1. LA CONDITION DES EAUX

 

L'homme, agent créateur, sous l'impulsion d'un but coordonné, d'une profonde méditation et d'une activité créatrice, a construit la forme-pensée qu'il cherche à animer par sa propre vitalité et à diriger par sa volonté. Le moment est venu pour cette forme-pensée d'accomplir sa mission et d'atteindre le but de son existence. Comme nous l'avons vu dans la règle précédente, la forme est "poussée hors" de son créateur par le pouvoir de l'expiration. Cette expression symbolique décrit un fait expérimental dans le travail magique. L'insuccès que le disciple rencontre dans son travail est souvent dû à son incapacité de comprendre la signification, à la fois ésotérique et littérale, de cette expiration dans son travail de méditation. L'expiration est le résultat d'une période précédente de respiration rythmique, parallèle au travail concentré de méditation, suivie de la fixation de l'attention et de la respiration, quand le but de la forme créée est défini mentalement ; elle est aussi le résultat de la vitalisation de la forme-pensée par son créateur, forme-pensée dotée ensuite d'énergie, de vie et d'activité indépendante.

Le premier obstacle à la réussite de ce travail vient de l'incapacité du disciple à mener simultanément ces activités. Le deuxième obstacle vient de la négligence dans l'étude de la condition des eaux, c'est-à-dire l'état de la substance émotive dans laquelle la forme mentale doit puiser la matière du plan astral pour devenir une entité agissante sur ce plan ; sinon, elle reste une forme morte sur le plan mental, privée du pouvoir moteur du désir, nécessaire pour l'accomplissement sur le plan physique.

Il est important de se rappeler que si la forme-pensée envoyée dans le monde émotif pour se revêtir d'un corps de désir (force agissante, cause de toute objectivité) se trouve immergée dans une "condition des eaux" purement égoïste, elle se perd, absorbée par le corps astral du disciple qui représente le point focal de toute l'énergie astrale employée par lui. Elle est entraînée dans un tourbillon dont le corps astral est le centre et elle perd la possibilité d'existence séparée. La comparaison avec le tourbillon est utile. Le penseur peut être comparé à celui qui, de la rive, lance un petit bateau dans le courant.
Si le petit bateau est attire dans un tourbillon, il disparaît bien vite. Beaucoup de formes-pensées construites par l'aspirant pendant la méditation sont ainsi perdues à cause de l'état chaotique et tumultueux de son corps émotif. Ainsi les bonnes intentions n'aboutissent à rien et le travail prévu au profit du Maître ne se réalise pas, parce que, en passant sur le plan du désir et des émotions, la forme-pensée ne rencontre que les eaux troubles de la peur, du soupçon, de la haine, du désir purement physique. Les flots, plus puissants que la petite forme, la font disparaître ; elle cesse d'exister et l'homme est conscient d'un autre effort vain. 

Il se peut que la condition des eaux ne présente pas l'aspect d'un tourbillon engendré par soi-même, mais celle d'une mare dont l'eau est agitée sous l'effet des activités d'autrui. Beaucoup de disciples ont atteint un degré suffisant de maîtrise de soi et de détachement émotif. Ils ne sont plus victimes des désirs et des ambitions personnelles et ils sont relativement débarrassés du tourbillon des tendances égoïstes. Mais leur corps astral est encore fréquemment en état d'agitation du groupe pour lequel et dans lequel ils travaillent. Ils sont gais ou déprimés, satisfaits ou mécontents des résultats qu'ils atteignent ou n'atteignent pas. Ils s'agitent et se troublent tant pour le succès que pour l'insuccès, pour les preuves de fidélité ou de trahison de leurs compagnons de travail et de service ; devant ces puissantes réactions, leurs formes-pensées, bien que construites avec soin, sont vaines. Leur capacité d'action est perdue, car ils sont encore trop attachés à la réussite de leur travail ; leurs efforts n'aboutissent à aucun résultat bénéfique.

Il existe encore d'autres conditions des eaux que chaque aspirant peut concevoir lui-même, mais il y en a une dont je voudrais parler. Le corps émotif du disciple, ou de l'aspirant, qui doit nourrir et alimenter la petite forme-pensée, avec son noyau mental, fait nécessairement partie de la forme émotive planétaire et vibre à l'unisson avec elle. Il faut bien le prendre en considération, car le corps émotif est mis en activité par les conditions générales des émotions et il doit être sagement traité de ce point de vue.

Trois sentiments dominent aujourd'hui dans la forme planétaire : la peur, l'incertitude, le désir exaspéré, dans la famille humaine, de biens matériels.
Notez le mot "exaspéré". Le sommet du désir humain de bien-être matériel a été atteint et même dépassé. On peut dire que l'humanité a déjà surmonté de grandes difficultés. Toutefois, le rythme des temps est encore très fort. L'aspirant qui cherche à servir au niveau mental doit comprendre, expérimenter et dépasser ces trois sentiments. A la peur, il doit substituer la paix, prérogative de celui qui vit dans la lumière de l'Eternel. A l'incertitude, il doit substituer l'assurance de l'objectif ultime qui naît de la vision du plan divin, du contact avec d'autres disciples et, plus tard, avec le Maître. Le désir des biens matériels doit être remplacé par l'aspiration aux biens qui sont la joie de l'âme : Sagesse, Amour, Pouvoir de Servir. Paix, confiance et juste aspiration sont les trois mots qui, bien compris et appliqués dans la vie quotidienne, produiront la juste condition des eaux qui garantira la survie de toute forme-pensée justement engendrée dans la méditation par l'homme qui fonctionne comme âme.