9. La séquence des états mentaux se déroule comme suit : le mental réagit à ce qui est vu ; il s'ensuit alors la phase de la maîtrise mentale ; puis vient la phase ou la chitta (substance mentale) réagit à ces deux facteurs. Ceux-ci finalement disparaissent et la conscience qui perçoit se donne libre cours.
Si l'étudiant veut bien prendre connaissance de l'une quelconque des traductions des sutras, il verra que celui-ci est traduit de diverses façons et que la plupart des traductions sont extrêmement ambiguës ; ce qui peut être illustré par la traduction suivante de Tatya :
"Provenant des deux séries de la pensée auto-reproductrice résultant du Vyutthana et du Nirodha (respectivement) ; lorsque le premier est subjugué et le second manifesté et qu'au moment de la manifestation, l'organe interne (chitta) est impliqué dans les deux séries, les dites modifications de l'organe interne constituent alors la modification de la forme de Nirodha."
Les autres sont encore plus vagues, à l'exception de la traduction suivante que nous donne Johnston, laquelle jette une grande lumière sur l'idée dont il s'agit :
"Résultant des degrés ascendants, la maîtrise se développe. Il y a d'abord la domination sur l'impression mentale d'excitation. Il s'ensuit la manifestation d'une impression mentale de maîtrise, suivie, après la phase de maîtrise, par la conscience perceptive. C'est là le développement de la maîtrise."
La manière la plus simple de comprendre cette idée est peut-être de se rendre compte que l'homme, en son cerveau physique, est conscient de trois facteurs lorsqu'il tente de méditer :
1.
Il est conscient de l'objet de sa méditation. Ceci excite ou impressionne son mental, met en activité les "modifications du principe pensant" – ou stimule la tendance qu'a le mental à créer des formes-pensées – et précipite la chitta (substance mentale) en des formes correspondant à l'objet vu.
2.
Il prend alors conscience de la nécessité de vaincre cette tendance, faisant ainsi intervenir l'action de la volonté ; il stabilise et maîtrise la substance mentale, de sorte qu'elle cesse de se modifier et d'assumer une forme.
A force d'efforts fermes et persévérants, le caractère de séquence que présentent ces deux états de conscience est soumis à une compensation graduelle qui, en temps voulu, les rend simultanés. La récognition d'un objet et la maîtrise immédiate de la chitta réactive ont lieu comme en un éclair. C'est l'état nommé techniquement "nirodha".
Il faut se souvenir que (selon Vivekananda) :
"S'il y a une modification qui incite le mental à s'élancer au-dehors par la voie des sens, et que le yogi tente de la maîtriser, ce contrôle même constituera une modification."
L'empreinte de la volonté sur le mental amènera tout naturellement le mental à assumer la forme qui s'impose à lui, et il sera précipité en une modification dépendant largement du point d'évolution atteint par l'aspirant, de la tendance de ses pensées quotidiennes et de la mesure de son contact égoïque. Ceci n'est pas la forme correcte et élevée de la contemplation ; elle n'en est qu'un des stades de début, très supérieur cependant à la concentration et à la méditation avec semence, telle qu'elle est généralement comprise, car il est inévitablement suivi par le troisième stade, qui présente un grand intérêt.
3.
Il glisse soudain hors de l'état de conscience inférieur et devient conscient de son identité avec celui-qui-perçoit, le penseur sur son propre plan ; du fait que le mental est maîtrisé et que l'objet perçu ne provoque aucune réaction, la véritable identité est alors à même de percevoir ce qui, jusqu'alors, était voilé.
Il faut cependant établir clairement que celui-qui-perçoit sur son propre plan a toujours été conscient de ce qui est maintenant reconnu.
La différence réside dans le fait que l'instrument – le mental – est maintenant en état de sujétion ; il est donc possible, pour le penseur, d'imprimer sur le cerveau par la voie du mental subjugué, ce qui a été perçu. Simultanément, l'homme sur le plan physique perçoit, lui aussi, la véritable méditation et la véritable contemplation deviennent pour la première fois réalisables. Au début, ce ne sera que pendant une brève seconde. Un éclair de perception intuitive, un instant de vision et d'illumination et tout a disparu. Le mental recommence à se modifier ; il est rejeté à l'activité ; la vision s'évanouit ; l'instant suprême est passé et la porte du royaume de l'âme semble soudain se clore. Mais l'assurance est acquise ; cette échappée sur la réalité a été enregistrée par le cerveau et la garantie de la réalisation future est ainsi reconnue.