43. Lorsque ce qui voile la lumière est éliminé, un état d'être survient alors, qualifié d'extra-charnel (ou incorporel) et libéré des modifications du principe pensant. C'est l'état d'illumination.

 

Nous avons de nouveau ici une traduction plus libre que littérale, où le véritable sens des termes archaïques est respecté, plutôt que la correction académique. La raison en apparaîtra lorsque certaines traductions réputées en seront données ; ce sont des traductions correctes, mais faisant preuve d'une ambiguïté qui ne peut être évitée dans l'adoption d'une traduction littérale des termes sanscrits.

"Une fluctuation non adaptée extérieurement est le grand Désincarné ; il en résulte une diminution du revêtement, en faveur de la luminosité." (Woods)

"La modification externe (de l'organe interne)... est inconsidérément (nommée) la grande (modification) incorporelle ; de là (résulte) la destruction de l'obscurcissement de l'illumination (de l'intellect)." (Tatya) Vivekananda traduit ce sutra dans les termes suivants :

"En faisant sanyama sur les modifications réelles du mental qui sont à l'extérieur, appelées le grand état de désincorporation, la disparition du revêtement de la lumière survient."

Ces citations font apparaître les grandes difficultés auxquelles se heurtent tous les traducteurs, ce qui explique la nette paraphrase de ce passage.

Dans ce sutra, deux idées cherchent à s'exprimer : l'une se rapporte au voile ou revêtement qui fait obstacle à l'illumination de l'esprit, et l'autre à l'état de réalisation consciente atteint par l'homme qui s'est libéré de ce voile. Ce qui recouvre la lumière (le "boisseau" auquel le Christ fait allusion dans le Nouveau Testament) est constitué par les enveloppes ou corps changeants et fluctuants. Lorsqu'ils sont transmués et transcendés, la lumière de Dieu (le second aspect divin) peut inonder l'homme inférieur qui se connaît alors tel qu'il est. L'illumination afflue en lui et il se sait être quelque chose de différent des formes à travers lesquelles il fonctionne. Il n'est plus ni centré, ni axé sur ses formes, mais se trouve réellement en une condition d'incorporéité. Sa conscience est celle de l'homme qui n'est pas en incarnation, de l'homme réel sur son propre plan, du véritable penseur extra-charnel. Saint Paul, comme l'ont souligné plusieurs penseurs, fit tant soit peu l'expérience de cet état d'être. Il s'y réfère en ces termes :

"Je connais un homme dans le Christ qui, voici quatorze ans – était-ce en son corps ? je ne sais ; était-ce hors de son corps ? je ne sais, Dieu le sait – cet homme là fut ravi jusqu'au troisième ciel. Et cet homme-là – était-ce en son corps ? je ne sais, Dieu le sait – je sais qu'il fut ravi jusqu'en paradis et qu'il entendit des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à l'homme de redire." (II Cor. XII) (Texte français tiré de La Bible, éd. de Jérusalem. (N.d.l.t.))
Ce "troisième ciel" peut être compris de deux façons : d'abord, comme représentant le plan mental sur lequel se trouve la demeure véritable de l'homme spirituel, le penseur ; puis, en tant qu'état plus spécial, qu'il faut entendre comme étant celui qu'on trouve sur le troisième degré, le plus haut des trois niveaux abstraits du plan mental.