DIXIEME REGLE - CONSTRUCTION DES FORMES-PENSÉES

 

 

 

DIXIEME REGLE

 

A mesure que les eaux baignent la forme créée, elles sont absorbées et utilisées. La forme croît en force. Que le magicien continue ainsi tant que le travail est nécessaire. Que les constructeurs du dehors cessent alors leur activité et que les travailleurs de l'intérieur commencent leur cycle.

 

CONSTRUCTION DES FORMES-PENSÉES

 

Dans la dixième règle, sont énoncés deux faits vrais pour toutes les formes et trois importantes injonctions.

Les deux faits sont :

1.
La forme absorbe et utilise les eaux dans lesquelles elle est immergée.
2. Par conséquent, sa force s'accroît.
Les trois injonctions sont :
1.
Que le magicien continue à construire sa forme jusqu'à ce qu'elle soit arrivée à la puissance nécessaire.
2.
Que les constructeurs du dehors cessent alors leur activité.
3.
Que les constructeurs de l'intérieur commencent leur cycle.

Nous avons vu comment, dans le processus de construction des formes-pensées, à un moment donné, la forme devait être orientée dans la juste direction et mise sur le juste sentier pour y exécuter la volonté et le dessein de son créateur. Ce fait a lieu au début du travail et, après le processus d'orientation, le travail de construction continue, car la forme-pensée n'est pas encore prête à une vie indépendante. Il existe une analogie exacte entre la période de gestation d'un enfant et celle d'une forme-pensée. L'importance de la bonne position de l'enfant dans le sein maternel n'est jamais négligée par un bon médecin ; une position défectueuse semblable sur le sentier à suivre vers l'existence manifestée conduit souvent aux difficultés et à la mort. L'analogie est exacte. Comme la naissance est précédée de la "perte des eaux" (en termes médicaux), ainsi il y a une réaction semblable, avant que la forme-pensée produise les effets désirés sur le plan physique. Les eaux du désir deviennent si puissantes qu'elles causent une précipitation et donc l'apparition de la forme d'expression désirée. Prenons les analogies et les faits tels qu'ils sont et étudions-les tant du point de vue du macrocosme que de celui du microcosme.

Notons que la forme absorbe et utilise la substance dans laquelle elle est immergée. Notre système solaire existe parmi d'autres systèmes solaires et il n'est pas le plus grand ; il est un fragment d'un ensemble plus vaste. Cet ensemble, formé de sept systèmes solaires, est lui-même immergé dans les eaux de l'espace et il est né du désir : il est donc un enfant de la nécessité ; il tire sa vie de son environnement. Notre système solaire est parcouru en tous sens par les courants de force qui proviennent de ce que le Traité sur le Feu Cosmique appelle "Celui de qui rien ne peut être dit". Ces courants incarnent Sa volonté et Son désir, expriment Son amour et Sa capacité d'attraction et se manifestent par la grande forme-pensée que nous appelons notre système solaire.

En passant, remarquons que cette Existence est appelée "Celui de qui rien ne peut être dit", non à cause du secret ou du mystère, mais parce qu'il est impossible de formuler une idée sur Sa vie et Son but avant d'être arrivé au terme de l'évolution dans notre système solaire. Notez bien que j'ai dit "notre système solaire" et non pas "notre existence planétaire". Toute spéculation sur Celui qui donne Vie à ces systèmes solaires est une simple perte d'énergie. Sur notre planète, seuls le Bouddha, les Koumaras et le Logos planétaire commencent à être sensibles à l'impulsion dynamique du plus grand Tout ; ils la pressentent seulement, étant encore incapables de la concevoir, car elle est au-delà du mental, de l'amour et de la volonté. Entrent en jeu des facteurs dont nous ignorons les noms, et des tendances trop éloignées pour être entrevues de notre planète.

Nous avons créé un terme que nous nommons éther. En termes occultes, c'est la manière moderne de désigner les "eaux de l'espace", qui sont les eaux du désir dans lequel nous sommes plongés. Il est en constant flux et reflux et il est le courant de vie constitué de quarante-neuf types d'énergies, courant qui passe à travers le lotus égoïque cosmique et, irradiant, alimente, dans la mesure de ses besoins, la forme solaire, planétaire ou humaine dont il est responsable.
Ce sujet est traité dans le Traité sur le Feu Cosmique.

L'homme est immergé dans des forces qui sont pour lui ce que les eaux de l'espace sont pour notre système solaire. Il se trouve, de même que notre soleil et ses planètes, faisant partie d'un tout ; de même que notre système n'est qu'un des sept systèmes qui forment ensemble un seul corps ou expression de la vie manifestée, ainsi le règne humain, dont l'homme est une partie infinitésimale, est un des sept règnes. Ceux-ci sont, dans la vie du Logos planétaire, les correspondances avec les sept systèmes solaires. Quand nous deviendrons sensibles à la vie du Logos solaire qui s'exprime par les sept schémas planétaires, nous aurons atteint la conscience du Logos planétaire de notre schéma, lequel est, dans une certaine mesure, sensible aux vibrations unifiées des vies des sept Logoï solaires.

Poussant plus loin encore l'analogie, disons que le règne humain lui-même est un état de conscience semblable pour l'homme par la force subjective de son existence ; du point de vue de la conscience, il fournit les "eaux de l'espace" dans lesquelles l'homme vit et croît. Ainsi nous trouvons, dans le quatrième règne, des expressions des mêmes sept forces ; quand l'homme s'éveille à la connaissance des sept rayons (ou sept types de force) et qu'il commence à l'utiliser consciemment, il fait le premier pas pour les transcender, les gouverner dans son champ d'activité. C'est ce qui arrive maintenant.
La connaissance des sept types de rayons se répand chez beaucoup de penseurs alors que, dans le passé, elle était la prérogative des initiés. L'astrologie a en soi, latentes, des cognitions dont les disciples se rendront compte et qui les mettront en rapport avec les sept schémas planétaires. Toutefois, le vrai développement de l'astrologie ne peut être espéré avant que la nouvelle ère ne soit en cours et que la nouvelle orientation n'ait été atteinte.

La forme de l'humanité est achevée. L'objectif de la Hiérarchie est qu'elle ait la juste position au sein de la matière avec tout ce que cela implique. Notez bien ces mots. La situation actuelle est critique car l'âme de l'humanité est sur le point de naître. En termes cosmiques, disons que si l'on arrive à diriger correctement les forces du règne humain, il y aura sur la terre une humanité capable de manifester un dessein, une beauté et une forme qui seront la pleine expression de la réalité spirituelle intérieure, et conformes au dessein égoïque.
Des éventualités fâcheuses sont possibles, mais nous ne nous y arrêterons pas, car les grands Frères qui veillent sur l'humanité ont la conviction que les hommes sauront vaincre les difficultés et atteindre le but. Un mot d'avertissement. La Hiérarchie planétaire est, symboliquement, le centre de la tête de l'humanité et ses forces en sont les forces cérébrales. Sur le plan physique, il y a un grand nombre d'aspirants, de disciples en probation, de disciples acceptés qui cherchent à réagir au centre de la tête, les uns consciemment, les autres inconsciemment. Ils viennent des divers domaines d'expression et tous sont créateurs, d'une manière ou d'une autre. Ils constituent ce qui pourrait être appelé symboliquement "la glande pinéale de l'humanité".
De même que cette glande est encore en sommeil chez l'homme ordinaire, de même ce groupe de cellules dans le cerveau de l'humanité n'est pas complètement éveillé, mais il est déjà sensible aux vibrations du centre de la tête, la Hiérarchie occulte. Que les cellules déjà éveillées intensifient leur effort et, par-là, en éveillent d'autres ! Les pionniers de la famille humaine, les savants, les penseurs et les artistes constituent le corps pituitaire de l'humanité.
Ils s'expriment par le mental concret, mais ils manquent généralement de perception intuitive et d'idéalisme qui les mettraient symboliquement, "dans la glande pinéale". Néanmoins, ils sont brillants, expressifs, chercheurs. L'objectif de la Hiérarchie, symboliquement, est de rendre la glande pinéale si puissante, si attractive que le corps pituitaire des cellules vivantes se trouve stimulé et des rapports étroits se créent. L'action sera si puissante qu'un afflux de cellules nouvelles à la glande pinéale s'établira ; en même temps, une forte réaction se produira dans tout le corps, d'où stimulation et élévation de beaucoup de vies qui prendront peu à peu la place de celles qui se fraient un chemin vers le centre des efforts hiérarchiques.

Les "eaux de l'espace", où cette réorientation et ce renversement des tendances a lieu, sont très troubles. Le tourbillon des désirs en conflit dans lequel se trouvent les hommes est tellement chaotique et puissant, que les eaux sont agitées jusqu'en leur profondeur. Ceux qui étudient l'histoire moderne et l'ordre social se trouvent devant des conditions sans précédent correspondant, dans le corps de l'humanité, au bouleversement qui, dans la vie de l'aspirant, précède le passage sur le Sentier du Disciple. Aussi, sans se laisser aller à la dépression ou à trop d'anxiété, il faut seulement désirer ardemment que la transition se fasse en temps voulu, avec ordre, sans être trop rapide, ce qui conduirait à la destruction des justes liens, ni trop lente, ce qui mettrait à dure épreuve la structure si tourmentée de l'humanité. Toutes les nouvelles manifestations, dans tous les règnes, dans toutes les époques, doivent s'accomplir lentement de manière que la naissance se fasse sans danger. Toutes les nouvelles formes, si elles doivent avoir des effets importants et se charger de la force nécessaire pour parcourir tout le cycle de leur vie, doivent être construites dans une subjectivité silencieuse, afin que la construction soit sûre et forte, que le contact intérieur avec le créateur (humain ou divin) et l'exacte imitation du modèle préétabli soient substantiels et durables. Ceci est vrai, qu'il s'agisse de l'univers, d'un règne de la nature ou d'une forme-pensée créée par un penseur.

Dans toute construction de formes, la technique est fondamentalement la même ; les règles et les réalisations peuvent se résumer dans les aphorismes suivants :

"Que le créateur se sache le constructeur et non la construction. Qu'il renonce à se servir de la matière première sur le plan physique, qu'il étudie les modèles et les plans, agissant en tant qu'agent du Mental divin.

Qu'il emploie deux énergies : l'énergie dynamique du dessein conformément au plan, et l'énergie magnétique du désir qui attire les constructeurs au centre de l'effort.

Qu'il applique trois lois : celle de la limitation synthétique, celle de la réaction vibratoire et celle de la précipitation active. La première se rapporte à la vie, la deuxième, à la construction et la troisième produit l'existence manifestée.

Qu'il s'occupe des constructeurs extérieurs, lançant son appel jusqu'à la périphérie de sa sphère d'influence.
Qu'il mette en mouvement les eaux de la substance vivante par son idée et son impulsion, soumettant les constructeurs à son but et à son plan.

Qu'il construise avec jugement et talent, maintenant sa place de dirigeant sans descendre à un contact avec sa forme-pensée.

Qu'il projette, dans le temps et l'espace, sa forme-pensée par la visualisation, la méditation, le talent dans l'action, produisant ainsi ce que la volonté commande, ce que son amour désire et ce que la nécessité crée.

Qu'il retire les constructeurs de la forme extérieure et que les constructeurs de l'intérieur animés de force dynamique la projette dans la manifestation.
Par l'action directe de l'oeil du créateur, les constructeurs intérieurs sont amenés à fonctionner selon la juste action. Par la parole du créateur, les constructeurs extérieurs seront guidés. Par l'oreille du créateur, le volume du plus grand Mot vibre à travers les eaux de l'espace.

Qu'il se souvienne de l'ordre du travail créateur. Les eaux de l'espace correspondent à la parole. Les constructeurs construisent. Le cycle de la création s'achève et la forme est prête pour la manifestation.
Suit le cycle de l'exécution ; sa durée dépend de la puissance des constructeurs intérieurs qui constituent la forme subjective et transmettent énergie et vie.

Qu'il se souvienne que la forme-pensée cesse d'exister quand le but est atteint ou quand l'impuissance de la volonté cause l'insuccès du fonctionnement dans le cycle de l'exécution."

Les étudiants feraient bien d'étudier avec attention ces cycles de construction, d'exécution et de désintégration subséquente, qui s'appliquent tant à un système solaire qu'à un être humain ou aux formes-pensées d'un penseur doté de pouvoir créateur. Le secret de toute beauté réside dans le juste fonctionnement de ces cycles. Le secret de tout succès sur le plan physique réside dans la juste compréhension de la loi et de l'ordre. Le but des efforts de l'aspirant est la correcte construction de formes de substance mentale, se souvenant que "l'homme est tel que sont ses pensées" ; la maîtrise de la substance mentale et la clarté de la pensée sont pour lui des facteurs essentiels au progrès.

Cela se démontre dans l'organisation de la vie extérieure et dans le travail créateur de tout genre : un livre, une œuvre picturale, la bonne marche d'un foyer, une affaire dirigée selon des principes solides et justes, le sauvetage d'une vie, l'accomplissement précis du dharma extérieur tandis que les ajustements intérieurs se poursuivent dans le silence du cœur.

Le travail du disciple prend des dimensions plus amples, car le disciple tend à réaliser le plan et le but de groupe et non seulement à résoudre son propre problème spirituel. Il doit se conformer au dessein dans son cycle et sa période de vie immédiats et subordonner son propre dharma et ses idées personnelles aux besoins et au service de ce cycle. Il doit atteindre à la connaissance, à la force et à la coordination entre le soi personnel et l'âme, ce qui se manifestera par la capacité de construire des formes et des groupes bien organisés sur le plan physique et de les maintenir en cohésion. Il y parvient, non par la force de son caractère et par ses qualités, mais parce que ceux-ci lui permettent d'agir comme transmetteur des énergies de la plus grande vie et de servir, comme collaborateur efficace, le plan dont il ne voit qu'un fragment. Il travaille fidèlement à la construction de ce fragment du grand plan ; vient un jour où la construction est achevée et où il voit l'ensemble. Il s'aperçoit alors qu'il a construit selon le plan et conformément au modèle qu'avaient conçu les architectes (les Frères Aînés) qui, eux-mêmes, sont en contact avec le Mental de l'Existence Unique.

L'application pratique de ces vérités est de la plus grande importance. Il n'y a vie, si limitée soit-elle, ni personne au monde, quelle que soit sa condition, qui ne puisse commencer à travailler avec intelligence et à construire des formes-pensées selon la loi et avec entendement. Il n'est point de jour dans la vie d'un homme – surtout d'un aspirant ou d'un disciple – où il ne puisse travailler avec de la matière mentale, maîtriser sa pensée, surveiller l'effet de ses processus mentaux sur ceux avec qui il entre en contact et employer sa "chitta" (comme l'appelle Patanjali), ou substance mentale, de manière à la rendre de plus en plus utile.