La Méthode dans la Yoga hindoue

 

Les Hindous ont analysé plus clairement peut-être que tout autre groupe de penseurs le processus d’approche mentale de la Réalité. Sankarâchârya nous dit que :

 Le Yogi, dont l’intellect est parfait, contemple toute chose comme demeurant en lui-même, dans son propre "Soi" (sans aucune distinction d’externe ou d’interne) et ainsi, par l’.il de la connaissance (Jñâna-Chaksus, une expression qui peut être assez exactement rendue par : "intuitionintellectuelle"), il perçoit (ou plutôt, il conçoit, non rationnellement, ni discursivement, mais par perception

directe et "acquiescement" immédiat) que toute chose est Atmâ.

 Cité par Guénon René, dans Man and his Becoming, p. 254.

 

Le yogi, ou celui qui est parvenu à l’union (car le yoga est la science de l’union) se connaît tel qu’il est en réalité. Quand l’ignorance a fait place à la connaissance transcendante, il trouve qu’il est identifié avec Brahma, la Cause Eternelle, le Seul et l’Unique. Il se sait Dieu, sans contredit, Dieu immanent et Dieu transcendant. Le voyant poursuit et nous dit :

 Il est le Suprême Brahma, qui est éternel, pur, libre, seul (dans Son absolue perfection), incessamment rempli de Béatitude, sans dualité (inconditionné), Principe de toute existence, connaissant (sans que cette Connaissance implique aucune distinction de sujet et d’objet, qui serait contraire à la "non-dualité") et sans fin.

 Il est Brahma, par lequel toutes les choses sont illuminées (participant de Son essence suivant leur degré de réalité), la Lumière qui est la cause du resplendissement du soleil et de tous les corps lumineux mais n’est pas rendue manifeste par leur lumière.

 Le "Soi" étant illuminé par la méditation (...) brûlant alors du feu de la Connaissance (concevant son identité essentielle avec la Lumière Suprême) est délivré de tout accident (...) et brille de sa propre splendeur comme l’or purifié par le feu.

 Quand le Soleil de la Connaissance Spirituelle se lève dans le firmament du cœur (c’est-à-dire au centre de l’être)... il dissipe les ténèbres (de l’ignorance voilant la Réalité unique, absolue), il se répand sur tout, enveloppe tout et illumine tout.

 Guénon René, Man and His Becoming, pp. 256, 258, 259, 260.

 

Le Père Maréchal nous dit :

 (...) L’expérience psychologique vécue par le contemplatif passe par les deux phases de concentration mentale et d’inconscience, décrites par M. Oltramare, d’après le Sarvadarsanasangraha : C’est dans ces deux phases successives que le Yogi sape, par anticipation, la base des futures existences et efface les impressions qui déterminent l’existence présente. Dans la première, il est conscient (...) la pensée est alors exclusivement attentive à son propre objet, et toutes les modifications du principe pensant sont suspendues, dans la mesure où elles dépendent de choses extérieures ; les fruits qu’il récolte, sous cette forme, sont ou bien visibles, la cessation de la souffrance, ou bien invisibles, la perception immédiate de l’Etre, qui est le but de la méditation... Dans la seconde période de la Yoga, il est inconscient (...) l’organe pensant est dissous dans sa cause (...) le sentiment de la personnalité est perdu ; le sujet qui médite, l’objet sur lequel sa pensée demeure fixée, l’acte de méditer même, ne font qu’une chose...

 Maréchal Joseph, Studies in the Psychology of the Mystics, pp. 312.

 

Patanjali, le plus grand maître de Yoga, a résumé les dernières étapes dans son quatrième livre. Il écrit :

 L’état d’unité isolée (retirée dans la vraie nature du Soi) est la récompense de l’homme qui peut discriminer la substance, mentale d’avec le Soi, ou homme spirituel.

 L’état d’unité isolée devient possible quand les trois qualités de la matière (les trois gunas ou puissances de la nature) n’ont plus de prise sur le Soi. La pure conscience spirituelle se retire dans l’un.

 Quand l’intelligence spirituelle qui se tient seule et libre de tout objet, se reflète dans la substance-mentale, alors, vient la connaissance du Soi... L’intellect tend à... une illumination croissante

 2 Bailey Alice A., The Light of the Soul, IV, 22, 34, 25.

 Ici encore, nous avons la même idée. L’emploi de l’intellect, le retrait final de la conscience intellectuelle ; et la réalisation de l’unité. Ceci tend à l’illumination continue.