33. Toutes choses peuvent être connues dans la vive lumière de l'intuition.

 

Trois aspects de la connaissance sont associés à la lumière dans la tête.

Premièrement, la connaissance que peut posséder l'homme ordinaire et que le mot théorique exprime peut-être le mieux. Elle rend l'homme conscient de certaines hypothèses, possibilités et explications.
Elle lui donne la compréhension de certaines voies, moyens et méthodes et le rend apte à faire le premier pas vers les constatations et réalisations correctes. Ceci est vrai de la connaissance dont traite Patanjali. En agissant d'après cette connaissance et en se conformant aux exigences de l'investigation et du développement visés, l'aspirant prend conscience de la lumière dans la tête.

En second lieu, la connaissance sélective est le type de connaissance qu'utilise ensuite l'aspirant. Ayant pris contact avec la lumière, il l'utilise et le résultat en est que les couples de contraires deviennent apparents, la dualité connue, et que la question du choix intervient. La lumière divine est projetée sur les deux côtés du sentier, étroit comme le fil du rasoir, que l'aspirant tente de fouler, et au début, ce "noble sentier médian" n'est pas aussi apparent que ce qui se trouve de l'un et l'autre côté. Par l'adjonction à la connaissance sélective de l'impassibilité, ou non-attachement, les obstacles s'effritent, le voile qui cache la lumière s'amenuise de plus en plus ; puis, en définitive, la troisième lumière, ou lumière supérieure, est atteinte.

Troisièmement, la "lumière de l'intuition" est l'un des termes qui peuvent s'appliquer à ce type de connaissance qui illumine. Elle résulte de la marche sur le sentier et de la sujétion des couples de contraires ; elle est aussi le signe avant-coureur de la complète illumination et de la pleine lumière du jour. Ganganatha Jha, dans son bref commentaire, touche à ces trois faits. Il dit :

"L'intelligence est l'émancipatrice, l'annonciatrice de la connaissance sélective, comme l'aube précède le lever du soleil. Ayant obtenu la pénétration intuitive, le yogi en arrive à connaître toutes choses."

Ces éclairs d'intuition ne sont au début que de vives lueurs d'illumination qui jaillissent dans la conscience mentale et disparaissent presque instantanément. Mais leur fréquence s'accroît, et quand l'habitude de la méditation est entretenue, ils persistent pendant des laps de temps de plus en plus longs, lorsque la stabilité du mental est acquise. Graduellement, la lumière s'irradie en un flux continuel, jusqu'à ce que l'aspirant chemine dans la pleine lumière du jour. Quand l'intuition commence à fonctionner, l'aspirant doit apprendre à l'utiliser, en projetant la lumière qui est en lui sur tous les sujets "obscurs, subtils et distants", élargissant ainsi son horizon, résolvant ses problèmes et accroissant son efficacité. Ce qu'il voit et touche grâce à l'emploi de cette lumière spirituelle doit alors être consigné, compris et adapté à l'usage qu'en fera l'homme sur le plan physique, par l'entremise de son cerveau. C'est ici que le mental rationnel a son rôle à jouer, rôle consistant à interpréter, formuler et transmettre au cerveau ce que l'homme véritable, l'homme spirituel sur son propre plan, sait, voit et comprend. Ainsi cette connaissance devient, en pleine conscience de veille, disponible pour le fils incarné de Dieu, l'homme sur le plan physique.

Un autre côté de cette question, tout aussi vrai et nécessaire, nous est décrit par Charles Johnston à la page 123 de son édition. Il dit :

"Ce pouvoir divinisant de l'intuition est le pouvoir qui gît au-dessus de ce qu'on nomme le mental rationnel et il lui est sous-jacent ; le mental rationnel formule une question et la soumet à l'intuition, laquelle donne une réponse juste, souvent immédiatement déformée par le mental rationnel, mais cependant contenant toujours un fond de vérité. C'est par ce processus, au moyen duquel le mental rationnel apporte à l'intuition des questions à résoudre, que s'obtiennent les vérités de la science, les éclairs de la découverte et du génie. Mais le travail de ce pouvoir supérieur n'est pas nécessairement subordonné à ce qu'on nomme le mental rationnel ; il peut actionner directement, en tant qu'illumination totale, "la vision et la faculté divines"."