MOYEN V. LE TRANSFERT

 

54. Le transfert (ou pratyahara) est l'asservissement des sens par le principe pensant et leur retrait hors de ce qui fut jusqu'ici leur objet.

 

Ce sutra résume pour nous le travail accompli pour atteindre à la maîtrise de la nature psychique ; il nous donne le résultat obtenu par le penseur lorsque, par l'intermédiaire du mental, le principe pensant domine assez les sens pour qu'ils n'aient plus, de leur propre chef, d'expression indépendante.

Avant que l'attention, la méditation et la contemplation (les trois derniers moyens de yoga) puissent être entrepris de façon satisfaisante, il faut non seulement que la conduite extérieure soit amendée et la pureté intérieure réalisée ; il faut non seulement que l'attitude juste à l'égard de toutes choses ait été cultivée et les courants vitaux ordonnés en conséquence ; mais encore que l'aptitude à subjuguer les tendances qu'ont les cinq sens à se diriger vers l'extérieur, fasse l'objet d'un travail.

Ainsi, le retrait correct, ou transfert, de la conscience qui se porte à l'extérieur vers le monde phénoménal, est enseigné à l'aspirant ; il doit apprendre à centrer sa conscience sur la grande station centrale située dans la tête, d'où l'énergie peut être consciemment distribuée tandis qu'il participe au grand œuvre, d'où il peut établir un contact avec le domaine de l'âme, et dans laquelle il peut recevoir les messages et les impressions qui émanent de ce domaine. Ceci constitue un stade déterminé de réalisation ; ce n'est pas simplement une façon symbolique de désigner un intérêt fixé sur un seul point.

Les diverses voies de la perception sensorielle sont amenées à une condition de quiétude. La conscience de l'homme réel ne reflue plus vers l'extérieur le long de ses cinq voies de contact.

Les cinq sens sont dominés par le sixième sens, le mental ; la conscience et la faculté perceptive de l'aspirant est tout entière synthétisée dans la tête, se tournant vers l'intérieur et vers le haut. La nature psychique est par là subjuguée et le plan mental devient le champ d'activité de l'homme. Ce processus de retrait ou de transfert se déroule en plusieurs stades :

1.
Le retrait de la conscience physique, ou perception par l'intermédiaire de l'ouïe, du toucher, de la vue, du goût et de l'odorat. Ces modes de perception s'assoupissent temporairement ; la perception de l'homme devient purement mentale et la conscience cérébrale est seule active sur le plan physique.

2.
Le retrait de la conscience dans la région de la glande pinéale, de sorte que le point où se produit la prise de conscience de l'homme est centralisé dans la région qui se trouve entre le milieu du front et la glande pinéale.

3.
Le stade suivant est celui qui consiste à transférer la conscience dans le centre (chakra, N.d.l.t.) de la tête – le lotus aux mille pétales ou sahasara – en attirant sciemment la conscience de la tête sur ce point. Ceci peut être fait en pleine conscience de veille lorsque certaines règles ont été apprises et un certain travail accompli.
Ceux-ci ne peuvent évidemment être indiqués dans un ouvrage tel que celui-ci. La majorité des gens doivent d'abord acquérir la maîtrise sur les deux premiers stades et apprendre à régir les voies de perception, les cinq sens.

4.
Le transfert de la conscience dans le corps astral, le libérant ainsi du plan physique.

5.
Encore un retrait de plus, dans le corps mental ou dans le mental lui-même, afin que ni le physique ni l'astral ne limitent ni n'enferment plus l'homme.
Quand cela peut être fait, la méditation et la contemplation véritables deviennent possibles.

Dvidedi, dans son commentaire de ce sutra, dit ceci :

"Le transfert consiste à assimiler entièrement les sens au mental et à les placer sous sa complète domination. Ils doivent être détournés de leurs objectifs, fixés sur le mental, et assimilés à lui ; de sorte que, la transformation du principe pensant étant supprimée, les sens s'y conformeront aussi et seront immédiatement maîtrisés. De plus, ils seront toujours prêts à apporter collectivement leur contribution à toute absorbante méditation sur quoi que ce soit, et à n'importe quel moment."

En conséquence, le résultat du transfert ou retrait correct, est en bref :

1.
La synthèse des sens grâce au sixième sens : le mental.
2.
L'alignement de l'homme inférieur triple, afin que les trois corps fonctionnent comme une unité coordonnée.
3.
L'affranchissement de l'homme à l'égard des limitations des corps.
4.
L'aptitude consécutive de l'âme ou égo à mettre son empreinte sur le cerveau, et à obtenir l'illumination par le truchement du mental.