LE TIBETAIN

LES ENSEIGNEMENTS DU TIBETAIN

CHAPITRE I — LA RECONSTRUCTION MATERIELLE DU MONDE

CHAPITRE I

LA RECONSTRUCTION MATERIELLE DU MONDE


Il est essentiel pour toute personne réfléchie de prendre le temps de méditer sur les sept problèmes mondiaux qui s'imposent à nous. Leur importance est urgente. Certains comportent une solution relativement rapide, à condition d'y mettre du bon sens et de comprendre au mieux son propre intérêt.
D'autres exigent des plans à longue échéance et beaucoup de patience, pendant que les mesures nécessaires seront prises l'une après l'autre, pour amener le réajustement des valeurs humaines et l'inauguration de nouvelles attitudes mentales envers les justes relations humaines. D'autres encore s'achemineront pas à pas, très graduellement, vers leurs solutions, que peut seul apporter l'immuable processus de l'évolution. Ce processus a conduit l'humanité du stade de l'instinct primitif au point où le citoyen moyen peut discuter et examiner ces problèmes d'ordre planétaire. La constatation d'un pareil accroissement de la conscience humaine et la différence qui existe manifestement entre les primitifs et notre humanité moderne et intelligente constitue le fondement d'un optimisme inébranlable au sujet de la destinée humaine.

Les horreurs de la guerre, le mal à l'état pur commis par les forces mauvaises et l'écroulement complet d'une civilisation élaborée au cours de l'ère chrétienne et basée sur les époques préchrétiennes, suscitent naturellement de sombres doutes et souvent une profonde inquiétude concernant les bases du développement humain, accompagnés d'un extrême découragement.
Cependant, ceci se produit seulement quand les événements immédiats font écran à la longue histoire du développement humain et oblitèrent le souvenir des changements qui, à travers de longues périodes, ont transformé la conscience humaine. Ceux-ci conditionnent, au fond, les objectifs de l'homme, ses contacts et replacent dans leurs justes perspectives les réactions de la race humaine. Aujourd'hui, les hommes raisonnent à l'échelle planétaire ; la nécessité de chasser pour se procurer leur nourriture quotidienne ne les préoccupe plus, comme le sauvage dans ses forêts primitives. Ils apprennent les événements se déroulant dans les pays éloignés et ne connaissent pas uniquement les nouvelles de la grotte de la tribu. Ils ne sont plus à présent les esclaves d'un aveugle instinct, ni jetés dans l'action par des réactions physiques et momentanées, mais se montrent capables de prévoyance, de calculs précis et intelligents, d'une collaboration organisée et d'une pénétration psychologique indispensable à bien mener leurs plans et leurs projets. Tout cela implique des rapports étendus avec autrui, aussi bien dans le propre groupe social, économique ou commercial qu'avec les habitants des antipodes.

Aux déplacements lents et limités des races primitives de l'humanité ont succédé aujourd'hui la vitesse et les déplacements rapides, d'une rapidité presque incroyable, les facilités de transport qu'offre l'avion, volant à huit cents kilomètres a l'heure et davantage. Les sons grossiers et le vocabulaire restreint des races primitives se sont développés pour aboutir aux systèmes compliqués de langage des nations actuelles. Les divers moyens de communication primitifs, feu ou tamtam, ont cédé la place au télégraphe, au téléphone, à la radio ; le canot creusé dans un tronc d'arbre des insulaires sans culture s'est transformé peu à peu jusqu'au grand paquebot élancé, qui cingle d'un port à l'autre en quelques brèves journées. Les antiques modes de locomotion, à pied, à cheval ou en chariot ont disparu devant les trains, filant à travers les continents à plus de cent vingt kilomètres à l'heure. Aux anciennes et frustes civilisations ont succédé les civilisations compliquées, avec leurs organisations modernes sociales, économiques et politiques. La culture du passé, les arts, la littérature, la musique et la philosophie de tous les temps se trouvent aujourd'hui à la disposition du citoyen moyen. Il ne peut éviter d'en savoir quelque chose.

J'ai indiqué tous ces contrastes comme préliminaire à notre examen du problème humain le plus immédiat, afin de le situer en perspective et sur un fond qui inspirera espoir en l'avenir et confiance dans les fins dernières de l'homme. Il faut pénétrer dans le futur par la porte d'une solide foi en l'intégrité et la vitalité de l'humanité et la certitude que l'homme avance vers la gloire et le service de la planète, vers un destin et un avenir auxquels l'a préparé son passé plein de difficultés et de souffrances. En vérité, ce passé ressemble plus au stade prénatal qu'au processus normal de l'existence. Introduction à une vie plus riche et plus éclairée, il ne représente peut-être que la période préliminaire d'une culture et d'une civilisation, qui contribueront à la gloire de Dieu, en constituant un témoignage vivant de la divinité de l'homme. Pareil tableau n'emprunte pas ses brillantes couleurs à un désir imaginaire, c'est une réalité en germe, dont les racines plongent dans le passé et qui s'épanouira dans l'avenir.

Il importe toutefois de se rappeler deux choses. Le processus de la naissance n'est jamais agréable. La naissance de l'ère nouvelle et d'une civilisation neuve et plus appropriée ne font point exception à cette règle. Un germe poussé à travers les âges va pointer dans la lumière. Des ténèbres du passé naîtra un monde nouveau et meilleur. Quand les misères et l'agonie de cet accouchement seront terminées, une humanité neuve exercera son activité sur la terre, une race humaine renouvelée par son orientation différente.

En second lieu, il a fallu détruire ce que l'homme avait édifié, dont il se contentait et se félicitait même, ne connaissant rien de mieux. Cela, il doit le détruire si totalement, que, lors de la recréation, les différences dans l'aspect physique seront vitales et significatives, tout en marquant une amélioration notoire. L'esprit vivant et éveillé de l'homme exige un monde extérieur nouveau. D'où la nécessité des destructions contemporaines, pour forcer sa main tout en répondant à ses besoins. Nous avons assisté à la destruction sans précédent de la majorité des formes anciennes, qui abritaient notre civilisation passée. Une triple reconstruction incombe à l'homme, sur le plan physique, sur le plan psychologique et sur le plan spirituel. Il faut se souvenir que les formes sont le signe extérieur et visible d'une réalité intérieure et spirituelle. On distingue aujourd'hui l'influence de deux grands mouvements, qui se font sentir chez les hommes ; l'un accuse le besoin d'une transformation physique et l'autre indique la réalité de l'éveil spirituel qui se manifeste partout à présent et va permettre un nouvel accès à la divinité.

Un des remarquables bienfaits de la dernière guerre (si l'on voit loin) et l'un de ses drames les plus torturants (en regardant de trop près) a été la destruction de tant de vieilles villes [7@24] et de centres où se massaient les habitations. Les parties de la planète d'un développement plus récent, telles l'Amérique du Nord, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, ont échappé à la destruction de leurs grandes villes. Elles n'avaient, en effet, guère besoin d'être détruites, étant bâties selon les conceptions nouvelles, et ne se dressaient point sur les caves, les cryptes et les égouts du passé, comme les cités d'Europe et d'autres pays plus vieux encore. Elles sont bâties sur un sol pour ainsi dire vierge. Mais les principales villes d'Europe sont d'une extrême vétusté ; il était essentiel de les détruire et leur destruction sur une grande échelle, actuellement trop familière, sera considérée plus tard comme d'une importance primordiale, vitale et bienfaisante aussi.

Le monde futur sera très différent de celui du passé. Le culte de ce qui est ancien, le goût moderne pour les antiquités auront perdu leur séduction pour les générations à venir. C'est déjà évident. Désormais, hommes et femmes regarderont en avant et ne seront point réactionnaires. Créateurs dans un sens nouveau, ils produiront une beauté, une symétrie et une disposition harmonieuse, inimaginable de nos jours. Ils ne se soucieront de rien, sauf de préserver une beauté exceptionnelle, ou ce qui présente de l'importance au point de vue spirituel (je ne parle pas ici de religion). Les modes de vie si recherchés actuellement leur paraîtront étranges et surannés, aussi bizarres que nous sembleraient maintenant les demeures des anciens habitants de la Grande-Bretagne ou des premiers Romains.

Le feu du ciel a été déversé au plus profond des grandes villes d'Europe, déterrant des maux séculaires, amenant à la lumière le fondement des édifices, nécessitant des plans nouveaux, des constructions neuves et obligeant à rebâtir des villes entières, dans de nombreux pays. C'est excellent. Mais cette terrible destruction ne paraît pas si favorable aux hommes et aux femmes qui y assistaient et étaient accoutumés de vivre à l'ancienne mode.

Si considérables seront changements et différences – nécessaires – qui remplaceront le vieux, l'antique, le cher passé, qu'ils donneront aux villes ni détruites ni donc nettoyées par le feu purificateur, des raisons de regretter d'y avoir échappé. La sagesse leur conseillera de détruire les vieux quartiers sales et insalubres pour reconstruire en remplaçant les anciennes agglomérations d'habitations humaines par des bâtiments mieux accordés aux besoins d'existence de l'humanité. 

Tout cela est déjà arrivé auparavant, mais non à l'échelle planétaire.
D'antiques métropoles aux immenses populations reposent aujourd'hui sous la surface de la terre, oubliées et inconnues jusqu'à ce jour. En leur temps, elles faisaient l'admiration du monde ; maintenant, disparues à nos yeux, elles apparaîtraient étrangement mal adaptées aux besoins de l'homme moderne, si elles resurgissaient. Un processus de destruction plus rapide s'est manifesté au cours des quarante dernières années. Un nouveau réseau planétaire de villes d'une conception moderne, débarrassées des anciennes souillures et des dispositions néfastes, va couvrir la terre durant les trois cents prochaines années. La Grande-Bretagne a eu moins de villes détruites à déplorer que l'Europe continentale. Certaines, telles Coventry, étaient en ruines et de vastes quartiers de Londres ont été dévastés, mais ce pays est relativement petit. Les reconstructions se conformeront plus tard aux idées nouvelles ; reléguant dans le passé leurs mœurs conservatrices et réactionnaires, les Britanniques construiront leurs cités selon les plans d'urbanisme qui émergent dans un monde nouveau. Ils pourraient montrer la voie au monde dans sa tâche de reconstruction.

Des cités comme Paris et Rome ont été épargnées ; peut-être Français et Italiens considéreront-ils cela plus tard comme un immense désastre. Caché dans les entrailles de ces villes, comme dans bien des vieilles cités de diverses parties du monde, se dissimule un domaine du mal, où se perpètrent d'antiques péchés. La purification y serait fort nécessaire. Le mal accumulé dans d'autres villes a été mis à jour et dissipé. L'Allemagne a vu ses plus grandes villes réduites à des décombres. La concentration du mal par la Loge Noire s'est poursuivie pendant longtemps en Allemagne, aussi cet infortuné pays a-t-il subi la plus complète dévastation. L'Allemagne peut et doit reconstruire. Il est intéressant de se souvenir qu'avant la guerre, l'Allemagne, d'instinct, quoique inconsciemment, pourvoyait à ses besoins futurs et menait le mouvement avancé de l'architecture moderne, où la lumière joue un rôle prépondérant, et dont le style est discret, simple, géométrique.

Les plans et les buts planétaires, du point de vue matériel, pénètrent maintenant dans la sphère de conscience du monde pensant. Ces plans et ces buts vont participer à la reconstruction des villes, contribuer à faire abattre et détruire ce qui ne s'harmonise pas avec les styles nouveaux et se manifester par la création de nouveaux centres de population, où s'exprimeront l'art, le style, la culture et la tendance particuliers à chaque nation et à chaque peuple.

La note dominante de la nouvelle architecture sera une simplicité quasi géométrique. L'accent sera mis sur une abondante lumière, sur l'utilité pratique et à la compréhension raisonnée des besoins de l'homme se joindra l'intention de faciliter les loisirs culturels.

L'étude des problèmes de l'humanité ne m'oblige évidemment pas à traiter du mécanisme de la reconstruction des cités futures selon une structure moderne. Un procédé de nettoyage remarquable et efficace est promis à l'humanité. Les cités du passé sont réduites à des décombres, elles se sont écroulées en poussière sous le poids des bombes des Forces de Lumière et sous l'effet des explosifs lâchés non seulement par les avions, mais aussi par l'artillerie lointaine. L'occasion s'offre au monde, en les rebâtissant, d'adopter une note nouvelle et de donner corps à un thème neuf dans la vie quotidienne.
C'est le moment d'apporter eau, lumière et hygiène dans les foyers où elles sont demeurées inconnues jusqu'ici. Les taudis, jamais aménagés avec le confort qui rendait la vie agréable pour les éléments occupant une situation sociale plus élevée, vont découvrir le tout, dont ils font partie, et qui va progressant. La maléfique aura qui flotte sur certains quartiers de toutes les vieilles cités se dissipera, les vieilles formes de pensées mauvaises seront chassées et délivreront ainsi le peuple d'impulsions criminelles, latentes dans l'atmosphère psychique. "Les hommes préfèrent les ténèbres à la lumière, parce que leurs actes sont mauvais", déclare la Bible et il faut s'en souvenir en bâtissant de nouvelles cités et des villes pleines de lumière, d'espace et d'air.

La tâche de la reconstruction fournira un travail abondant dans tous les pays intéressés pendant de nombreuses années. Cela signifie que les nouvelles villes seront fondées sur les tendances nouvelles. A tous s'offriront des chances égales et cela est chargé d'un sens symbolique défini.

Pierre par pierre, les cités se relèveront de la poussière. Bien des faits intéressants seront découverts au cours des travaux de déblaiement, là où rien n'avait été touché depuis des siècles ; bien des objets seront réunis pour les musées futurs ; la parole du Christ et Sa prophétie, qu'a la fin des temps (l'ère des Poissons), toutes choses secrètes seront révélées et les mystères éclaircis, s'accompliront. Jusque dans les entrailles de la terre et les vieux coins sombres de nos villes, la lumière entrera à flots. Cette lumière apportera la révélation et la guérison. Certains dangers existeront, causés par la libération du mal, autrefois scellé, mais ils seront compensés par la présence de la lumière et de l'air, qui nettoieront et purifieront. Jusque dans les profondeurs, la lumière pénétrera.

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