17. L'illusion faisant de celui qui perçoit et de ce qui est perçu une seule et même chose est la cause (des effets produisant la douleur) dont il faut se garder.
Ce sutra nous ramène directement à la grande dualité fondamentale de la manifestation : l'union de l'esprit et de la matière. C'est leur jeu réciproque qui engendre toutes les modifications productrices de formes ou activités sur les divers plans, et qui cause les limitations que la conscience pure s'est elle-même imposée. Il est impossible, en un bref commentaire comme celui-ci, de traiter ce sujet avec quelque ampleur. Tout ce qu'il est possible de faire consiste à l'effleurer, pour autant qu'il concerne l'homme lui-même. Il peut se résumer comme suit : toute douleur et toute peine sont causées par l'homme spirituel s'identifiant à ses formes objectives dans les trois mondes, et avec le domaine phénoménal dans lequel ces formes exercent leurs activités. Quand il peut se détacher du royaume des sens et se connaître comme "celui qui n'est pas ce qui est vu, touché et entendu", l'homme peut alors se libérer de toutes les limitations résultant des formes et se tenir à l'écart, en tant qu'entité divine percevante et agissante. Il utilisera les formes au gré de son désir, dans l'intention de parvenir à certaines fins particulières, mais il ne sera pas entraîné à s'illusionner en les considérants comme étant lui-même. Les étudiants feraient bien d'apprendre à demeurer conscients du fait que, dans les trois mondes (représentant tout ce qui, à ce stade, concerne l'aspirant), c'est ce dernier qui est le facteur le plus élevé des triples rapports bien connus :
Celui qui perçoit La perception
Ce qui est perçu.
Le Penseur La pensée
Les formes-pensées.
Celui qui connaît La connaissance
Le champ de la connaissance.
Le voyant La vue
Ce qui est vu.
L'Observateur L'observation
Ce qui est observé.
Le Spectateur La vision
Le spectacle.
et de nombreux autres rapports également notoires.
L'objectif majeur du Raja Yoga est d'affranchir le penseur des modifications du principe pensant, afin qu'il ne soit plus immergé dans le grand nombre des pensées illusoires et ne s'identifie plus à ce qui est purement phénoménal. Il se tient debout, libre et détaché, usant du monde des sens comme d'un champ où se déploient ses activités intelligentes, et non plus en tant que champ d'expérimentation destiné à ses entreprises et expériences personnelles.
Il ne faut pas oublier que les six sens représentent les moyens de perception ; soit : l'ouïe, le toucher, la vue, le goût, l'odorat et le mental, et que ces six sens doivent être transcendés et connus pour ce qu'ils sont. Les moyens de perception révèlent la grande maya, ou monde de l'illusion, qui présente des formes de tous genres, composées d'une substance dont la structure atomique et moléculaire doit être étudiée, ainsi que les éléments de base qui confèrent à cette substance ses différenciations et qualités spécifiques. Pour les besoins de cette étude, l'étudiant fera bien de se souvenir qu'il doit porter ses investigations sur la nature des facteurs suivants, caractérisant le pôle opposé à l'esprit que nous nommons matière :
1. Atome.
2. Matière moléculaire.
3. Les éléments.
4. Les trois gunas ou qualités.
5. Les tattvas ou différenciations de la force, en leurs sept formes.
La compréhension de la nature et des caractères distinctifs de la matière l'amènera à la compréhension du monde de la forme, qui a si longtemps retenu captif son esprit. C'est ce qu'indique Patanjali dans le sutra suivant.