CHAPITRE II

LA REHABILITATION PSYCHOLOGIQUE DES NATIONS


Ce problème est bien plus compliqué et plonge plus profond qu'il ne paraît au premier abord. S'il s'agissait simplement des psychoses nationales et des conditions mentales causées par la guerre et le fait d'y avoir participé activement, le problème serait déjà sérieux, mais le retour à la sécurité rendrait sa solution aisée, avec un sain traitement psychologique des diverses nationalités, la réhabilitation physique et une liberté d'action retrouvée, des loisirs, enfin, par-dessus tout, l'organisation des hommes et des femmes de bonne volonté. Ce dernier groupe se montrerait disposé à entreprendre les rééducations nécessaires et, chose bien plus importante, ils s'efforceraient de transmettre l'inspiration spirituelle, dont l'humanité a un si urgent besoin à l'heure actuelle. Il se trouve assez d'hommes et de femmes de bonne volonté de par le monde aujourd'hui pour accomplir cette tâche, à condition de pouvoir les atteindre, les inspirer et les encourager dans leurs efforts, autant matériellement que spirituellement.

La situation est bien plus difficile qu'une analyse superficielle ne le laisserait croire. L'origine de ce problème psychologique remonte à plusieurs siècles ; inhérent à l'âme particulière de chaque nation, il conditionne puissamment aujourd'hui toutes leurs populations. Là réside notre principale difficulté et elle ne cédera pas aisément sous les efforts, même spirituels, qu'ils soient entrepris par les églises constituées – et elles manifestent un regrettable manque de compréhension à cet égard – ou par des groupes ou individus aux intérêts spirituels.

Je ne souhaite pas commencer ce chapitre en induisant mes lecteurs en tentation de pessimisme : néanmoins, le travail à accomplir est si pressant et les périls encourus si on le négligeait, si effroyables, que je me vois obligé d'indiquer les principaux points névralgiques et certaines aptitudes nationales, qui constituent une menace à la paix du monde. Ces problèmes se répartissent naturellement en deux catégories :

I.
Les problèmes psychologiques internes de chaque nation ;
II.
Les problèmes mondiaux les plus importants, comme par exemple les rapports entre nations, monde des affaires et forces ouvrières.
La guerre éclata par la faute d'une nation occidentale et d'une nation orientale. La faiblesse et la négativité du peuple allemand la rendirent possible, car elles l'ont poussé, depuis plusieurs générations à accepter le contrôle dominateur d'un groupe national : le parti militaire. Il en alla de même en Orient, à cause de l'attitude négative du peuple japonais, persuadé de son origine divine et entièrement soumis à son divin empereur. Donc, le Japon proposa aux peuples asiatiques sa théorie de la Sphère de Co-prospérité, en pensant obéir à sa mission divine. Les Allemands se proclamaient des surhommes et croyaient par conséquent devoir déterminer le destin des nations occidentales. La caste militaire au pouvoir s'empara de ces idées pour exploiter les masses, qui ne raisonnent point. Aussitôt apparut une situation psychologique bien déterminée. Quand pareille attitude se manifeste dans une famille, ou dans une communauté, accompagnée d'actes violents et qui compromettent la sécurité d'autrui, l'individu se voit bientôt enfermé dans une maison de santé, pour la protection de son entourage. Quand une nation entière, peuplée de millions d'individus, agit et pense de cette manière, la situation n'est pas si simple.

Mon prochain argument, c'est que l'occasion offerte à ces deux nations de détruire la sécurité du monde et de plonger l'humanité dans les horreurs et l'agonie d'une double guerre mondiale (1914-1945) est aussi due aux faiblesses psychologiques, à l'égoïsme et à une indifférence innés chez les autres nations et à d'autres défauts encore, dont aucun pays n'est indemne.

La force combinée des nations du monde aurait pu arrêter l'Allemagne à n'importe quel moment, si l'unité de vues avait existé et si leurs propres faiblesses psychologiques et leurs défauts inhérents ne les avaient empêchées de saisir clairement les risques encourus. Elles ne se sentaient pas enclines à sauver l'humanité, s'il devait leur en coûter quelque chose et leur aveuglement était tel, qu'elles ne firent pas un geste pour empêcher ces deux nations agressives de tenter leur chance de tout conquérir. Donc, avant que le monde puisse devenir plus sûr, plus clément, plus sain et plus beau, toutes les nations doivent non seulement prendre les mesures voulues pour rendre impossible au peuple allemand toute nouvelle agression, mais aussi faire leur examen de conscience et commencer par s'occuper de leurs propres faiblesses et de leurs complexes. Le problème à résoudre présente trois aspects :

1.
Chaque nation doit viser à une solide santé mentale et s'efforcer de réaliser des objectifs psychologiques salutaires :
2.
Il faut arriver à l'unité internationale et la baser non seulement sur la confiance réciproque, mais aussi sur des objectifs mondiaux corrects et une véritable compréhension psychologique.
3.
L'application de mesures de correction, qui s'imposent du point de vue disciplinaire et préventif. L'Allemagne et le Japon doivent être rééduqués et dressés de manière à devenir finalement des membres dignes et utiles de la grande famille des nations.
Il n'entre pas dans mes intentions d'examiner les difficultés psychologiques des diverses nations du point de vue historique. Une abondante littérature existe là-dessus et les nations aiment à connaître les faiblesses et les fautes des autres, tout en ignorant les leurs. Ceux que cela intéresse peuvent trouver dans de nombreux ouvrages les éclaircissements historiques nécessaires et l'explication des causes de la dernière guerre. L'Allemagne et le Japon la précipitèrent, sans aucun doute ; ces deux nations sont responsables des horreurs qui en résultèrent ; néanmoins, les faiblesses, les défauts et les stupidités de toutes les autres ont rendu cette catastrophe possible. Je cherche seulement à montrer la direction des réformes psychologiques à instaurer, si les générations futures doivent vivre en paix, si la chance d'une existence heureuse doit leur être offerte et celle d'exercer une activité créatrice dans une atmosphère de sécurité. On a beaucoup écrit sur les fautes de l'Allemagne et du Japon et de nombreux projets existent pour les réprimer. Je suggérerai en outre qu'il conviendrait de réfréner en même temps les défauts des Nations Unies.

Avant de considérer les défauts des nations alliées et pour me protéger, je ferai remarquer que les généralités – et j'y recourrai pour parler clair et net – ne permettent pas de rendre justice aux cas individuels ; pourtant, la vérité sur le groupe ou la nation où se trouve l'individu peut s'évaluer correctement et avec exactitude.

Il est entendu que tous les Allemands ne sont pas mauvais, tous n'ont pas cédé au nazisme, tous n'ont pas adoré Hitler en lieu et place de Dieu, tous ne désiraient pas dominer le monde. Cependant, et voilà le drame du peuple allemand, la vaste majorité acceptait avec soumission et faiblesse la doctrine nazie et ses conséquences. Son effet général était d'une nation devenue insensée, d'un peuple saisi de frénésie et prêt à perpétrer d'indicibles cruautés parce qu'elle avait accepté ses chefs et effectuait ce qu'ils lui ordonnaient. Cela illustre bien ce que j'entendis pour les généralisations, qui, vraies dans l'ensemble, peuvent induire en erreur au sujet d'une minorité ou de l'individu.
Je voudrais qu'on s'en souvienne et qu'on en tienne compte en lisant le reste de ce chapitre.

En considérant les défauts psychologiques et la possibilité d'y remédier chez les autres nations (car je ne puis traiter que de certaines d'entre elles), il faut aussi se rappeler que je n'écris pas dans un esprit pessimiste, mais en m'appuyant sur une foi inébranlable dans la gloire de l'esprit humain. J'écris avec la ferme conviction qu'à la fin, l'âme humaine émergera triomphante de tous ses défauts éphémères et des circonstances. Partout, hommes et femmes luttent individuellement pour devenir meilleurs ; dans chaque nation se forment des groupes animés du même motif. Cet élan les pousse en avant, vers une plus grande beauté d'expression, de caractère et de conditions d'existence. C'est l'éternelle caractéristique de l'humanité et la plus marquante. Aux stades précédents de l'histoire raciale, cette aspiration se manifestait par le désir d'améliorer les circonstances matérielles et le milieu ; aujourd'hui, elle s'exprime par une exigence de beauté, de loisir, de culture ; elle réclame la possibilité de travailler dans un sens créateur et passe graduellement, mais inévitablement, au stade où de justes relations humaines prennent une importance primordiale, en suscitant la disposition au sacrifice. Finalement, cette aspiration innée engage à chercher Dieu ; alors l'individu devient, non seulement un homme de bonne volonté, mais aussi un aspirant spirituel, qui aime Dieu (selon sa formule particulière) et son prochain aussi, par conséquent.
Alors s'ouvre le sentier qui mène à Dieu. Plus tard, le centre de lumière sera découvert.

Ce qui vaut pour l'individu, vaut éternellement pour les nations et la même espérance d'illumination et de futur triomphe spirituel est annoncé pour elles aussi.

Aujourd'hui une grande et unique chance s'offre à chaque nation.
Jusqu'alors le problème de l'intégration psychologique, d'une vie intelligente, d'une croissance spirituelle et de la révélation divine a été examinée du seul point de vue de l'homme, comme unité. Les conquêtes scientifiques de l'humanité, dues au développement de l'intellect humain, permettent maintenant de penser en termes bien plus vastes et de considérer l'humanité dans une perspective plus vraie. Notre horizon se prolonge à l'infini, notre vue n'est plus accommodée au premier plan immédiat. L'unité familiale est à présent située dans ses rapports avec la communauté, et la communauté reconnue comme partie intégrante et effective de la ville, de l'Etat, de la nation. Vaguement et inefficacement encore, nous projetons cette même conception dans le domaine des relations internationales. Les penseurs du monde entier raisonnent à l'échelle internationale et c'est la garantie de l'avenir, car seules des idées plus larges rendront possibles la fusion de tous les hommes, partout, la naissance de la fraternité et la réalisation de l'humanité, en fait, dans notre conscience. La plupart des hommes pensent aujourd'hui à l'échelle de leur propre patrie ou de leur groupe et c'est leur conception la plus vaste. Ils ont dépassé le stade de leur bien-être physique et moral personnel et envisagent la possibilité d'ajouter leur quote-part d'utilité et de stabilité au patrimoine national. Ils cherchent a collaborer, à comprendre et à contribuer au bien de la communauté. Le cas n'est pas rare et cette description répond à des milliers de citoyens dans toutes les nations. Pareil esprit et pareille attitude caractériseront un jour les nations entre elles. Il n'en va pas encore ainsi et une psychologie bien différente est de règle.
Les nations – et je le dis sans restriction mentale – cherchent et exigent le meilleur pour elles mêmes, sans s'inquiéter de ce qu'il en coûtera aux autres.
Elles jugent cette conduite correcte et caractéristique du bon citoyen. Elles ont influencées par des haines et des préjugés, dont beaucoup sont maintenant aussi injustifiées qu'un langage obscène dans une réunion de prières. Les nations sont divisées et déchirées par des querelles intestines à propos des barrières raciales, des différences de partis, des attitudes religieuses. Le désordre s'ensuit, inévitable, et à la fin, un désastre. Les citoyens de la majorité des pays se distinguent par un nationalisme intense, agressif et vantard, surtout dans leurs rapports réciproques. Cela attise l'antipathie, la méfiance et détruit les justes relations humaines. Toutes les nations (et j'entends bien toutes) se rendent coupables de ces attitudes, exprimées selon leurs divers génies ou leurs cultures particulières. Je désirais commencer par de telles prémisses. Toutes les nations, comme toutes les familles, comprennent des groupes ou des individus reconnus comme fauteurs de troubles par les autres, dont les intentions sont bonnes. Dans la communauté internationale existent des nations qui, depuis longtemps, causent des désordres. A présent, le motif guidant toutes les nations est l'égoïsme ; toutefois, quelques-unes entrevoient un but d'existence supérieur.

Le problème de l'action et des réactions des nations entre elles est surtout d'ordre psychologique, sans l'être entièrement. L'âme nationale exerce une influence puissante. La forme de pensée nationale, édifiée à travers les siècles par les idées, les buts, les ambitions d'une nation, constitue son objectif idéal et conditionne son peuple d'une manière extrêmement efficace. Un Polonais, un Français, un Américain, un Indien, un Britannique ou un Allemand se reconnaissent aisément, où qu'ils se trouvent. Cette identification est basée non sur le seul aspect, l'intonation, les coutumes, mais d'abord sur l'attitude mentale, les manières, le sens de la proportion propres à chaque nationalité. Ces indications expriment la réaction à la pensée nationale particulière, imprimée à l'individu durant son éducation. Si cette réaction crée un bon citoyen, prêt à coopérer dans les limites nationales, elle est bonne et désirable. Si elle le rend agressif, arrogant, critique à l'égard des nationaux d'autres pays, séparatif dans ses idées, il contribue alors à la désunion mondiale et aux conflits internationaux. Il menace la paix du monde. Le problème devient, dès lors, une question où tous les peuples sont impliqués. Les nations peuvent être – et sont souvent – antisociales et chaque nation compte en son sein certains éléments antisociaux.

Il est sage pourtant de se souvenir que ce stade du nationalisme avec son long passé, prédisposant à l'agression, à l'avidité, à l'intérêt personnel et à l'orgueil et fierté nationaux, est la preuve d'un processus d'évolution satisfaisant. C'est une garantie du développement futur de la race des hommes.
Les individus traversent des stades similaires en s'acheminant vers l'utilité au groupe et à la prise de conscience du groupe. L'intérêt égoïste est caractéristique de la plupart des hommes actuels, avec les faiblesses qui en découlent. Pourtant, de nombreux individus existent dans tous les pays, pour qui ces attitudes égocentriques sont dépassées et beaucoup s'intéressent davantage au bien public et national qu'à eux-mêmes. Quelques-uns, très rares par rapport à la masse des hommes, pensent à l'échelle internationale et se préoccupent de bien-être pour l'humanité entière. Ils désirent ardemment la reconnaissance de la notion d'Un Seul Monde, d'Une Seule Humanité.

Le stade de l'égoïsme national et du ferme propos de préserver l'intégrité nationale, souvent interprétée en termes de frontières et d'expansion commerciale, doit peu à peu disparaître. Les nations doivent arriver finalement à une réalisation plus bénéfique et au point où elles regarderont leurs cultures nationales, leurs ressources propres et leurs capacités de servir l'humanité comme des contributions à consacrer au bien commun. L'insistance sur les possessions matérielles et un vaste territoire ne sont pas signes de maturité. Se battre pour les défendre ou les agrandir marque une mentalité d'adolescents.
L'Allemagne et l'Italie manquent de maturité au point de vue de l'intégration comme nation et comme civilisation. A peine l'humanité devient-elle adulte ; elle commence seulement à montrer un sens plus large de ses responsabilités, la capacité de s'attaquer à ses problèmes et à avoir des idées plus généreuses. La dernière guerre était symptomatique du défaut de maturité, d'un raisonnement adolescent, d'émotions puériles et sans retenue, d'exigences à l'égard du bien d'autrui, chez les nations antisociales. Comme des enfants, elles crient "pour en avoir encore".

L'Allemagne et le Japon offraient l'exemple d'un pareil état d'esprit.
L'intense isolationnisme et la politique de "n'y pas toucher" de certains groupes aux Etats-Unis, les exigences d'une Australie ou d'une Afrique du Sud "blanches", le slogan "l'Amérique aux Américains", l'impérialisme britannique, ou la France réclamant la considération en présentent d'autres exemples. Tous indiquent une semblable incapacité de raisonner avec des vues plus larges, ils expriment une irresponsabilité devant le monde et impliquent aussi la puérilité d'une race qui ne réussit pas à mesurer la grandeur du tout, dont chaque nation fait partie. La guerre et de constantes prétentions aux frontières nationales, basées sur l'histoire ancienne, cette insistance sur les possessions matérielles aux dépens d'autres peuples apparaîtront un jour aux yeux d'une race plus mûre pareilles aux disputes enfantines pour un jouet favori. Le cri provoquant : "Ceci est à moi !" cessera un jour de retentir. En attendant, cet esprit infantile d'agression avait mené à la guerre de 1914-1945. Dans mille ans, l'histoire la considérera comme le comble de l'égoïsme puéril, déclenchée par des enfants avides qui ne pouvaient abandonner leurs attitudes agressives, parce que d'autres nations étaient encore assez naïves pour adopter la manière forte à l'apparition des signes précurseurs de la guerre.

La race, au terme de la guerre, se trouva devant une nouvelle crise, où l'occasion se présentait de saisir l'importance des valeurs nouvelles, où l'établissement de justes relations humaines apparaissait comme désirable, non seulement du point de vue idéal, mais aussi sous un angle purement égoïste. Un jour, les principes de collaborations et du partage se substitueront à ceux de l'avidité possessive et de la concurrence.

Je viens de décrire le prochain, l'inévitable progrès de l'humanité, celui auquel tout le processus évolutif l'a préparée C'était contre la réalisation de ces attitudes neuves et souhaitables que les forces du mal (tout aussi réelles que les Forces de Lumière) se sont acharnées à l'aide de l'Allemagne et du Japon, dont la tendance innée est de se rallier à ces dangereux idéaux.

Laissez-moi vous rappeler ici que cela est vrai de toutes les nations, bien qu'à un moindre degré. Dans chacune existent des éléments sensibles aux principes qui ont engendré l'esprit allemand. Ces groupes, dans chaque pays, prolongèrent la guerre en brouillant les questions principales par leur nationalisme intense et leur sentiment de supériorité. En produisant la désunion, ils ralentissaient l'effort pour la victoire. L'égoïsme et leur propre intérêt empêchèrent aussi plusieurs nations de se ranger aux côtés des Forces de Lumière. Préservant une neutralité égoïste, elles prolongèrent de plusieurs années la durée de la guerre. Si, dès l'entrée de l'Allemagne en Pologne et lors de la déclaration de guerre de la France et de la Grande-Bretagne qui s'ensuivit, toutes les nations civilisées du globe, sans exception, avaient aussi déclaré la guerre à l'Allemagne et réuni leurs forces pour défaire l'agresseur, n'est-il pas possible que la guerre eût duré moins longtemps ? La politique intérieure, les jalousies internationales, les vieilles haines et méfiances, la crainte et le refus de regarder les faits en face suscitèrent la désunion. Si toutes les nations avaient vu clair et s'étaient débarrassées de leur égoïsme individuel en 1939, la guerre se fût terminée bien plus tôt. Si toutes les nations avaient passé à l'action aussitôt après l'entrée du Japon en Mandchourie, ou la pénétration de l'Italie en Ethiopie, une guerre, qui a dévasté la totalité de la planète, n'aurait pas été possible. De ce point de vue, aucune nation n'est sans reproche.

J'ai essayé d'éclaircir ce point, afin qu'en considérant le monde d'après guerre, nous raisonnions juste et commencions à prendre les mesures qui, avec le temps, conduiront à la sécurité du monde. Cette période future, car elle viendra sûrement, doit être envisagée par chaque nation avec un juste sentiment de sa propre responsabilité et de sa défaillance psychologique innée. Il est toutefois bien plus difficile d'admettre qu'aucune nation, sa patrie comprise, n'a les mains nettes et que toutes sont coupables d'avidité, de vol, de séparativité, d'orgueil et de préjugés comme aussi de haines nationales et raciales. Toutes ont beaucoup de comptes internes à régler, qu'elles doivent liquider, tout en s'efforçant au-dehors de rendre le monde meilleur et plus habitable. Cet état d'esprit doit devenir mondial, appuyé sur le principe du bien général, où les valeurs supérieures aux bénéfices individuels ou nationaux soient estimées, où le peuple, formé au civisme national, apprenne aussi ses responsabilités de citoyen du monde. Est-ce trop idéaliser le tableau ? Je ne le pense pas. La garantie de sa réalisation est que des milliers raisonnent aujourd'hui conformément à ces principes idéalistes. Des milliers d'hommes élaborent les plans d'un monde meilleur et par milliers, ils discutent de cette possibilité.
Toutes les idées émanant du divin, en l'homme et dans la nature, deviennent finalement des idéaux, même s'ils se déforment légèrement en cours de route, ils finissent pas devenir les principes qui gouvernent les masses. Tel est le développement véritable du processus historique.

Une brève étude des quelques ajustements psychologiques à réaliser par les nations à l'intérieur de leurs frontières, présenterait quelque utilité, car réforme bien ordonnée commence par soi-même. Considérons donc l'image du monde pour en tirer une vision nouvelle, car le verset de la Bible : "Là où manque la vision, le peuple périt" est bien fondé scientifiquement.

L'histoire relate un long passé de batailles, de guerres, de déplacements de frontières, de découvertes de terres nouvelles, suivies promptement par leur annexion, impliquant la soumission des populations indigènes, parfois pour leur plus grand bien-être, mais toujours inexcusable. L'esprit nationaliste et sa croissance forment le fond de l'histoire moderne, enseignée dans nos écoles, où l'orgueil national est alimenté et engendre des hostilités entre pays, des haines raciales et des jalousies. L'histoire se préoccupe des lignes de démarcation entre pays et du genre de gouvernement établi dans chacun d'entre eux. Ces lignes de démarcation sont férocement gardées et les passeports, institués au cours de ce siècle, représentent la cristallisation de ce principe.
L'histoire de chaque nation reflète une détermination implacable de protéger ses frontières à n'importe quel prix, de garder sa civilisation et sa culture intactes, de les accroître si possible, mais de ne rien partager avec aucune autre nation, sauf pour en tirer un profit commercial, réglementé par une législation internationale. Et cependant, l'humanité forme un tout et les produits du sol appartiennent à tous. Pareille attitude n'a pas seulement encouragé le sens séparatif, mais a conduit à l'exploitation des groupes plus faibles par les plus forts et à la ruine économique des masses par une simple poignée de groupes puissants. Ceci posé, je vais essayer de traiter du septième problème, le dernier, parce que sa solution écarterait une des principales causes de guerre et de misère.

L'habitude invétérée de penser et de réagir en masse est difficile à vaincre.
C'est là que se livre la bataille la plus acharnée dans notre monde 'après guerre.
L'opinion publique doit être rééduquée. Déjà, les nations reviennent à leurs modes de conduite et de pensée caractéristiques, si profondément ancrés depuis des générations. Permettez-moi d'être plus explicite ; et si mes dires causent quelque irritation à mes lecteurs de n'importe quelle nationalité, ou provoquent de plausibles excuses, qu'ils se souviennent que, dans l'intérêt général, il faut regarder notre passé en face, reconnaître les tendances nouvelles, renoncer aux vieilles et fâcheuses façons de penser et d'agir si, dans un avenir proche l'humanité ne doit pas descendre plus bas encore que pendant la dernière guerre.

Dans tous les pays, les voix de l'ordre ancien et les exigences des réactionnaires s'élèvent et les demandes de certains groupes radicaux s'y ajoutent. Etablies depuis si longtemps, les voix conservatrices impressionnent et l'humanité lasse laissera prendre toutes les mesures réclamées par les conservateurs, sauf si ceux qui sont dotés d'une vision nouvelle réagissent avec sagesse et rapidité. Jusqu'à présent, il n'en existe que trop peu d'indices.