54. Cette connaissance intuitive, qui est la grande libératrice, est omniprésente et omnisciente et inclut le passé, le présent et le futur dans l'éternel maintenant.
La seule chose qui, dans ce sutra ne soit pas claire, même pour le lecteur superficiel, est le sens des mots Eternel Maintenant, qu'il n'est pas possible de saisir, à moins que la conscience de l'âme n'ait été développée. Dire que le temps est une succession d'états de conscience, que le présent est instantanément perdu dans le passé et enfoui dans le futur sitôt expérimenté, n'apportera pas grand-chose à l'étudiant moyen. Dire qu'il est un temps où la vie se perd dans la vision et où il est pris conscience de la somme des prévisions de la vie en un seul instant de réalisation qui persiste à jamais ; désigner un état de conscience dans lequel il n'y a ni déroulement d'événements ni succession dans les perceptions de la conscience, tout cela semble dit en un mystérieux langage. Cependant, cela est et cela sera. Quand l'aspirant a atteint son but, il sait quel est le véritable sens de son immortalité et la vraie nature de sa libération. L'espace et le temps deviennent pour lui des termes vides de sens. La seule véritable Réalité est vue comme étant la grande force vitale centrale, restant inchangée et stable au centre des formes temporelles évanescentes.
"Je suis", dit l'unité humaine ; se considérant comme étant elle-même le soi, elle s'identifie avec la forme changeante. Le temps et l'espace sont pour elle les véritables réalités. "Je suis cela", dit l'aspirant, et il cherche à se connaître tel qu'il est réellement ; un mot vivant, partie constituante d'une phrase cosmique. L'espace n'existe plus pour lui ; il se sait omniprésent. "Je suis ce que Je suis" dit l'âme affranchie, l'homme libéré, le Christ. Le temps ni l'espace n'existent plus pour lui ; l'omniscience comme l'omniprésence sont ses qualités distinctives.
Dans son commentaire de ce sutra, Charles Johnston cite saint Columba et écrit :
"Il en est quelques-uns, bien que fort peu, à qui la grâce divine a accordé ceci : ils peuvent voir clairement, très distinctement et dans le même moment, comme sous un seul rayon de soleil jusqu'au circuit total du monde tout entier avec sa ceinture d'océans et de ciel – la partie la plus profonde de leur mental étant merveilleusement amplifiée."
Il pourrait être utile également de citer ici le bref commentaire de Dvidedi ; il y est bien à sa place, car la réalisation de cet état de conscience y est résumée avec concision :
"Dans l'aphorisme 23 de cette section, nous avons déjà décrit la nature de taroka-jnana, la connaissance qui délivre des attaches du monde. La connaissance sélective décrite ici a pour résultat taraka, la connaissance qui constitue la fin et le but du yoga. Elle se rapporte à tous les objets, depuis le pradhana (esprit-matière, A.A.B.) jusqu'aux bhutas (éléments, formes, A.A.B.), ainsi qu'à tous les états de ces objets. De plus, elle produit la connaissance simultanée de toutes choses et elle est totalement indépendante des règles ordinaires de la cognition. Elle est donc la plus haute connaissance que puisse désirer le yogi et l'indice certain de Kaivalya (état d'unification absolue, A.A.B.) qui sera décrit dans l'aphorisme suivant comme étant son résultat."