21. Par la méditation concentrée sur la différence entre la forme et le corps, les propriétés du corps qui le rendent visible à l'œil humain sont abolies (ou retirées) et le yogi peut se rendre invisible.

 

Pour le penseur occidental ce sutra est l'un des plus difficiles, car il implique certaines récognitions étrangères à l'Occident. Il comporte premièrement la récognition du corps éthérique ou vital et son fonctionnement en tant que force d'attraction, maintenant en sa forme le véhicule physique dense. Grâce à ce substratum éthérique, le corps physique est reconnu comme étant un tout cohérent, pouvant être observé en tant qu'objet. Du point de vue de l'occultiste, c'est ce corps vital qui est la forme véritable, et non l'enveloppe tangible dense.

Grâce à la concentration et à la méditation, le yogi a acquis le pouvoir d'ancrer sa conscience dans l'homme véritable, ou spirituel, et de maîtriser le principe pensant. "Comme un homme pense, ainsi est-il" est une loi occulte, et il est aussi occultement vrai que "là où un homme pense, c'est là qu'il est". Un voyant entraîné peut retirer sa conscience hors du plan physique et l'axer sur le mental. Il peut à volonté "éteindre la lumière" et, quand c'est le cas, la visibilité est abolie et, (du point de vue de l'œil humain), cet homme disparaît. Il devient également intangible par rapport au toucher et inaudible par rapport à l'ouïe. Ce fait démontre la réalité de l'hypothèse selon laquelle rien n'existe que l'énergie, sous une forme ou sous une autre, et que l'énergie est triple ; en Orient, la nature de l'énergie est qualifiée de sattvique, rajasique ou tamasique. Ce qui se traduit par les termes :

Sattva Rythme Esprit Vie

Rajas Mobilité Ame Lumière

Tamas Inertie Corps Substance

Qui sont des différenciations, dans le temps et l'espace, de l'essence esprit unique, éternelle et primordiale. On peut suggérer que les correspondances occidentales modernes se retrouvent dans les termes :

Energie Esprit Vie

Force Ame Lumière

Matière Forme Substance

La caractéristique dominante de l'esprit (ou énergie) est le principe vital, ce mystérieux quelque chose, qui est la cause de l'existence de toutes choses et de la persistance de cette existence. La caractéristique dominante de l'âme (ou de la force) est la lumière. Elle met tout ce qui existe en état de visibilité.

La caractéristique dominante de la matière vivante consiste dans le fait qu'elle se trouve sous-jacente au corps objectif et pourvoit à sa véritable forme.
Il faut se rappeler ici que la base de tout enseignement occulte, et de tous les phénomènes, se trouve dans le texte suivant :

"La matière est le véhicule destiné à la manifestation de l'âme sur ce plan d'existence ; et l'âme est, sur une spire plus élevée de la spirale, le véhicule destiné à la manifestation de l'esprit." (La Doctrine Secrète, I. 80)

Quand l'âme (ou force) se retire hors de l'aspect matière (la forme objective tangible), cette forme n'est plus visible. Elle se dissipe temporairement et disparaît. Actuellement, ceci peut être accompli de façon satisfaisante par le voyant qui s'applique à concentrer sa conscience dans l'égo, l'homme spirituel ou âme et, par l'emploi du principe pensant et un acte de la volonté, à retirer le corps éthérique du corps physique dense. Ceci s'exprime par le mot "transfert" et implique :

1.
Un rassemblement de la vie, ou des forces vitales du corps, dans les centres nerveux du plan physique qui se trouvent sur le haut de l'épine dorsale.
2.
Leur acheminement, depuis le haut de l'épine dorsale, jusqu'à la tête.
3.
Leur concentration sur ce point et leur transfert subséquent le long du fil ou sutratma, par la voie de la glande pinéale et du brahmarandra.
4.
Le voyant se trouve alors en sa forme véritable, le corps éthérique, lequel est invisible à l'oeil humain. Lorsque la vision éthérique se développera au sein de la race, un transfert plus avancé deviendra nécessaire ; le voyant procédera alors, de la même façon, au retrait des principes vital et lumineux (les qualités de sattva et de rajas) hors du corps éthérique, et se trouvera être dans son corps kamique ou astral ; il sera donc, éthériquement aussi, invisible. Quoi qu'il en soit, ce temps est encore lointain.

W.Q. Judge, dans son commentaire, fait certaines remarques intéressantes en ces termes :
"Une autre grande différence entre cette philosophie et la science moderne, est indiquée ici. Les écoles d'aujourd'hui posent en règle que, si un œil sain est sur la trajectoire des rayons lumineux que réfléchit un objet – tel qu'un corps humain – ce dernier sera vu, et que nul acte mental de la part de la personne regardée ne pourra paralyser les fonctions des nerfs optiques et de la rétine de celui qui regarde. Mais les anciens hindous estimaient que toutes choses sont vues en raison de la caractéristique de Sattva – l'une des grandes qualités entrant dans la composition de toutes choses – qui se manifeste en tant que luminosité opérant conjointement avec l'œil, lequel est aussi une manifestation de Sattva sous un autre aspect. Les deux doivent aller de pair ; l'absence de luminosité, ou sa disjonction d'avec l'œil du voyant, provoquera une disparition. Lorsque la qualité de luminosité est entièrement sous le contrôle de l'ascète, celui-ci peut, par le processus indiqué, le contrôler et, en conséquence, retrancher de l'œil de l'autre personne un élément essentiel à la vision de n'importe quel objet."

Ce processus en son entier n'est possible que s'il est le résultat d'une méditation concentrée et fixée sur un seul point ; elle est donc impossible à l'homme qui n'a pas passé par la discipline et l'entraînement prolongés que comporte le travail ayant pour objet la maîtrise du principe pensant et la mise en œuvre de cet alignement et fonctionnement immédiats, qui sont réalisables lorsque le penseur sur son propre plan, le mental et le cerveau, sont tous trois alignés et coordonnés par la voie du sutratma, le fil ou corde d'argent magnétique.