LA DESUNION MONDIALE

 

Qu'est-ce qui, à présent, semble empêcher l'unité mondiale et faire échouer les Nations unies dans l'établissement des mesures nécessaires si impatiemment attendues par l'homme de la rue ? La réponse n'est pas difficile à trouver et implique toutes les nations : le nationalisme, le capitalisme, la rivalité, l'avidité aveugle et stupide. C'est son intense nationalisme sentimental, qui fait de la Pologne un membre si difficile de la famille des nations ; c'est le matérialisme et la crainte, plus le manque d'intérêt pour les choses spirituelles, qui rendent la France si constamment obstructionniste et l'a conduite si longtemps à s'opposer à toute solution de la question allemande. C'est une adhésion fanatique à une idéologie et son manque de maturité nationale, qui dictent une bonne partie de l'activité russe au cours des conférences. C'est leur capitalisme effréné qui fait des Etats-Unis une des nations les plus redoutées, à quoi s'ajoutent ses gestes de puissance armée. C'est un impérialisme moribond qui gêne aujourd'hui la Grande-Bretagne, accrochée à des territoires et à des responsabilités, dont elle comprend qu'elle pourrait bien les transférer aux soins des Nations unies.
L'espoir de la Grande-Bretagne réside dans ses tendances socialistes qui lui permettent de prendre la "voie du milieu" entre le communisme russe et le capitalisme américain. C'est l'avidité satisfaite de soi des nations ayant échappé à la guerre, qui gêne le progrès. C'est la lutte pour posséder le pétrole du monde que se livrent les trois Grandes Puissances, qui bloque la paix du monde. Ce sont les actions tortueuses des Juifs et la haine qu'ils entretiennent, qui tendent aussi à miner l'espérance de la paix. C'est l'attitude de l'Inde et de la Chine qui complique l'action des gens bien intentionnés. C'est le traitement, contraire au christianisme et à la démocratie, des populations nègres aux Etats-Unis et en Afrique, qui contribue à les faire fermenter. C'est l'inertie aveugle et le manque d'intérêt de la masse populaire qui permet aux mauvais chefs de détenir le pouvoir. C'est la crainte du reste du monde, qui oblige les chefs russes à maintenir leurs peuples dans l'ignorance totale de l'attitude des autres nations à propos des affaires mondiales. C'est un mauvais usage de l'argent qui colore les vues de la presse et de la radio en Grande-Bretagne et plus encore aux Etats-Unis, pour cacher en bonne partie la vérité au peuple. C'est le bouleversement ouvrier, partout, qui alimente la tourmente et impose des souffrances inutiles au public. C'est la profonde méfiance, politique et internationale, la propagande trompeuse et l'apathie des Eglises qui compliquent encore le problème. Par-dessus tout, c'est le refus de la part du public de regarder la vie en face et de voir les faits tels qu'ils sont. La masse des hommes a besoin d'être éveillée pour exiger que les biens soient le partage de tous également et non pas uniquement d'un groupe privilégié et elle a besoin d'apprendre que "la haine ne cesse pas par la haine, mais par l'amour". Un pareil amour n'est pas sentimental, mais c'est une bonne volonté efficace, s'exprimant par les individus, dans les communautés et entre les nations.

Tel est le tableau triste et fâcheux du monde d'aujourd'hui, et seuls des aveugles et des indifférents le nieraient. Seule, une perception aiguë de la situation et des sources du mal contribueront à donner à l'humanité l'impulsion voulue pour prendre les mesures nécessaires. Mais il existe une autre face du tableau, et qui compense le mal, quoique, jusqu'à présent, elle ne l'équilibre, ni ne le vaille.

Aujourd'hui des hommes et des femmes, partout, en haute situation ou non, dans chaque nation, chaque communauté, chaque groupe, présentent la vision des justes relations humaines, destinées à constituer la norme dans l'avenir, pour l'humanité. Partout ces gens là exposent les maux à éliminer et sans cesse, ils éduquent ceux qu'ils rencontrent et leur apprennent les principes de l'Ere nouvelle. C'est la masse de ces gens qui est importante. En politique, il existe de grands et sages hommes d'Etat qui tâchent de guider sagement leur peuple, mais ils ont encore trop à faire. Franklin D. Roosevelt en était un remarquable exemple pour notre temps. Car il fit de son mieux et mourut au service de l'humanité. Il existe des éducateurs éclairés, des écrivains et des conférenciers dans tous les pays, qui cherchent à montrer au peuple combien l'idéal est pratique, comme la bonne volonté de l'humanité est disponible, et combien il est facile d'appliquer des idéals, lorsque les hommes et les femmes de bonne volonté sont en nombre suffisant dans le monde pour imposer les conclusions. C'est un facteur d'importance. Il y a aussi des savants, des médecins, des agriculteurs, qui ont consacré leur vie à l'amélioration de l'existence humaine. Il y a des prêtres de toutes les Eglises qui suivent sincèrement les pas du Christ (mais ce n'en sont pas les chefs), et qui répudient le matérialisme qui a ruiné les Eglises. Il y a des hommes et des femmes sans importance, par millions, qui voient juste, pensent clairement et travaillent dur dans leurs communautés pour établir de justes relations humaines.

La sécurité, le bonheur et des relations pacifiques sont le désir de chacun.
Toutefois, avant que les Grandes Puissances, en collaboration avec les petites nations, aient résolu le problème économique et réalisé que les ressources de la terre n'appartiennent pas à une seule nation, mais à l'ensemble de l'humanité, il n'y aura point de paix. Le pétrole du monde, ses richesses minérales, le charbon, le blé, le sucre et les céréales appartiennent à tous les hommes de tous pays. Ce sont des denrées essentielles à l'existence quotidienne de l'homme dans la rue.

Le véritable problème des Nations unies est double : il implique la distribution équitable des ressources mondiales, afin d'arriver à la suppression de la misère et il implique aussi l'établissement d'une vraie égalité des chances et de l'éducation pour tous, partout. Les nations qui ont d'abondantes richesses ne sont pas propriétaires ; elles sont gardiennes des biens du monde, confiés à elles à l'intention de leurs semblables. Le temps viendra inévitablement où, dans l'intérêt de la paix et de la sécurité, les capitalistes des diverses nations seront forcés de comprendre cela et de substituer le principe du partage à l'ancien principe d'une mainmise avide qui les a guidés jusqu'à présent.

Il fut un temps, il y a un siècle ou un peu davantage, où la juste distribution des richesses du monde eût été impossible. Cela n'est plus vrai aujourd'hui. Les statistiques existent. Des computations ont été faites. Des investigations ont pénétré dans tous les domaines des ressources de la terre et ces investigations, computations et statistiques sont publiées et à la disposition du public, s'il sait où les chercher. Les hommes au pouvoir, dans chaque pays, savent exactement les quantités de nourriture, de minerai, de pétrole, de charbon et d'autres articles indispensables, qui sont disponibles pour un usage à l'échelle mondiale, sur une base correcte et équitable. Mais ces biens sont mis en réserve par les nations impliquées, car ils constituent "des points à discuter et une monnaie d'échange". Le problème de la distribution n'est plus difficile, une fois que les produits alimentaires du monde sont considérés en dehors de la politique et du capitalisme. Il faut aussi se souvenir que les moyens de distribution par mer, rail ou air sont adéquats.

Rien n'arrivera, toutefois, avant que les Nations unies se mettent à parler en termes d'humanité entière et non plus en termes de frontières, d'objectifs techniques et de craintes, ni en termes de valeur du pétrole ou du charbon comme objets de marchandages (comme pour le Proche-Orient ou l'attitude récente de la France à l'égard de l'Allemagne), ou encore en termes de méfiance et de suspicion. La Russie se méfie du capitalisme des Etats-Unis et, à un moindre degré, de la Grande-Bretagne. L'Amérique du Sud est en train d'adopter une méfiance croissante à l'égard des Etats-Unis, à cause de leur impérialisme. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis se méfient tous deux de la Russie, du fait de ses paroles, de son usage du droit de veto et de son ignorance de l'idéalisme occidental.

Il faut pourtant se rappeler qu'il existe des hommes d'Etat en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en Russie qui s'efforcent d'agir en faveur de l'homme dans la rue et de le défendre dans les conclaves des nations. Jusqu'à présent, une opposition égoïste a rendu leur travail inutile et les intérêts financiers de bien des pays ont annulé leurs efforts. Je ne voudrais pas que vous oubliiez ces hommes. La Russie n'a pas d'intérêt financier, mais possède de vastes ressources en hommes et en armes et fait jouer celles-ci contre les intérêts capitalistes. Ainsi la guerre continue et l'homme dans la rue attend, sans grand espoir, une décision qui conduirait à la paix, une paix basée sur la sécurité et de justes relations humaines.

Pour compliquer encore le problème, il y a le fait que l'Est et l'Ouest considèrent la vie sous des angles différents. Le point de vue oriental est négatif et subjectif ; celui de l'Ouest est positif et scientifique, donc objectif. Je me réfère ici à l'Asie et au monde occidental. Ceci se complique encore parce que l'Europe occidentale et l'Europe orientale envisagent la vie et les problèmes modernes de points de vue totalement différents. Cela rend la coopération difficile et complique nettement le problème posé aux Nations unies. L'Eglise et l'Etat ne sont guère d'accord ; entre le capital et le travail se poursuit une guerre constante ; l'homme dans la rue paie les pots cassés et attend la justice et la liberté.