2. Exprimer

2. Exprimer

Nous en arrivons maintenant au second mot de la quatorzième règle destinée aux disciples et aux initiés, le mot Exprimer. Celui-ci ne peut pas être correctement compris, séparé du mot précédent, communiqué aux postulants – le mot Toucher.

Notez, je vous prie, que tous les mots donnés au néophyte se rapportent fondamentalement à ce qu'il doit faire vis-à-vis de lui-même, à une tâche qu'il doit entreprendre et qui le rendra apte à progresser, ou à un processus de compréhension qui lui permettra de fonctionner au sein d'un mécanisme meilleur et plus sensible.

Ce stade pourrait s'appeler la "phase de l'introversion" dans l'entraînement, car elle conduit le disciple  en puissance à une meilleure connaissance de lui-même ; il saisit le fait que lui, le microcosme, est la clé du macrocosme, qu'il est la clé de l'avenir et qu'il porte en lui la révélation, laquelle doit précéder l'action ésotérique. Au contraire, les mots destinés au disciple et à l'initié indiquent qu'il lui est possible de travailler à partir d'un centre profondément ésotérique, d'une manière véritablement occulte. Par là, je veux dire que l'initié, travaillant comme nous l'avons vu à partir d'un point de connaissance, n'est plus centré en lui-même, mais préoccupé maintenant de ce dans quoi il vit, se meut, et a son être. Il s'intéresse au Tout et non à la partie ; il s'intéresse à ce qui va affecter son entourage (aspect de ce Tout vibrant et vivant) et non à lui-même ; sa tâche est la tâche hiérarchique de sauvetage des autres, non son propre salut.

Si vous voulez bien noter vos attitudes et vos actions présentes, vous découvrirez qu'en tout premier lieu (et je pourrais ajouter, presque nécessairement) elles se centrent autour de vous-même, de ce que vous reconnaissez, de ce que vous comprenez de la vérité, et du progrès que vous faites sur le Sentier. Mais – lorsque vous parviendrez au niveau d'initié – l'intérêt porté à vous-même déclinera jusqu'à disparaître et, comme le dit une Expression ancienne, "Seul Dieu restera." Seul CELA – qui est beauté, bonté et vérité – demeurera dans la conscience ; CELA, qui n'est pas la forme, mais la qualité qui est derrière la forme, et indique le destin, l'âme, la place, le niveau. Réfléchissez à ces mots car ils vous décrivent sur quoi plus tard, au fil de l'évolution, vous mettrez l'accent.

En examinant ce mot Exprimer, je crois pouvoir rendre cette distinction un peu plus claire. Quand celui qui débute sur le Sentier réfléchit au sens de l'expression, il se préoccupe de son aptitude à exprimer la vérité qu'il reconnaît théoriquement, mais à laquelle il ne peut pas encore donner de forme. Cela a de la valeur car cela nourrit son aspiration, centre son attention sur lui-même, et accroît son naïf intérêt pour lui-même. Cela entraîne fréquemment des problèmes particuliers, tels que le sens de l'échec ou une impression indue de réussite, ou bien cela ne développe pas un juste sens des proportions.

Cependant, quand l'initié donne à sa conscience l'ordre d'exprimer, il ne s'agit pas pour lui de ce dont il a besoin, mais de l'expression de la vérité dont les autres ont besoin, et qui les guidera sur le sentier. Ce mot lui enjoint donc d'être créateur.

L'initié crée à l'extérieur de lui-même, ce qui est sa contribution individuelle à la totalité des formes créatrices par lesquelles la Hiérarchie s'efforce de créer "un nouveau ciel et une nouvelle terre". Il ne s'occupe pas de ce que lui-même exprime en tant qu'âme au sein d'une personnalité ; il a pris l'habitude d'une juste expression de l'âme dans les trois mondes, et l'apparition de sa qualité (pour en revenir à notre emploi des mots originels – vie,  qualité, apparence) est automatique et ne requiert aucun plan préalable. Néanmoins, il s'occupe de la succession de ses activités que je vais énumérer :

1. Maintien du contact hiérarchique, dont le contact direct et conscient avec l'âme n'est maintenant qu'un corollaire, vu qu'il est devenu une habitude.

2. Perception ininterrompue de sa place ashramique ; je ne parle pas de lieu mais de degré, chose très différente.

3. Concentration réfléchie sur le Plan hiérarchique, dans la mesure où son ashram en a assumé la responsabilité ; il s'efforce de partager cette responsabilité intelligemment et efficacement.

4. Reconnaissance de la contribution immédiate de l'ashram et de sa contribution immédiate, en tant que partie intégrante de l'ashram. Ceci écarte le mysticisme visionnaire et produit l'occultiste actif.

5. Etude de méthodes créatrices de son Rayon particulier et visualisation de ce qui sera exprimé quand le travail créateur aura pris la forme voulue.

6. Projection consciente de sa contribution sur le plan physique extérieur. Un projet de création tangible est entrepris et finalement réalisé.

7. Il joue ainsi son rôle en amenant à l'objectivité l'entreprise créatrice de son ashram.

La semence de ce travail créateur est ce que l'ashram a prévu pour le moment exact du besoin présenté par l'humanité, correcte dans le temps et le lieu. Ceci peut ne pas être ce dont l'humanité croit avoir besoin ; c'est essentiellement ce que la Hiérarchie reconnaît comme facteur indispensable, conduisant au nécessaire progrès de la race humaine, à n'importe quel moment particulier du temps. Par exemple, actuellement, l'humanité pense que son besoin majeur est la paix et le confort matériel, et elle travaille vaguement en ce sens ; la Hiérarchie sait que son besoin majeur est de reconnaître la folie de la séparativité du passé, et le culte de la bonne volonté. C'est vers ces objectifs que les membres des ashrams bandent tous leurs efforts. Donc, la tâche créatrice des disciples et des initiés au travail est de réaliser la présentation (apparition) des vérités nécessaires, de telle manière que la reconnaissance de l'humanité soit si saine qu'une action juste puisse être dûment entreprise.

Les travailleurs hiérarchiques doivent donc  exprimer le vrai besoin de la forme, adapté à la faculté d'enregistrement de l'humanité à ce moment-là.

Le travail d'expression créatrice ne concerne donc pas le développement ou le progrès personnel de l'initié. Il a été accepté dans l'ashram  à cause de son développement et à cause de la contribution qu'il devrait être capable d'apporter au dessein créateur ashramique. Ce qu'il a "touché", en tant que néophyte afin d'acquérir spirituellement ce qu'il pouvait pour lui-même (et sa motivation était juste), est maintenant devenu ce qui doit être exprimé dans son champ de service, exigeant de lui tout ce qu'il possède et ne laissant rien pour le soi séparé.

L'assemblée hiérarchique dresse actuellement les plans d'une grande activité, impliquant tous les ashrams majeurs et mineurs ; le travail de tous les disciples, attentifs et dans l'expectative, est de faire de ce plan créateur une réussite, en l'exprimant pleinement sur le plan physique.

Ils doivent le réaliser par le moyen de leurs activités groupées et unies, qui incarneront l'expression complète de tout ce qu'ils ont acquis, de tout ce à quoi ils sont parvenus lors des stades antérieurs de leur développement individuel. Vous verrez ainsi que, depuis Dieu le Créateur de tout ce qui EST, jusqu'au disciple le plus humble du centre hiérarchique, le thème de la créativité domine et exprime (toujours en termes occultes) l'intention divine. Actuellement, ce que les hommes appellent travail créateur est en réalité une expression d'eux-mêmes, de la beauté telle qu' ils la voient, de la vérité telle qu'ils la saisissent, de la psychologie telle qu' ils l'interprètent scientifiquement. Leur développement spirituel et leur perception intelligente détermineront la qualité et la nature de leur expression, mais ce sera la  leur.

Dans le cas de travailleurs hiérarchiques, cependant, la situation est différente.

Ils travaillent à exprimer ce que l'ashram cherche à exprimer par le truchement de son groupe de travailleurs ; ils s'efforcent d'exprimer le Plan ou ce qu'ils peuvent en saisir ; ils se consacrent à l'expression de l'âme telle que cette âme devrait être connue dans la  [18@296] culture et la civilisation qui est sur le point d'apparaître.

Ils peuvent travailler totalement détachés des intérêts égoïstes ; ils ne revendiquent pas ce qu'ils créent, mais le considèrent comme une expression d'activité hiérarchique ; ils sont libérés de la tendance à s'identifier avec ce qu'ils ont exprimé, mais – ayant créé ce que l'impulsion hiérarchique leur a indiqué – ils passent à une nouvelle expression du dessein dynamique en mouvement constant. Ils ne s'occupent pas de la forme, mais de la vie, de l'organisme plutôt que de l'organisation, d'idées plus que d'idéaux, de vérités essentielles plutôt que de théologies soigneusement formulées.

Le Christ  exprima en lui-même et s'abstint de mettre en forme. Lui-même était la vérité ; inévitablement (à cause de sa vie inhérente) ce qu'Il a exprimé prit forme et a considérablement modifié et coloré la pensée et les projets des hommes, et continuera de le faire de plus en plus. A mesure que l'essence du christianisme se fait jour et s'exprime (et par là détruit le règne des Eglises), vous avez de nouveau une illustration de la vérité sur laquelle je m'efforce d'insister. Dans l'Eglise chrétienne, les hommes ont exprimé eux-mêmes, mais non le Christ ; ils ont imposé leur interprétation de la vérité à la vérité elle-même ; ils ont créé une énorme organisation dans tous les pays, mais il n'y a pas d'organisme vivant. Dans la nouvelle religion mondiale qui est en voie d'apparaître, le christianisme sera exprimé par l'activité créatrice de l'esprit christique, par l'intermédiaire des disciples et des initiés. Nous verrons alors la pleine expression de la vérité hiérarchique dont le Christ est aujourd'hui le symbole et le représentant.

Les néophytes et les aspirants ont "touché" ce que représentait le Christ, puis ont tenté d'imposer leur compréhension du contact qu'ils avaient eu au reste du monde. Les connaissants, disciples et initiés, expriment ce qu'Il représentait, l'amour-sagesse. Ils le font automatiquement et par la force de l'habitude, tout d'abord en eux-mêmes et, finalement, dans le monde extérieur, par une activité créatrice précise, conforme à leurs plans.

Donc, mes frères, devant tout vrai aspirant se présente un stade intermédiaire de décentralisation, de vie spirituelle automatique et d'absorption dans la Hiérarchie par le moyen d'un ashram où il peut apprendre le Plan. Quand cette phase de développement est achevée, le disciple peut alors commencer à travailler créativement, dans la ligne de l'activité hiérarchique.

Lorsque nous examinerons le prochain mot de notre liste, il faudra garder à l'esprit ce que nous avons dit concernant les mots Toucher et Exprimer. On pourrait dire que les mots qui sont donnés aux aspirants et aux postulants sont la semence ou germe des concepts indiqués par les mots destinés aux initiés et aux disciples.

Avant que les premières significations ne soient maîtrisées dans les phases initiales du discipulat, le service illuminé plus tardif – basé sur les mots donnés en dernier lieu – n'est pas possible. Il y a toujours dans l'attitude nouvelle de l'initié, face à la compréhension ésotérique en développement, le fait implicite de la transition entre l'intérêt pour soi-même et l'état de conscience universel ; avec le temps, celui-ci devient l'agent directeur du service individualisé, exécuté sur le plan physique par le disciple. La fusion des deux attitudes – compréhension inclusive et service spécialisé – rend la tâche de l'initié particulièrement difficile. Il doit avoir deux attitudes simultanément, tout en se soumettant à l'entraînement indispensable pour lui permettre de franchir le pas suivant sur le Sentier. C'est seulement pendant la durée de cette phase que l'initié a une impression de triplicité. Ceci est un point important à noter. Gardez-le présent à l'esprit pendant que nous étudions les deux mots suivants : Voir et Révéler.