prélats pompeux et les ecclésiastiques autoritaires n'ont point de part à ce royaume. Le Christ n'a nul besoin de prélats et d'autorités. Il a besoin d'humbles maîtres enseignant la vérité et donnant l'exemple de la vie spirituelle. Rien au monde ne peut arrêter le progrès de l'âme humaine dans son long pèlerinage de l'obscurité vers la lumière, de l'irréel vers le réel, de la mort vers l'immortalité et de l'ignorance à la sagesse. Si les vastes groupes organisés des Eglises de tous pays, et composés de toutes les croyances, ne lui offrent pas une direction et une aide spirituelles, l'humanité trouvera une autre voie. Rien ne peut retenir l'élan de l'esprit humain vers Dieu.