3. Voici les obstacles producteurs de difficultés : avidya (l'ignorance) et le sens du désir de la personnalité, la haine et le sens de l'attachement.

 

Ce sont les cinq idées ou concepts erronés qui, pendant des âges sans nombre et à travers maintes et maintes vies, empêchent les fils des hommes de prendre conscience de leur filiation divine. Ce sont ces concepts qui incitent les hommes à s'identifier avec ce qui est inférieur et matériel et à oublier les réalités divines. Ce sont ces idées fausses qui font, de la Monade divine, un enfant prodigue et l'exilent en lointain pays pour le nourrir des caroubes de l'existence mortelle. C'est cela qui doit être surmonté et éliminé avant qu'un homme puisse "lever les yeux" et contempler à nouveau le Père et la Maison du Père, étant ainsi à même de fouler consciemment le Sentier du retour.
 
On peut noter que deux des obstacles : avidya et le sens de la personnalité, se rapportent à l'homme en tant que synthèse sur le plan physique ; que le désir concerne son corps astral, véhicule de la sensibilité, et que la haine et le sens de l'attachement sont les produits du sens de l'égoïsme (principe de l'ahamkara) qui anime le corps mental. Ainsi, la triple personnalité est le champ d'ensemencement et les graines se propagent dans le sol de la vie personnelle au sein des trois mondes ; elles y croissent et prospèrent en obstruant l'homme réel et lui faisant obstacle. Ces graines doivent être détruites et, de leur destruction, trois choses résultent :

1. Le karma est épuisé.
2. La libération est réalisée.
3. La vision de l'âme est parachevée.
4. Avidya (l'ignorance) est la cause de toutes les autres obstructions, qu'elles soient latentes, en voie d'élimination, surmontées, ou pleinement opérantes.

La vaste portée de ce sutra est ce qui attire tout d'abord l'attention. Il nous conduit en pensée jusqu'à la cause originelle de tout mal et, dans sa mention des obstructions, il fait le tour de toutes les conditions possibles de leur présence. Cette stance résume la situation de tout homme, dès le stade de l'état sauvage, puis, à travers toutes les conditions intermédiaires, jusqu'à l'état de l'arhat où sont brisés les derniers liens de l'ignorance ; elle établit qu'il faut chercher la raison de l'existence du bien et du mal, ainsi que la raison de la présence évidente de l'égoïsme et des désirs personnels de toutes sortes, dans la grande condition de base que constitue la limitation inhérente à la forme elle-même : avidya ou l'ignorance.

Dès le début de ses investigations dans les lois du développement spirituel, il est rappelé à l'aspirant que deux facteurs, basés sur le fait de la manifestation elle-même, doivent être pris en considération :

1.
Le fait du non-soi vers lequel sont attirés les points divins de la vie spirituelle, et qui se les incorpore au cours de la période d'évolution.
2.
Le fait des limitations consécutives au revêtement d'une forme.
Les deux facteurs ci-dessus doivent être reconnus comme vrais, qu'il s'agisse du Logos solaire, du Logos planétaire, d'un homme ou d'un atome.
Toute forme de vie divine (l'infiniment petite comme l'infiniment grande) voile ou dissimule une portion d'énergie spirituelle. Il en résulte nécessairement, pour le point de l'existence spirituelle, une réclusion, une exclusion, un encerclement de soi, et seuls les contacts de l'existence elle-même et la lutte de l'unité spirituelle dans la forme peuvent en définitive amener la libération.

En attendant, et pendant tout le processus d'incarnation, le point voilé de la vie demeure dans l'ignorance de ce qui se trouve hors de lui-même, et doit soutenir une lutte progressive pour se frayer une voie de sortie vers une indépendance et une liberté sans cesse accrues. 

La sphère de sa propre forme est, de prime abord, la seule chose dont il ait conscience et il reste dans l'ignorance de tout ce qui est en dehors de lui. Les contacts provoqués par le désir sont les facteurs grâce auxquels l'ignorance se mue en connaissance, et l'homme (car nous ne considérons en l'occurrence que l'unité humaine, bien que la loi de base soit valable pour toutes les formes de la vie divine) devient alors progressivement conscient de lui-même tel qu'il est et prend également conscience de son entourage. Cet entourage étant triple (physique, astral et mental) et l'homme ayant ainsi trois véhicules pour lui permettre d'établir un contact dans les trois mondes, cet éveil s'accomplit au cours d'une très longue période. L'ancien commentaire dit à ce propos :

"Dans la Salle de l'Ignorance les triples gaines sont connues.
La vie solaire à son point le plus dense est contactée et l'homme émerge pleinement humain."

Puis, l'homme prend conscience d'autre chose, du groupe auquel il appartient ; il le fait en découvrant que sa propre réalité inférieure est latente en sa personnalité. Il apprend que lui, l'atome humain, fait partie d'un groupe, ou centre, dans le corps d'un Homme céleste, un Logos planétaire, et qu'il doit prendre conscience :

a.
De la vibration de son groupe.
b.
Du dessein de son groupe.
c.
Du centre de son groupe.

C'est le stade allant du sentier de probation ou du Sentier de l'état de Disciple, jusqu'à la troisième initiation. Et l'ancien commentaire poursuit :

"Dans la Salle de l'Enseignement il est pris contact avec le mystère central. La méthode de libération est vue, la loi est correctement accomplie, et l'homme émerge, sur le point d'être adepte." 

Finalement, l'homme pénètre dans la Salle de la Sagesse, où il était admis occasionnellement (et de plus en plus fréquemment) après avoir passé par la première grande initiation, et il s'instruit de la place qu'occupe son groupe dans le plan planétaire, en jetant aussi un regard sur l'ordre cosmique. L'ignorance (au sens que nous donnons à ce terme) est bien-entendu supprimée, mais on ne peut assez répéter avec insistance qu'il reste encore beaucoup d'inconnu, même pour l'adepte, et que le Christ Lui-même, le grand Instructeur du Monde, ne sait pas tout ce que contient la conscience du Roi du Monde. Quoi qu'il en soit, les Yoga Sutras de Patanjali se bornent à traiter de la victoire sur l'ignorance, qui garde l'homme soumis à la roue de la renaissance et l'empêche de développer les véritables pouvoirs de son âme. L'ancien commentaire dit ceci au sujet de ce stade final :

"Dans la Salle de la Sagesse, la lumière brille pleinement sur les voies de l'adepte. Il en connaît et voit la septième partie et il a une vision de tout le reste. Il est lui-même septuple et, de cette Salle, il émerge Dieu."