Réponses à quelques questions
Je vais maintenant tenter de traiter quelque peu trois questions sur l'éducation, posées par un étudiant. Je ne peux qu'indiquer l'idéal et, ce faisant, je cours le risque de donner l'impression d'être si visionnaire que toute manière d'aborder la question dans le système actuel pourra sembler impossible.
En réponse à la première question, je dirais que la fonction primordiale de tout éducateur est double.
1. Entraîner le cerveau à répondre intelligemment aux impressions arrivant via l'appareil sensoriel, et apportant donc des renseignements sur le monde extérieur tangible.
2. Entraîner le mental afin qu'il puisse remplir trois devoirs.
a. Traiter intelligemment des informations qui lui sont relayées par le cerveau.
b. Créer des formes-pensées en réponse aux impulsions émanant du plan physique ; aux réactions émotionnelles, provoquées par la nature de désir et de sentiments ; au monde de la pensée où se trouve l'entourage de l'homme.
c. Orienter le mental vers le soi subjectif spirituel, afin que le soi, partant d'un état potentiel, puisse devenir le gouvernement actif.
En formulant la fonction de l'appareil auquel tous les éducateurs ont affaire (le mental et le cerveau), j'ai répondu à la deuxième question posée qui était :
"Existe-t-il des types précis d'activités, changeant avec les années, basées sur les phases du processus de croissance de l'individu, et contribuant à son meilleur développement sur tous les points ?"
Je diffère quelque peu d'instructeurs occultistes tels que Steiner, en ce qui concerne les périodes indiquées, car, bien que les cycles de sept ans aient leur place, cette division est apte à être appliquée trop systématiquement. Je suggère aussi des cycles de développement de dix ans, divisés en deux parties : sept ans pour apprendre, et trois ans d'application.
Au cours des dix premières années de l'enfant, on lui enseigne comment utiliser intelligemment l'information que son cerveau reçoit par les cinq sens.
L'accent doit être mis sur l'observation, la réaction rapide et la coordination physique résultant de l'intention. On doit apprendre à l'enfant à voir, à entendre, à prendre des contacts et à utiliser son jugement ; ses doigts doivent alors répondre aux impulsions créatrices, tendant à produire ce qu'il voit et entend.
C'est ainsi que sont établis les éléments des arts et des métiers, du dessin et de la musique.
Pendant les dix années suivantes, le mental est véritablement entraîné à prendre la place dominante. On apprend à l'enfant à raisonner ses impulsions émotionnelles, et ses désirs impulsifs, à discerner entre le bien et le mal, le désirable et l'indésirable, l'essentiel et le non-essentiel. On peut lui apprendre ceci par le moyen de l'histoire et par l'instruction intellectuelle que son cycle de vie rend obligatoire, selon les lois du pays où il vit. On établit ainsi un sens des valeurs et de la juste mesure. On lui apprend la différence entre l'entraînement de la mémoire et la pensée ; entre l'ensemble des faits, vérifiés par les penseurs et présentés dans les livres, et leur application aux événements de l'existence objective. On y ajoute (voici une pensée réellement importante) leur cause subjective et leur relation avec le monde des réalités dont le monde phénoménal n'est que le symbole.
A l'âge de dix-sept ans, l'étude de la psychologie sera ajoutée au reste du programme, et la nature de l'âme sera sérieusement examinée ainsi que ses relations avec l'Ame du Monde. La méditation, faite dans le sens qui convient, fera partie du programme. Notons ici, cependant, que les implications religieuses de la méditation sont inutiles. La méditation est le processus selon lequel les tendances objectives et les impulsions vers l'extérieur du mental sont contrecarrées, celui-ci commençant à devenir subjectif, à se centrer et à percevoir l'intuition. Ceci peut être enseigné par la méthode de la pensée profonde sur n'importe quel sujet, les mathématiques, la biologie, etc...
La tendance de l'éducation nouvelle devrait être de faire, du sujet de l'expérience éducative, le possesseur conscient de ses facultés ; il devrait être placé devant la vie, avec l'oeil clair et des portes ouvertes devant lui, pour pénétrer dans le monde des phénomènes objectifs et des relations. Il devrait avoir acquis la connaissance d'une porte conduisant au monde de la Réalité, par laquelle il peut passer à volonté, et là, assumer et développer sa relation avec d'autres âmes.
Il est presque impossible de répondre à cette seconde question, question ayant trait au genre d'expérience qui aiderait l'enfant à parfaire son développement et à compléter le programme obligatoire d'état, vu les différences considérables existant entre les êtres humains, vu aussi l'impossibilité pratique de trouver des professeurs travaillant sur le plan de l'âme ainsi que sur celui du mental.
On devrait étudier le cas de chaque enfant dans trois directions.
Premièrement, s'assurer de la tendance naturelle de ses impulsions ; vont-elles vers l'expression physique, le travail manuel qui inclurait un vaste éventail de possibilités, allant de celle d'ouvrier d'usine à celle d'électricien qualifié ?
Y at- il une capacité latente pour l'un ou l'autre des arts, une réaction à la couleur et à la forme, ou une réceptivité à la musique et au rythme ?
Le calibre intellectuel justifie-t-il un véritable entraînement mental à l'analyse, à la déduction, aux mathématiques ou à la logique ?
Ainsi, peut-être, à mesure que la vie se poursuivra, nos jeunes gens seront-ils classés en deux groupes : le groupe des mystiques, où l'on rassemblerait ceux qui ont des tendances religieuses, artistiques, et le moins de sens pratique ; et le groupe des occultistes qui inclurait les types mentaux, scientifiques et intellectuels.
L'instruction donnée devrait permettre à l'enfant, lorsqu'il atteint dix-sept ans, de faire résonner clairement sa note ; elle devrait avoir indiqué le schéma que suivraient très probablement ses impulsions vitales. Pendant les quatorze premières années, l'occasion devrait être donnée d'expérimenter dans de nombreux domaines de possibilités. On ne devrait insister sur l'instruction ayant trait à la seule vocation que dans les dernières années du processus d'éducation.
Le temps est proche où les enfants seront examinés dans les domaines suivants :
1. Astrologique, pour déterminer les tendances de la vie et le problème particulier de l'âme.
2. Psychologique, en complétant la meilleure psychologie moderne par la connaissance des types des Sept Rayons qui caractérise la psychologie orientale (voir pages anglaises 18-23).
3. Médical, avec une attention spéciale au système endocrinien, à laquelle s'ajouteront les méthodes habituelles relatives aux déficiences physiologiques concernant les yeux, les dents ou d'autres points. La nature de l'appareil réceptif sera soigneusement étudiée et développée.
4. De la vocation, afin de les placer plus tard dans la vie, là où leurs dons et leurs capacités pourront trouver la plus complète expression. et leur permettront de remplir leurs obligations de groupe.
5. Spirituel, par cela, je veux dire que l'âge apparent de l'âme en question sera étudié, et la place sur l'échelle de l'évolution notée approximativement ; les tendances mystiques et introspectives seront examinées, leur absence apparente notée.
On étudiera soigneusement la coordination entre :
a. le cerveau et l'appareil réceptif, dans le monde extérieur des phénomènes,
b. le cerveau et les impulsions du désir, plus les réactions émotionnelles,
c. le cerveau, le mental et le monde de la pensée,
d. le cerveau, le mental et l'âme, afin de porter à un fonctionnement actif tous les moyens de l'enfant, latents ou développés, et de les unifier en un tout.
La troisième question est la suivante :
"Quel est le processus du développement de l'intellect chez l'homme ?
Comment le mental supérieur se manifeste-t-il, si toutefois il se manifeste, au cours des années de croissance ?"
Il n'est pas possible, dans le peu de temps dont nous disposons, de traiter ici l'histoire du progrès du développement mental. Une étude de sa croissance raciale révélera beaucoup de choses, car chaque enfant est un épitomé de l'ensemble. Une étude, par exemple, de la croissance de l'idée de Dieu dans la conscience humaine se révélerait être une illustration profitable du phénomène du développement de la pensée. Une succession des phases de la croissance pourrait être énumérée brièvement et très imparfaitement comme suit, en se basant sur le processus du développement chez l'être humain :
1. Réceptivité à l'impact, éveil des sens chez le nourrisson. Il commence à entendre et à voir.
2. Réceptivité à la possession et à l'acquisition. L'enfant commence à s'approprier les objets, devient soi-conscient et saisit pour le soi personnel.
3. Réceptivité à l'instinct gouvernant la nature animale et de désir, ainsi qu'aux tendances humaines.
4. Réceptivité au groupe. L'enfant prend conscience de son entourage et se rend compte qu'il est partie intégrante d'un tout.
5. Réceptivité à la connaissance. Ceci commence par la communication de faits d'information qui conduit à l'enregistrement de ces faits par la mémoire. C'est ainsi que se développent l'intérêt, la corrélation, la synthèse et l'application aux exigences de la vie.
6. Réceptivité au besoin inné de recherche. Ceci conduit à l'expérimentation sur le plan physique, à l'introspection sur le planémotionnel et à l'étude intellectuelle, ainsi qu'à un amour de la lecture ou à un goût d'écouter, ce qui met le mental en état d'activité.
7. Réceptivité à la pression sexuelle et économique ou à la loi de survie.
Ceci l'oblige à utiliser les moyens qu'il possède et sa connaissance ; il prend ainsi sa place en tant que facteur dans la vie de groupe, et il contribue au bien du groupe par quelque aspect de travail actif et par la perpétuation de l'espèce.
8. Réceptivité à la conscience intellectuelle pure. Ceci conduit à un emploi libre et conscient du mental, à la pensée individuelle, à la création de formes-pensées et, en fin de compte, à une ferme orientation du mental vers un domaine de réalisation et de conscience toujours plus vaste. Ces expansions de conscience apportent finalement un nouveau facteur dans le champ de l'expérience.
9. Réceptivité au Penseur ou âme. Lorsqu'il enregistre cette réponse, l'homme pénètre dans son règne. Ce qui est en haut et ce qui est en bas ne font plus qu'un. Le monde objectif et le monde subjectif sont unifiés. L'âme et son mécanisme fonctionnent comme une unité.
C'est vers cette consommation que toute éducation devrait tendre.
Pratiquement, si l'on excepte les âmes rares et hautement évoluées, le mental supérieur ne se manifeste pas chez les enfants, pas plus qu'il ne se manifestait dans l'enfance de l'humanité. Il ne peut vraiment se faire sentir que lorsque l'âme, le mental et le cerveau sont alignés et coordonnés. Les éclairs de pénétration et de vision que l'on observe chez les enfants sont fréquemment la réaction de leur appareil réceptif très sensible aux idées de groupe, et aux pensées dominantes de leur temps, de leur ère, ou encore à celles de quelqu'un de leur entourage.
Permettez-moi, maintenant, de traiter brièvement des points soulevés quant à l'attitude de l'instructeur, en particulier, vis-à-vis des aspirants adultes.
Le véritable instructeur doit traiter tous ceux qui cherchent avec vérité et sincérité. Son temps (dans la mesure où il est soumis à l'équation temps sur le plan physique), est trop précieux pour qu'il le gaspille en politesse sociale, ou en efforts pour s'abstenir de commentaires critiques, quand ceux-ci rendraient service. Il doit se reposer entièrement sur la sincérité de ceux qu'il instruit.
Néanmoins, la critique et la mise en évidence de défauts ou d'erreurs ne se révèlent pas toujours avantageuses ; elles peuvent accroître la responsabilité, susciter l'antagonisme ou l'incrédulité, ou encore causer la dépression, trois conséquences des plus indésirables de l'emploi de la faculté critique.
En stimulant son intérêt, en réalisant une synthèse subjective et en attisant la flamme de son inspiration spirituelle, le groupe peut arriver à un juste discernement quant à ses nécessités et qualités conjointes, et rendre ainsi inutile l'attitude ordinaire de l'instructeur, consistant à relever les fautes.
Ceux qui sont sur le rayon de l'enseignement apprendront à enseigner en enseignant. Il n'y a pas de méthode plus sûre pourvu qu'elle s'accompagne d'un amour profond, personnel et en même temps impersonnel, vis-à-vis de ceux que l'on instruit. Par-dessus tout, je vous demande expressément d'inculquer l'esprit de groupe, car c'est la première expression de l'amour vrai. Je souhaite aborder deux points seulement.
Tout d'abord, lorsqu'on enseigne à des enfants en dessous de quatorze ans, il est nécessaire de se souvenir qu'ils sont focalisés émotionnellement. Ils ont besoin de sentir, et de sentir avec justesse la beauté, la force et la sagesse. Il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils raisonnent avant cet âge-là, même s'ils s'en montrent capables. Après quatorze ans et pendant l'adolescence, leur réaction mentale à la vérité devrait être mise à jour, et c'est sur elle qu'il faudra compter pour résoudre les problèmes présentés. Même si cette réaction n'existe pas, il faut faire un effort pour la susciter.
Deuxièmement, il faut tenter de situer approximativement l'enfant sur l'échelle de l'évolution, en étudiant son milieu, ses moyens physiques, la nature de son appareil réceptif avec ses nombreuses réactions et ses intérêts majeurs. Cette enquête établit un rapport subjectif avec l'enfant, qui est beaucoup plus puissant dans ses résultats que ne le seraient des mois et des mois de paroles employées vigoureusement à communiquer une idée.