1. La crise des idéologies
Les hommes d'aujourd'hui sont confrontés à des idéologies ou écoles de pensée, opposées et antagonistes ; automatiquement, selon leur milieu, leurs traditions, leur éducation et le lieu de leur naissance, ils considèrent l'une de ces idées comme vraie, et toutes les autres comme fausses. Ils peuvent oublier que, selon le lieu de leur naissance, la méthode d'instruction de leur pays, et la nature de la propagande nationale, l'idéologie choisie ou l'idéologie imposée sera telle ou telle. Très peu de gens sont libres, même dans les démocraties. Un homme né au centre de la Russie, par exemple, ne connaît rien d'autre que le communisme ; il ne peut pas imaginer une autre forme adéquate de gouvernement ; de même, un homme né aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne est satisfait et se vante d'être né dans une démocratie, mais l'accident de la naissance explique son attitude pour une large part. Les hommes doivent s'en souvenir et ne pas se blâmer réciproquement pour l'endroit où ils sont nés. Nous avons donc des idéologies et leurs opposants, de grandes écoles de pensée et des modes de gouvernement, face à une opposition organisée. On peut dire, comme prémisse fondamentale, que le programme des idéologies principales n'est pas forcément erroné et mauvais ; c'est l'imposition par la force, et par un état policier, d'une idéologie et son utilisation par des hommes ou groupes puissants à leur propre avantage – accompagnées du maintien du peuple dans une ignorance aveugle, de sorte qu'il n'a aucun libre choix – qui est fondamentalement mauvais et pervers.
Nous avons, par exemple, la grande crise mondiale actuelle du conflit entre le communisme et le point de vue démocratique. Je le mentionne tout d'abord, car c'est la crise qui occupe une position dominante aux yeux de tous les hommes, d'où qu'ils soient. Ceci offre une occasion spirituelle dominante. L'attitude démocratique dévouée (comme elle proclame l'être) à la liberté humaine (si peu que cette liberté soit encore vraiment atteinte) est – à cause de ce facteur de liberté – approuvée aujourd'hui par la Hiérarchie. Le communisme, étant une idéologie imposée qui force le peuple à accepter une autorité totalitaire, est considéré comme mauvais. Ce ne sont pas les théories communistes qui sont nécessairement erronées ; c'est la technique et ce sont les méthodes qui règnent dans les pays totalitaires qui sont contraires au plan spirituel. Le communisme imposé et toutes les méthodes totalitaires emprisonnent l'âme humaine et engendrent partout la peur et la haine. Si donc, les principes démocratiques étaient imposés au monde, ou dans une quelconque partie du monde, par un régime totalitaire, ce serait également fâcheux.
Ces idéologies opposées présentent clairement à la conscience humaine certaines grandes distinctions ; ces distinctions résident beaucoup plus dans les techniques et les méthodes que dans les principes. Beaucoup des personnes luttant farouchement contre le communisme ne pourraient pas vous dire succinctement quels sont ces principes, mais elles luttent – et luttent avec raison – contre les méthodes totalitaires de cruauté, d'espionnage, de meurtre, de répression et de manque de liberté. Ce qu'elles font en vérité c'est lutter contre les méthodes abominables imposant la loi de quelques hommes mauvais et ambitieux aux masses ignorantes, sous couvert du communisme. Elles luttent contre la technique consistant à exploiter les ignorants, par une information fausse, le mensonge organisé, et une éducation limitée. Elle luttent contre l'isolement des nations à l'intérieur de leurs limites territoriales, contre l'état policier, contre l'absence de libre entreprise et le fait de réduire des hommes et des femmes à l'état d'automates. C'est cela, le vrai emprisonnement de l'esprit humain. La situation est cependant si prononcée, le mal si évident, l'esprit humain si divinement fort à la base, que ces facteurs engendreront finalement leur propre défaite. Quand le groupe actuel de gouvernants totalitaires (derrière ce que vous appelez le "rideau de fer") disparaîtra, un état de choses différent surviendra progressivement et le vrai communisme (dans le sens spirituel du terme) remplacera la perversion actuelle.Par ailleurs, les démocraties tant vantées ont beaucoup à apprendre. Les hommes ne sont pas vraiment libres, même dans les pays démocratiques. Les Noirs, par exemple, ne jouissent pas des droits constitutionnels dans certaines parties des Etats-Unis ; en Afrique du Sud, leurs possibilités d'éducation, de travail et de vie d'hommes libres, ne sont pas égales à celles des Blancs ; dans les Etats du Sud, la constitution des Etats-Unis est violée tous les jours par ceux qui croient à la suprématie des Blancs – suprématie qui sera mise à une rude épreuve lorsque l'Afrique s'éveillera. Cette attitude des Etats-Unis et le fait qu'ils n'observent pas la Constitution en ce qui concerne les Noirs, ont beaucoup ébranlé la foi d'autres pays quant au caractère merveilleux de l'Amérique, et la situation en Afrique du Sud n'attire pas le respect des hommes qui pensent. Je mentionne ces deux situations, car le mal est très répandu, même dans les démocraties ; il serait très nécessaire qu'elles nettoient à fond chez elles.
L'impérialisme de la démocratique Grande-Bretagne a fâcheusement gâché un dossier par ailleurs excellent, concernant les peuples dépendant d'elle ; mais ceci devient rapidement une choses du passé, vu que la Grande-Bretagne donne la liberté de choix et la libération démocratique à l'Inde, au Pakistan, à Ceylan et à la Birmanie. Chacune de ces libérations a représenté une expansion spirituelle de conscience pour le peuple britannique et une offre de possibilités spirituelles, dont seuls Ceylan et le Pakistan semblent s'apercevoir. Toujours, dans tous les secteurs de la vie humaine, les buts spirituels et matériels font sentir clairement leur présence et leur différence ; la question spirituelle qui se pose est, comme je vous l'ai signalé récemment, celle de l'emprisonnement de l'esprit humain, ou sa libération et sa liberté.
La vraie démocratie est encore inconnue : elle attend le moment où une opinion publique éduquée et éclairée la portera au pouvoir ; c'est vers cet événement spirituel que l'humanité se hâte. La bataille pour la démocratie se produira aux Etats-Unis. Dans ce pays, actuellement, les gens votent et organisent leur gouvernement sur la base des personnalités, et non sur la base d'une conviction intelligente ou spirituelle. Il y a un aspect matériel et égoïste de la démocratie (qui règne aujourd'hui), et un aspect spirituel, qui est peu recherché ; il y a des aspects matériels et spirituels du communisme, mais ses adhérents ne les connaissent pas, et seul un matérialisme impitoyable leur est communiqué.
Il existe aussi l'idéologie socialiste, qui est considérée comme un mal fondamental. Le socialisme peut dégénérer en une autre forme de totalitarisme, ou il peut être plus démocratique que les expressions actuelles de la démocratie. Ces questions vont se clarifier nettement en Grande-Bretagne, où le point de vue socialiste gagne du terrain parmi les masses, mais est à présent un mélange de nationalisation des services publics et de libre entreprise – combinaison qui peut avoir vraiment de la valeur, si elle est maintenue.
Il y a d'autres idéologies dans les domaines politique, social et économique, mais ceux dont j'ai traité constituent un triangle de schémas soumis à l'expérimentation politique et nationale, dans différents pays du monde. Toutes ont un côté religieux et spirituel ; toutes sont corrompues par le matérialisme ; l'une d'elle est totalitaire et perverse, et trouve des adhérents ; l'autre est victime du stupide manque d'intérêt de son peuple ; une autre encore est dans les affres d'une expérimentation qui se révélera réussie ou non. C'est par l'impact de ces idéologies que le développement spirituel de l'humanité est nourri, car le facteur spirituel qui émerge (selon la loi de l'évolution) est toujours présent, et toujours on trouve une tendance vers Dieu et vers l'expression divine. C'est pourquoi la question se pose entre le christianisme et le communisme – controverse accentuée par l'Eglise catholique romaine, mais controverse dans laquelle les nations communistes entraînent déjà les Eglises protestantes. Du point de vue de la Hiérarchie, ces trois idéologies sont trois aspects d'un seul grand événement spirituel ; le résultat de leur influence réciproque peut se traduire par un plus grand rapprochement spirituel de la divinité ou (si les Forces de Lumière ne triomphent pas) conduire l'homme plus profondément dans l'abîme ou la prison du matérialisme. L'intérêt politique intense de l'Eglise catholique, et son matérialisme grossier sont de grands handicaps en ce qui concerne le progrès régulier vers une position spirituelle ; cependant, si la hiérarchie catholique peut renoncer à ses buts matériels et politiques, et présenter l'amour de Dieu dans toute sa beauté, elle peut faire beaucoup pour conduire l'humanité de l'obscurité à la lumière. Si les Etats-Unis pouvaient également renoncer à leur matérialisme grossier, ils pourraient diriger le monde vers des voies spirituelles qui iraient au-delà de tout ce qui a été manifesté jusqu'ici. Ces deux grandes démocraties, les Etats-Unis avec l'aide de la Grande-Bretagne, exprimant les justes relations humaines et la fraternité pourraient faire de grandes choses pour l'humanité. La Grande-Bretagne apprend le sens des valeurs, et elle est éloignée du matérialisme par de grandes privations ; espérons qu'elle renoncera consciemment au matérialisme.
Je voudrais vous rappeler ici que la Hiérarchie spirituelle de notre planète n'attache aucune importance au fait qu'un homme soit démocrate, socialiste ou communiste, ou encore catholique, bouddhiste ou incroyant d'un genre quelconque. Elle attache de l'importance uniquement à ce que l'humanité – dans son ensemble – fasse son profit des occasions spirituelles offertes. C'est une occasion qui se présente aujourd'hui, d'une manière plus irrésistible que jamais.