CHAPITRE I
INTRODUCTION
Trois raisons ont motivé la rédaction de cet ouvrage. La première est le désir de faire fusionner la psychologie matérialiste ou extérieure et la psychologie introspective ou intérieure. La deuxième est le désir de rapprocher l'Occident matérialiste et l'Orient introspectif, en regardant au-delà de la psychologie scientifique du passé, vers le domaine plus vaste de la pensée et de la psychologie de l'homme. La troisième est de montrer que tous ces aspects qui s'opposent ne sont que des facettes d'une seule vérité et que, ensemble, ils constituent l'unique Réalité.
Ces trois motifs trouvent leur origine dans la position actuelle de l'enseignement de la psychologie. Il y a actuellement deux grandes catégories de psychologie et Will Durant les a bien résumées dans son ouvrage "Les Demeures de la Philosophie." Nous citons :
"Comme nous l'avons vu, il y a deux manières d'étudier l'homme. L'une part de l'extérieur avec l'environnement et considère l'homme comme un mécanisme d'ajustement ; elle réduit la pensée à une chose et le mental à la matière, et se manifeste dans le matérialisme déguisé de Spencer et la philosophie du comportement de Watson (...) L'autre part de l'intérieur ; elle regarde l'homme comme un système de besoins, d'impulsions et de désirs qui le poussent à étudier, à utiliser et à dominer son environnement ; elle voudrait réduire les choses à la pensée et la matière au mental ; elle commence par "l'entéléchie" d'Aristote (qui soutient que toute forme est déterminée par un dessein intérieur) et se manifeste dans le vitalisme de Bergson et le pragmatisme de William James." (Durant Will, The mansions of philosophy.)
W. B. Pillsbury estime que ce double système conduit à une répétition inutile :
"Si on retient la théorie du comportement, cela veut dire que nous devons avoir deux psychologies, une externe et une interne, une psychologie vue de l'extérieur et une autre vue de l'intérieur. Le moins qu'on puisse dire est que c'est là, au mieux, une complication inutile." (Pillsbury W.B., The History of Psychology.)
Reconnaissant qu'il y a là deux positions et étant d'accord avec W. B. Pillsbury pour penser que deux lignes d'interprétation sont inutiles, je suis convaincue qu'il est possible de fusionner ces deux théories en une troisième qui, elle, serait unique. Je voudrais donc présenter une hypothèse qui prouverait la justesse de l'école mécaniste et également la justesse de l'école introspective. Je cherche également à montrer que les deux écoles sont nécessaires pour tenir compte de tous les faits, et qu'elles se complètent mutuellement. Ainsi donc, nous pourrions établir une troisième école, ou école mixte, basée sur la connaissance exacte de l'Occident et la sagesse introspective de l'Orient.
Lorsqu'on considère ces deux écoles, il est évident que la psychologie moderne est surtout matérialiste et que l'école la plus populaire l'est entièrement. Si on étudie les ouvrages les plus récents de psychologie qui proviennent des nombreuses et différentes écoles européennes et américaines, on voit que la majorité de ces textes se préoccupent surtout de soutenir ou de rejeter la philosophie mécaniste de l'école du comportement ; s'ils ne le font pas, c'est qu'ils présentent une autre forme de psychologie matérialiste. Wolfgang Kohler écrit, par exemple, dans Gestalt Psychology :
"Les gens pensent en général qu'ils perçoivent eux-mêmes directement les raisons pour lesquelles ils adoptent une attitude déterminée à un certain moment et une autre attitude à un autre moment. Ils pensent aussi, le plus souvent, qu'ils savent et comprennent directement pourquoi ils sont enclins à faire une chose dans une certaine situation particulière et à faire une chose toute différente plus tard dans des conditions différentes. Ils pensent donc qu'ils perçoivent directement et vraiment une grande partie de ce contenu dynamique, dont le développement constitue la vie mentale. La position de la plupart des psychologues actuels les plus expérimentés ne concorde pas avec cette manière de penser qui leur est tout à fait étrangère. Ils estiment que l'individu est enclin à faire une chose maintenant, puis une autre parce que, dans le premier cas, certaines voies nerveuses sont plus disponibles et que, dans l'autre cas, ce sont d'autres voies qui sont plus libres. Bienheureux les gens chez qui les voies nerveuses les plus perméables sont dans la pratique les plus justes et les mieux appropriées !" (Köhler Wolfgang, Gestalt Psychology.)
Mais tout le problème est plongé dans la confusion, et, comme l'a dit Will Durant, "la psychologie a à peine commencé de comprendre, et encore moins de contrôler, la conduite et les désirs des hommes ; on y trouve du mysticisme et de la métaphysique, de la psychanalyse, de la philosophie du comportement, de la mythologie glandulaire et d'autres maladies de l'adolescente." (Durant Will, The Mansions of Philosophy.)
La psychologie chemine à la frontière de l'invisible auquel nous conférons les noms d'énergie – qu'elle soit nerveuse, atomique ou vitale – de force, de vibrations éthériques, de courants et de charges électriques et de force flottant librement à laquelle a été donné le nom de libido. Toutes les sciences semblent converger vers le même terrain vague, vers l'indéfinissable. Lorsque le voile sera levé, il nous révélera peut-être la terre promise des rêves et des aspirations de l'homme. Parallèlement aux certitudes et aux faits indiscutables de la science moderne se manifeste un esprit d'incertitude et d'attente. C'est presque comme si l'humanité se trouvait devant le rideau d'une scène cosmique, attendant qu'il se lève et qu'il révèle l'acte suivant auquel les hommes pourront participer d'une manière intelligente. C'est une humanité avec un long passé, ayant acquis une grande expérience et accumulé une grande connaissance, qui se tient là, attendant ; mais c'est aussi une humanité qui réalise qu'elle peut être amenée à prendre part à une révélation et à un développement absolument inattendus et pour lesquels son équipement actuel et sa compréhension de la vie peuvent s'avérer inadéquats.
Entre temps, sur cette scène cosmique, la science aborde la vérité de différentes façons, arrangeant les faits connus pour en déduire le prochain développement possible et procédant dans ses diverses branches et champs d'activité à l'élaboration d'hypothèses qui, correctes ou non, valent la peine d'être expérimentées Exprimant ce qui devrait être l'attitude d'esprit de ceux qui étudient tous les champs de la connaissance humaine, Bertrand Russel dit :
"Ce n'est pas la volonté de croire dont nous avons besoin, mais le désir de découvrir, ce qui est exactement le contraire."
Le genre de mental le mieux capable de comprendre cette situation scientifique est, de nos jours, celui qui fait preuve de scepticisme, mais qui cependant est prêt à être convaincu ; agnostique, mais décidé à enquêter loyalement ; posant des questions mais ne refusant pas d'être convaincu si les faits prouvent qu'ils peuvent être démontrés ; et, par-dessus tout, un esprit large qui réalise que la Vérité ne peut être connue que par l'expression de nombreuses vérités. C'est seulement celui dont le mental est étroit, l'homme sans envergure, qui est athée, dogmatique, critique, destructeur, statique, tournant le dos à la lumière et au jour nouveau.
Ce type de mental scientifique, curieux, chercheur, convient particulièrement bien à la psychologie, le rameau le plus ancien de la connaissance, et pourtant celui qui a été le dernier à entrer dans le domaine de la véritable étude scientifique. C'est seulement en étant prêt à considérer ce champ comme un tout, et non pas en se limitant à une seule école et en réservant son opinion jusqu'à ce que davantage soit connu, que le chercheur pourra éviter les dangers qui menacent celui dont la vision est limitée, qui ne voit que ses propres points de vue isolés, mais jamais le panorama dans lequel ils se trouvent, et qui ne s'intéresse jamais qu'aux fractions et aux décimales sans parvenir à une unité intégrale.
Un des signes les plus encourageants des temps actuels est la compréhension grandissante du point de vue oriental et la tendance à l'étudier. La psychologie des deux hémisphères est si complètement différente et leur approche de la vérité si dissemblable, que ce n'est que récemment que la possibilité de leur unité fondamentale a été étudiée et qu'une nouvelle perspective de l'homme et de son milieu peut naître de la fusion des interprétations occidentale et orientale de la vie. Les anciennes interprétations peuvent s'avérer erronées, mais les vérités anciennes demeureront ; les anciennes idées fausses peuvent être reconnues comme induisant en erreur, mais la réalité émettra une lumière et une beauté plus claires. L'union de nos sciences, de nos pensées et de nos déductions différentes peut faire apparaître une nouvelle psychologie basée sur la compréhension, si familière à l'Occident, de la structure de l'homme et sur la compréhension, si familière à l'Orient, de l'énergie, ou esprit, utilisée par l'homme pour animer et diriger son instrument. Ces deux facteurs, la structure et l'énergie motivante, ne s'opposent pas ; elles dépendent l'une de l'autre ; elles présentent une unité essentielle.
La psychologie occidentale s'intéresse surtout à la structure, à l'univers tangible et objectif et à la réaction de l'homme objectif à cet univers. Elle traite l'homme comme un corps animé ; elle met l'accent sur la mécanique de sa nature et sur l'instrument qu'il utilise. Elle est donc de système mécaniste et ne traite que de ce qui peut être l'objet de tests et d'expérimentation. Elle étudie le corps et explique les émotions et la mentalité et même ce qu'elle appelle l'âme, en fonction du corps. Durant indique cette position comme suit : "En ce qui concerne le Soi ou Ame, c'est seulement la totalité du caractère héréditaire et des expériences acquises de l'organisme." C'est en fonction du mécanisme que les différents types et tempéraments sont expliqués. Louis Berman, dans son livre intéressant, résume comme suit cette attitude :
"La parcelle de connaissance la plus précieuse que nous possédions aujourd'hui, relativement à l'homme, est qu'il est le produit de ses glandes à sécrétion interne. C'est-à dire que l'homme, en tant qu'organisme indépendant, est le produit, le sous-produit d'un certain nombre de fabriques de cellules qui contrôlent les parties de sa constitution, comme les différentes divisions d'une fabrique d'automobiles produisent les différentes parties d'une voiture. Ces fabriques de produits chimiques sont composées de cellules, elles produisent des substances spéciales qui agissent sur les autres cellules du corps et ainsi mettent en marche et déterminent les nombreux processus que nous appelons Vie. La vie, le corps et l'âme émergent des activités du limon magique de leur chimie silencieuse, exactement comme l'arbre de cristaux d'étain qui se forme lors de réactions chimiques amorcées par un courant électrique dans une solution de sels d'étain.
L'homme est réglé par ses glandes à sécrétion interne. Au début de la troisième décennie du vingtième siècle, après avoir lutté pendant au moins cinquante mille ans pour se définir et se connaître, l'homme peut accepter cela comme étant la vérité sur lui-même. C'est une opération mentale qui a de profondes implications ; c'est une implication valable, appuyée par une multitude de faits détaillés." (Berman Louis, The Glands Regulating the Personality.)
Ainsi donc, la psychologie occidentale met l'accent sur le côté physique et sur ce qu'on voit et, dans son propre champ d'action, elle est scientifique. Par sa forme même, elle s'oppose aux vagues et rêveuses spéculations du mystique visionnaire. Ses efforts ont abouti à isoler un ensemble de faits qui englobe effectivement la vérité en ce qui concerne l'homme, son comportement et son équipement. Cette connaissance devrait être inappréciable pour la production d'un meilleur mécanisme permettant à une race plus évoluée de fonctionner.
Dans ses écoles les plus extrêmes, la psychologie occidentale est activement déterministe, car elle apparente toute sensation, toute pensée et toute activité au fonctionnement des cellules physiques et des organes du corps. Le libre arbitre est donc en grande partie éliminé et remplacé par l'organisme, le système nerveux et le système endocrinien ; les citations suivantes le démontrent :
"Dans son ouvrage "La psychologie du point de vue du comportement", Watson enseignait que "l'émotion est un ensemble de réactions héréditaires impliquant de profonds changements du mécanisme corporel pris comme un tout, et particulièrement des systèmes viscéral et glandulaire". Il enseigne aussi que "la pensée est l'action du mécanisme du langage, une activité corporelle hautement intégrée et rien de plus" et que, lorsque "nous étudions des processus orporels nous étudions la pensée". Watson ne veut pas dire par-là qu'il dentifie la pensée à l'activité correspondante corticale du cerveau, mais avec tous les processus corporels en jeu qui, implicitement et explicitement, entrent en fonction pour produire le langage parlé, écrit et de signes, c'est-à dire l'activité musculaire de l'appareil vocal, du diaphragme, des mains, des doigts, des mouvements des yeux, etc. (Prince, Morton, Psychologies of 1925.)
"La psychologie étudie le monde par l'homme, c'est-à dire qu'elle étudie l'expérience comme dépendant du système nerveux, tandis que la physique étudie l'expérience comme existant indépendamment du système nerveux. Il faudrait donc inclure la psychologie parmi les sciences générales, comme une discipline qui dévoile les traits généraux du mental et qui définit celui-ci comme "la totalité de l'expérience humaine considérée comme dépendant d'un système nerveux (...) La psychologie étudie la totalité de l'environnement considéré comme existant seulement au moment où il affecte le système nerveux (humain), tandis que la physique étudie la totalité de l'environnement comme existant au-delà du moment où il affecte le système nerveux (humain).
Troisièmement, la foi du mécaniste implique deux hypothèses qu'il faut soigneusement distinguer ; car l'une peut être fausse même si l'autre est juste. Ces deux hypothèses sont, la première, que tous les processus du monde appartiennent fondamentalement à une seule catégorie, et la deuxième, que tous ces processus appartiennent à la catégorie communément admise par les sciences physiques dans leurs interprétations concernant la nature inorganique, c'est-à-dire des événements d'ordre mécaniste, ou strictement déterminés et par conséquent strictement prévisibles." (Mc Dougall William, Psychologies of l925, p. 303.)
Herman Rubin dit, "l'apparence physique de l'individu, ses traits psychiques ou ce qui pourrait être appelé la chimie de son âme, sont démontrés, [20@22] dans une large mesure, par le caractère et par la quantité des sécrétions internes de ses diverses glandes." (Rubin Herman, Your mysterious glands, p. 54.)
Certaines écoles vont jusqu'à nier l'existence de la conscience et à la considérer comme étant inhérente à la matière ; le chercheur oriental dirait qu'elles le font avec raison. Leary dit que "la conscience caractérise les nerfs comme la vibration caractérise d'autres formes de matière". (H. Leary Daniel, Modern Psychology, normal and abnormal, p 116.)
Ailleurs, la conscience est définie comme "une intégration et une succession complexes d'activités corporelles qui sont, soit étroitement apparentées aux mécanismes du verbe et des gestes, ou bien qui les impliquent et, partant, déterminent le plus souvent l'expression sociale". (S. Hunter Waltet, Psychologies of 1925, p. 91.)
Watson avertit le lecteur qu'il ne trouvera pas d'exposé concernant la conscience, ni de référence à des expressions telles que sensation, perception, attention, volonté, image et autres choses semblables. "Ces termes, dit-il, ont bonne réputation mais j'ai découvert que je peux m'en passer aussi bien pour poursuivre une investigation que pour présenter à mes étudiants la psychologie comme un système. Franchement, je ne sais pas ce qu'ils veulent dire et je ne pense pas que qui que ce soit d'autre puisse les utiliser". (11 Psychologies of 1925, p. 201.)
Finalement, on nous dit que "lorsque la psychologie sera complètement séparée de la psyché, alors nous pourrons mettre de côté les termes "conscience", "mental" et "mémoire". Le comportement humain aura alors une base scientifique et ne sera plus une branche de la littérature ou une spéculation philosophique ou religieuse. Le "mental" cédera la place à la personnalité, la "conscience" en général à des manifestations spécifiques de comportement appris et la "mémoire" à l'appel d'une quelconque partie du tissu musculaire strié ou lisse de l'individu." (Dorsey Georges A., Why we behave like human beings, p. 333.)
Cette tendance très matérialiste de la psychologie occidentale est d'autant plus surprenante lorsque nous nous souvenons que le terme "psychologie" dérive du terme "logos", mot qualifiant la psyché ou âme.
Il y a cependant en Occident des voix opposées. C'est le cas de l'école de psychologie introspective, et aussi de l'école mentaliste. Elles admettent l'existence de la conscience et supposent une entité consciente. Leary définit ainsi ces groupes :
"Le partisan de l'introspection s'intéresse à la conscience, à la connaissance, au Soi, aux images du Moi et à bien d'autres choses qu'ignore, ridiculise et refuse le partisan de la théorie du comportement qui a été soumis à un strict entraînement et à une technologie rigide (...) Le partisan de l'introspection tourne son attention vers l'intérieur ; il se souvient, il fait des comparaisons mentales, puise ses informations dans la communion avec le soi et demande aux autres de faire de même. Le partisan de la théorie du comportement traite théoriquement l'animal humain comme il traiterait n'importe quelle forme de vie inférieure ; il observe simplement les réponses évidentes et objectives de l'animal d'une manière assez semblable à celle d'un physicien ou d'un chimiste observant dans son laboratoire les réactions des corps et des composés. En outre, l'école subjective peut se montrer ultra-rationnelle et systématique, l'école du comportement, plus empirique et pragmatique…
"Le partisan du mental soutient que l'activité psychique n'est pas le simple reflet de l'activité physique ; qu'outre le corps et le cerveau et les dépassant, il existe quelque chose de différent, sur un niveau également différent, qu'il soit appelé mental, esprit, conscience ou autrement.
La pensée n'est pas le résultat du fonctionnement de la matière. D'un autre côté, les matérialistes, tout en ayant leurs différences, prétendent exactement le contraire, c'est-à-dire que tout est physique, que toute conduite humaine, qu'elle soit pensée, sensation, émotion, activité musculaire ou activité nerveuse, est due au fonctionnement de cellules physiques matérielles, et que, sans une telle structure, il ne peut y avoir aucune activité.
Ce qui agit, quel qu'il soit, est physique, quelle que soit la manière dont il agisse. D'un côté nous avons donc un pouvoir ou esprit qui informe et utilise les structures du corps physique et, de l'autre, nous avons, comme seule et indispensable base, une structure de fonction et cela malgré le caractère complexe, délicat et noble que peut avoir cette fonction du point de vue de la moralité et de la religion." (Leary Daniel B., Modern psychology, normal and abnormal, pp. 6-7.)
Les partisans de l'introspection et du mental n'ont pourtant pas donné une preuve scientifique de leur point de vue ; leur position se trouve encore affaiblie par l'existence des nombreux groupes divisant la psychologie. W. Hocking, d'Harvard, dit :
"C'est vrai, la psychologie ne s'exprime pas par une seule voix. Il existe une psychologie dynamique et une psychologie basée sur le dessein, une psychologie de la Gestalt, une psychologie des réactions, une psychologie freudienne, une [20@25] psychologie structurale, une psychologie du comportement et bien d'autres écoles.
Elles présentent des images différentes du soi. Mais elles ont toutes un net aspect physiologique. Nous pouvons choisir la théorie du comportement comme un excellent exemple car c'est elle qui va le plus loin." (Hocking Wm. E. Self, Its body and freedom, pp. 17-18.)
M. Prince nous offre le tableau suivant de la façon dont la psychologie est divisée :
"Les psychologues sont divisés en trois groupes, celui des psychologues du soi, celui des psychologues qui ignorent le soi et celui des psychologues qui se tiennent entre les deux. Le premier groupe maintient que le contenu de chaque processus conscient inclut un soi, la connaissance du soi et la conscience du soi. Par conséquent, toute conscience est une conscience ou connaissance de quelque chose par un soi.
"Le second groupe prétend être incapable de trouver un soi quelconque, ou une conscience de soi par l'introspection ; il nie son existence et soutient que les processus mentaux fonctionnent sans aucune réalité semblable. Le "Moi" et le "Vous" ne sont que des expressions rendues obligatoires par les besoins du langage." (Prince Morton, Psychologies of 1925, p. 223.)
Dans son ensemble, la psychologie occidentale est nettement matérialiste ; elle est mécaniste, florissant dans une époque de machines.
La position du psychologue mécaniste occidental est donc très forte, car elle est fondée sur des vérités connues et sur des faits prouvés. Il peut faire la preuve de sa position et citer ses exemples ; sa connaissance du mécanisme de l'homme, qu'il considère comme étant l'homme entier, est basée sur une expérimentation et des tests qui aboutissent à des résultats objectifs et tangibles.
Ce qu'on peut immédiatement critiquer dans cette psychologie matérialiste, c'est l'importance presque exclusive que le psychologue occidental accorde à ce qui est anormal, déficient et pathologique.
L'individu supra normal, le génie, et celui qu'on dit hautement spirituel ont été négligés et une grande partie de ce qui est beau, essentiel et vrai pour l'homme ordinaire est rejeté. Si le Christ avait été psychanalysé, il se serait certainement vu classé comme souffrant d'un "complexe de Jéhovah" et regardé comme sujet à des hallucinations. Pourtant, Sa structure et la qualité de la "conscience caractérisant Son système nerveux" étaient tels qu'Il a imposé Sa marque sur les temps. Comment une telle structure peut-elle être reproduite ? Que faire pour reproduire un mécanisme semblable ?
La psychologie moderne est seulement au seuil de son développement et Walt Whitman voit ainsi le champ élargi :
"Vive la science positive ! Vive la démonstration exacte ! Vos faits sont utiles, mais pourtant ils ne sont pas ma demeure. Par eux, je ne fais qu'entrer dans un coin de ma demeure." (Whitman Walt, Leaves of Grass, p. 10.)
En net contraste avec l'Ecole occidentale se trouve l'Ecole orientale, de laquelle les partisans occidentaux de l'introspection et du mental ne sont qu'un pâle reflet. La psychologie orientale traite de ce qu'elle estime se trouver derrière la forme. Elle est spirituelle et transcendante.
Elle admet l'existence d'une âme et d'un esprit, et toutes ses déductions et conclusions sont basées sur cette prémisse Elle admet parfaitement la forme et la structure, mais elle met l'accent sur celui qui utilise la forme et l'énergie avec lesquelles il va de l'avant. C'est la psychologie de la vie et de l'énergie.
Cela a été la pensée de l'Orient depuis des temps immémoriaux ; et est dépeint clairement dans cet écrit vénérable de l'Inde, La Bhagavad Gîta :
"L'Esprit suprême, ici dans le corps, est appelé le Spectateur, le Penseur, le Défenseur, le Dégustateur, le Seigneur, le Soi le plus élevé.
Illuminé par le pouvoir qui réside dans tous les sens, et pourtant libre de tous les pouvoirs des sens, détaché, supportant tout, non divisé en pouvoirs, et pourtant jouissant de tous les pouvoirs.
A l'extérieur et à l'intérieur de tous les êtres, immobile, mais en mouvement, ne pouvant être perçu, est Cela ; à cause de sa subtilité, Cela se trouve loin et pourtant tout près. XIII : 22, 14, 15.
Ces corps temporels appartiennent au seigneur éternel du corps, impérissable, immensurable. II : 17.
Ils disent que les pouvoirs des sens sont supérieurs aux objets ; qu'aux pouvoirs des sens, l'émotion est supérieure ; qu'à l'émotion, la compréhension est supérieure ; mais, supérieur à la compréhension, il y a Lui. III : 42."
La psychologie orientale traite donc de la cause, du créateur, du soi, que ce soit le soi humain divin fonctionnant dans son propre petit univers d'activité mentale, émotionnelle et physique, ou que ce soit le grand Soi en qui tous les petits soi ont la vie, le mouvement et l'être. Elle revendique de grands Démonstrateurs et a donné des hommes qui disent connaître le Soi et, par cette connaissance, qui sont en rapport avec le Soi subjectif, avec l'Ame adombrante. Ils déclarent que ce qu'ils avancent peut être démontré et prouvé par ceux qui étudieront leurs méthodes et qui se soumettront à leur entraînement spécial. Dans la sphère du Soi qui confère l'énergie, de l'esprit qui se trouve derrière le Soi et au-delà, leur position est aussi claire que celle du psychologue occidental dans le domaine de la forme qui reçoit l'énergie.
Les défauts des deux systèmes sont évidents et, dans les deux cas, donnent des résultats déplorables. L'Occident met l'accent sur le mécanisme ; il tend à nier l'existence de l'âme et d'une puissance intelligente et motrice. Pour lui, l'homme n'est que la poussière et l'esprit de Dieu n'a jamais été insufflé dans ses narines. L'Orient admet l'existence du physique, mais il le méprise et, ce faisant, il porte la responsabilité des misérables conditions physiques de l'Orient. Aussi sérieux que soient ces défauts, n'est-il pas vrai que dans ce domaine aussi l'union fait la force ?
Si le Soi existe – et ceci doit être démontré – et s'il est l'Ame divine consciente, n'est-il pas capable d'être conscient du plan physique aussi bien que de son affiliation divine ? Si ce Soi est l'énergie dominante qui produit toutes les manifestations – et ceci devrait aussi être prouvé – cette énergie ne peut-elle être adaptée à la structure qu'elle utilise d'une façon assez sage et assez significative pour parvenir aux meilleurs résultats possibles ? Est-ce qu'on ne pourrait pas amener à fusionner d'une manière intelligente la connaissance scientifique de l'Occident sur la forme, et la sagesse accumulée et héritée de l'Orient sur la nature de l'âme ? Ainsi, on pourrait obtenir une parfaite expression de l'âme au moyen de son mécanisme. La matière ne peut-elle s'élever vers le mental, vers l'âme, vers l'esprit – peu importe le nom qu'on lui donne – et l'esprit ne pourrait-il faciliter cette envolée, perfectionner le véhicule au moyen duquel il se manifeste et irradier de manière plus éclatante ?
C'est dans cet espoir que j'écris cet ouvrage : coordonner la psychologie matérialiste et la psychologie introspective, établir l'harmonie entre l'Occident et l'Orient, et indiquer ainsi que la force et la réalité résident en leur union.