LIVRE III

L'UNION REALISEE ET SES RESULTATS


a. La méditation et ses stades
b. Vingt-trois résultats de la méditation

Thème : Les pouvoirs de l'âme


1. La concentration consiste à fixer la chitta (substance mentale) sur un sujet particulier. Ceci est dharana.


Nous sommes arrivés maintenant à la partie des Yoga Sutras qui traite spécifiquement de la maîtrise du mental et des effets de cette maîtrise. Les quinze premiers sutras sont consacrés à la maîtrise du mental et aux moyens à employer pour l'atteindre, et les quarante sutras restants concernent les résultats qui se produisent lorsque cette maîtrise a été acquise ; vingt-trois résultats sont énumérés et tous se trouvent dans la ligne des expansions de conscience et de la démonstration des facultés psychiques, tant inférieures que supérieures.

Le premier pas à faire en vue de ce développement est la concentration, ou la faculté de garder le mental fermement et inébranlablement fixé sur ce que l'aspirant choisit. Ce premier pas est l'un des stades les plus difficiles du processus de la méditation et il implique la faculté indéfectible de ramener constamment le mental à l' "objet" que l'aspirant a choisi pour objet de sa concentration. Les stades mêmes de la concentration sont bien délimités et peuvent être désignés comme suit :

1.
Le choix de l' "objet" sur lequel se concentrer.

2.
Le fait de retirer la conscience mentale de la périphérie du corps, afin que les voies de la perception extérieure et du contact (les cinq sens) soient réduites au calme et que la conscience ne se dirige plus vers l'extérieur.

3.
La centralisation de la conscience, et sa stabilisation dans la tête, en un point médian entre les sourcils.

4.
L'application du mental, ou extrême attention accordée à l'objet choisi pour la concentration.

5.
La visualisation de cet objet, la perception imaginative de ce qu'il est et le raisonnement logique s'y rapportant.

6.
Le fait d'étendre les concepts mentaux qui ont été formés, en les faisant passer, du plan spécifique ou particulier au plan général et universel, ou cosmique.

7.
Une tentative pour arriver à ce qui gît à l'arrière-plan de la forme considérée, ou d'atteindre l'idée qui est à l'origine de la forme.
Ce processus élève graduellement la conscience et permet à l'aspirant d'arriver à l'aspect vie de la manifestation, à la place de l'aspect forme. Il commence néanmoins par la forme ou "objet". Les objets sur lesquels se concentrer sont de quatre sortes : 

1.
Les objets externes, tels qu'images de la divinité, peintures ou formes faisant partie de la nature.

2.
Les objets internes, tels que les centres du corps éthérique.

3.
Les qualités, telles que les diverses vertus, dans l'intention d'éveiller un désir pour ces vertus, et ainsi, de les édifier au sein de la vie personnelle.

4.
Les concepts mentaux, ou les idées incorporant les idéaux qui gisent à l'arrière-plan de toutes les formes animées. Ils peuvent se présenter sous l'aspect de symboles ou de mots.
Dans l'un des Puranas, l'idée qu'incorpore la concentration est exprimée avec ne grande beauté. Il est dit à l'aspirant, après qu'il ait fait usage des cinq premiers moyens de yoga (traités dans le Livre II) qu'il "devrait procéder à une localisation de la substance mentale dans quelque support propice", et cette localisation est illustrée par une description de l'attention fixée sur une forme de Dieu.

"Par la forme incarnée de l'Un Suprême, on est laissé sans désir pour aucun autre support. Cela doit être compris comme étant fixité d'attention, quand la substance mentale est ancrée sur cette forme. Quelle est cette forme incarnée de Hari sur laquelle on doit méditer, que cela soit entendu par toi, ô Souverain des Hommes. L'attention fixée n'est pas possible sans quelque chose sur quoi la fixer." (Vishnou Purana, VI. 7, 75-85)

Suit alors une description de la forme incarnée de l'Un Suprême, concluant par ces mots :

"... que sur Lui le yogi médite ; et, perdu en Lui, qu'il concentre son propre mental jusqu'à ce que, ô Roi, l'attention fixée devienne fermement attachée sur Lui seul. Lorsqu'il accomplit ceci, ou lorsqu'il se livre, à son gré, à quelque autre action dans laquelle son mental ne s'égare point, il doit alors estimer avoir atteint la perfection." (Naradiya Purana, LXVII. 54-62)

C'est cette conscience de la nécessité d'avoir des "objets" de concentration qui a suscité le besoin d'images, de sculptures sacrées et de peintures. Tous ces objets entraînent la mise en jeu du mental inférieur concret, ce qui est un stade préliminaire nécessaire ; leur usage met le mental en état de soumission, de sorte que l'aspirant peut le faire agir selon son choix. Les quatre types d'objets mentionnés ci-dessus dirigent graduellement l'aspirant vers l'intérieur et le mettent à même de transférer sa conscience, du plan physique dans le domaine éthérique et de là dans le domaine du désir et des émotions, et ainsi dans le monde des idées et concepts mentaux. Ce processus, qui se poursuit dans le cerveau, amène l'homme inférieur tout entier à un état d'attention cohérente concentrée sur un seul point, toutes les parties constituantes de sa nature étant dirigées vers la réalisation de la fixité de l'attention, ou d'une concentration de toutes les facultés mentales. Dès lors, le mental ne se disperse plus, n'est plus instable et dirigé vers l'extérieur, mais il est pleinement "fixé dans l'attention".
Vivekananda traduit "dharana" par "retenant le mental sur une pensée pendant douze secondes".

Cette perception d'un objet, claire, tranquille et fixée sur un point unique sans qu'aucun autre objet ne pénètre dans la conscience, est d'une réalisation fort difficile, et lorsque cela peut être accompli en l'espace de douze secondes, la véritable concentration est réalisée.