LE TIBETAIN

LES ENSEIGNEMENTS DU TIBETAIN

7. LES PROBLEMES DE L'HUMANITE

par ALICE A. BAILEY

Mis sur support informatique sous la responsabilité de l'Association Lucis Trust.


TABLES

SOMMAIRE

AVERTISSEMENT AU LECTEUR

1. LE PROBLEME DE LA RECONSTRUCTION MATERIELLE DU MONDE
2. LE PROBLEME DE LA REHABILITATION PSYCHOLOGIQUE DES NATIONS
3. LE PROBLEME DES ENFANTS DANS LE MONDE
4. LE PROBLEME DU TRAVAIL, DU CAPITAL ET DE L'EMPLOI
5. LE PROBLEME DES MINORITES RACIALES
6. LE PROBLEME DES EGLISES
7. LE PROBLEME DE L'UNITE INTERNATIONALE
L'alternative est une autre guerre
La technique de la bonne volonté
CHAPITRE I — LA RECONSTRUCTION MATERIELLE DU MONDE
CHAPITRE II — LA REHABILITATION PSYCHOLOGIQUE DES NATIONS
LA FRANCE
L'ALLEMAGNE
L'EMPIRE BRITANNIQUE
LA RUSSIE
LA POLOGNE
LES ETATS-UNIS
RESUME
CHAPITRE III — LE PROBLEME DES ENFANTS DANS LE MONDE D'AUJOURD'HUI
LE PROBLEME ACTUEL DE LA JEUNESSE
BESOINS IMMEDIATS DES ENFANTS
LE PLAN A LONGUE PORTEE
CONCLUSION
CHAPITRE IV — LE PROBLEME DU CAPITAL, DU TRAVAIL ET DE L'EMPLOI
CHAPITRE V — LE PROBLEME DES MINORITES RACIALES
LES MINORITES
1. Le problème juif
2. Le problème des nègres
3. Le problème de l'Inde
LA SOLUTION
CHAPITRE VI — LE PROBLEME DES EGLISES
I. LA FAILLITE DES EGLISES.
II. L'OCCASION OFFERTE AUX EGLISES
III. LES VERITES ESSENTIELLES
IV. LA REGENERATION DES EGLISES
V. LA NOUVELLE RELIGION MONDIALE
CHAPITRE VII — LE PROBLEME DE L'UNITE INTERNATIONALE
DE JUSTES RELATIONS HUMAINES
LA DESUNION MONDIALE
L'UNITE MONDIALE

AVERTISSEMENT AU LECTEUR

 

La dernière fois que j'écrivis sur ce sujet, la guerre en était au point critique ; des doutes subsistaient sur sa durée et sur la possibilité d'une victoire complète, engendrée par les Forces de Lumière. La situation d'aujourd'hui est fort différente. Les Forces du Mal battent déjà en retraite, non seulement sur les plans intérieurs, mais aussi sur le plan physique, la victoire sera complète (Ces pages furent écrites en octobre 1944. Divers passages de l'ouvrage ont subi des mises au point ; le passé a été substitué au présent, pour s'adapter aux conditions actuelles. Quelques passages nettement périmés, ont été supprimés, par exemple dans le problème des minorités, au sujet de l'Inde et du Pakistan, dont la séparation est un fait accompli.).

Reste à savoir si la victoire psychologique égalera en importance la victoire matérielle. Cela dépend comment l'humanité interprétera la nature des problèmes qui se posent et des mesures qu'elle prendra pour garantir la paix, telle que la désirent les gens pratiques, mais acquis aux valeurs spirituelles, telle aussi que la souhaite l'élite libérale de l'humanité. Je me propose d'indiquer aujourd'hui les voies où devraient s'engager nos réflexions et nos projets. A leur tour, ceux-ci devraient se traduire en idées claires sur les problèmes mondiaux et s'exprimer en termes propres à inciter ceux qui ne réfléchissent pas à agir correctement. Ils le feront, si un nombre suffisant de ceux qui prisent les valeurs réelles prononcent les paroles nécessaires avec une force adéquate. Cela exige du courage.

Les problèmes dont l'humanité doit s'occuper pourraient être rapidement énumérés comme suit :

1. LE PROBLEME DE LA RECONSTRUCTION MATERIELLE DU MONDE

La destruction infligée a dépassé de beaucoup les anticipations les plus pessimistes, sans avoir été plus considérable que ne s'y attendaient les hommes clairvoyants et que n'avaient annoncé les prophéties au cours des âges.
Peu des cités importantes de l'Europe sont demeurées intactes et beaucoup d'entre elles étaient en ruines. Une bonne partie des peuples européens se trouvait sans abri. Toute vie privée avait disparu ; les gens se massaient comme du bétail dans les villes et les villages encore debout.

2. LE PROBLEME DE LA REHABILITATION PSYCHOLOGIQUE DES NATIONS

En Europe, y compris la Grande-Bretagne, en Asie et dans le Pacifique, des millions de gens ont souffert presque au-delà des limites de l'endurance et le triomphe de l'esprit est une des plus grandes victoires de cette guerre.
Pareilles nécessités d'endurance doivent prendre fin et un terme doit être apporté aux souffrances de l'humanité. La Paix et la Sécurité comptent parmi les droits fondamentaux de l'homme et ce sont elles que doivent organiser les Nations Unies. Le problème se partage en quatre catégories principales :

a.
Le problème concernant les nations ravagées, occupées par l'Allemagne ou envahies par le Japon, victimes de la guerre et de la destruction par les armées alliées, allemandes ou japonaises, les nations enfin qui ont agonisé sous les méthodes barbares des Forces du Mal, déchaînées dans les peuples allemand et japonais.
b.
Le problème qui se pose aux Nations Unies, demeurées fortes et dont les territoires n'ont pas été violés, ou seulement en partie. Je me réfère ici aux Etats-Unis d'Amérique, au Commonwealth britannique et à l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques. La Grande-Bretagne a cruellement souffert, mais ses alliés, les Dominions, n'ont guère été touchés. La Russie a aussi terriblement souffert dans ses provinces occidentales, mais la majeure partie de son territoire est demeurée indemne. Les Etats-Unis ont le moins souffert, sauf dans certains postes avancés du Pacifique et le besoin d'une réhabilitation au sens où elle est nécessaire ailleurs, s'y fait peu sentir. Le problème de ces peuples riches et puissants est d'agir avec sagesse et intelligence, avec une perception compréhensive, appliquées sans égoïsme à œuvrer pour le bien de tous les peuples de la terre entière.

c.
Le problème qui se pose aux nations demeurées neutres, en particulier aux pays neutres d'Europe. A l'exception de la Suisse, ces pays ont fait, et continueront à faire, l'objet de vives critiques à cause de leur neutralité et de leur attitude soigneusement affichée de spectatrices devant la détresse de l'humanité. Pour se faire pardonner, elles devront pleinement coopérer au sauvetage. Leur sécurité future et leur chance ont été assurées par les sacrifices sanglants d'autres nations, sans leur propre participation. Elles restent débitrices envers les Forces de la Lumière et leur dette doit se régler en services rendus au reste du monde. La Suisse se trouve dans une autre catégorie et demeure à jamais le symbole du service, grâce à l'activité de sa Croix-Rouge, de la coopération, par ses populations italiennes, allemandes et françaises qui réussissent à vivre ensemble en paix, de la démocratie, par sa forme de gouvernement et de la synthèse spirituelle, par les relations entre catholiques et protestants au-dedans de ses frontières. Le problème des républiques sud-américaines est un peu différent. Leurs rapports avec la guerre des autres nations ont été d'une importance relativement faible, sauf pour le Brésil, intervenu activement dans la guerre, aux côtés des Forces de Lumière, et de l'Argentine, dont le gouvernement opta pour les Forces du Mal et leur a offert un lieu de retraite.
d.
Le problème de l'Allemagne et du Japon présente des difficultés toutes spéciales. Du point de vue de la réadaptation psychologique, ces nations offrent une rare opportunité, voire un défi. Beaucoup de compréhension et de sagesse sont requises pour s'y attaquer, une grande liberté à l'égard des mirages – et les nations alliées s'illusionnent – une prompte réfutation des allégations spécieuses des conciliateurs et des pacifistes du monde et, dans bien des cas, l'application d'un traitement rigoureux, si la tranquillité et la sécurité du monde doivent être sauvegardées pour les générations futures. La forme-pensée de l'agression, la pitié pour soi et les doctrines nationales-socialistes sont ancrées si profondément dans la conscience allemande, qu'il faudra des dizaines d'années pour les en arracher.
Je ne cherche pas pour le moment à traiter de ces problèmes, mais seulement à indiquer ce que les nations, partout, doivent regarder en face.

3. LE PROBLEME DES ENFANTS DANS LE MONDE

Comment rendre à ces jeunes êtres le sens de la sécurité, de la stabilité, la foi en un avenir rempli de possibilités et de bonheur ? Comment les éduquer en leur inculquant des idéaux et des objectifs élevés et différents de ceux qui conditionnèrent le passé ? Comment leur donner le sentiment de l'humanité une et indivisible et leur apprendre à coopérer, à manifester à tous de la bonté, d'un cœur plein de bonne volonté ? Comment leur implanter aussi le sentiment de l'intégrité et de l'importance de l'individu, du rôle qu'il peut volontairement jouer dans le groupe ou la vie nationale ? Comment effacer ce qu'ils ont vu et entendu au cours de leurs brèves existences, pour y substituer une vision neuve de la vie humaine ?

Telles sont certaines des possibilités à envisager et les difficultés qui paraissent si considérables, du fait de la guerre, des préjugés invétérés, des nationalismes étroits où ils ont vécu et de l'égoïsme inné de toutes les nations, sans exception, ne sont pas insurmontables. L'avenir dépend des éducateurs du monde ; à eux de prendre en mains la situation présente avec des vues larges et à longue portée, de la sagesse et un solide bon sens. Aux enfants de l'hémisphère occidental, épargnés de façon presque émouvante par la souffrance dont les autres enfants ont été submergés dans le reste du monde, peut-on apprendre à reconnaître qu'ils sont liés à la jeunesse entière, de partout, et qu'ils partagent avec les enfants des autres pays la responsabilité du monde futur ?

4. LE PROBLEME DU TRAVAIL, DU CAPITAL ET DE L'EMPLOI

Interdépendants, ces trois problèmes fort graves touchent de près à la vie économique de chaque nation, au niveau de vie de tout le monde, à l'avenir économique de chacun et aux relations mutuelles fondées sur la bonne volonté entre travail et capital. Les vieilles méthodes doivent être abandonnées ; finies l'exploitation et l'avidité, les immenses fortunes amassées par les chefs, ouvriers ou capitalistes. Ainsi s'établiront de justes relations humaines. Ce problème touche aussi à celui du chômage, jugé si critique et tant redouté, mais qui pourrait, vu l'étendue de la réhabilitation et de la reconstruction à entreprendre, se régler avec un minimum de souffrance et de misère.

Toute la solution dépend de ceci : capitalistes et ouvriers de tous les pays se laisseront-ils convaincre de travailler au bien de l'humanité entière et non à l'avantage de leur parti, de leur groupe, de leur nation ou de leur cause particulière. Voilà la grande difficulté, due aux vieilles haines, à une abondante et mensongère propagande, aux différences nationalistes sincères et à l'avidité de certains groupes importants. Ceux-ci ont concentré entre leurs mains, malgré la guerre, de vastes pouvoirs et ne se laisseront pas persuader, sans lutte, d'y renoncer.

5. LE PROBLEME DES MINORITES RACIALES

Je me réfère ici à deux des plus urgents et des plus menaçants problèmes : celui des Juifs et celui des Nègres. Faute d'une solution à ces deux problèmes raciaux, l'humanité risque la faillite. Ils doivent se résoudre par une collaboration active des minorités avec les majorités écrasantes.

Le problème juif est d'ordre planétaire et fort ancien. Le problème nègre se fait de plus en plus périlleux, car l'intelligence se développe chez les peuples de couleur. Le problème juif devra se régler grâce à une collaboration intelligente entre Juifs et Gentils, agissant de concert et avec bonne volonté. Le problème nègre exige surtout une juste attitude des races blanches, au sein desquelles se trouvent les Nègres. Les Blancs doivent prendre conscience qu'il n'existe qu'un Père, une famille et une humanité. Ce fait admis, il en doit résulter des changements pratiques dans les relations et un agencement correct de la solution. Un effort de coopération sera nécessaire de part et d'autre, mais dans le cas des Nègres, les Blancs surtout sont coupables, pour avoir refusé d'accorder aux Noirs des chances, une compréhension et une éducation égales.

6. LE PROBLEME DES EGLISES

Quelle solution apporter aux rapports compliqués et difficiles entre les Eglises dans le monde entier ? Une présentation nouvelle de la vérité, car Dieu n'est pas traditionaliste ; une voie nouvelle vers la Divinité, car Dieu demeure toujours accessible et n'exige plus aujourd'hui aucun intermédiaire extérieur ; un mode nouveau d'interpréter les antiques enseignements spirituels, car l'homme a évolué et ce qui convenait à l'enfance de l'humanité ne lui convient plus actuellement, où elle est adulte. Ces changements s'imposent.
Rien ne saurait empêcher la nouvelle religion mondiale de se manifester bientôt. Il en a toujours été ainsi à travers les âges et cela continuera oujours. Il n'existe point de finalité dans la présentation de la vérité ; elle se développe et s'amplifie, pour répondre à la croissante exigence de lumière des hommes. La nouvelle religion mondiale sera instaurée et développée par les personnes d'inclination spirituelle de toutes les Eglises, dont l'esprit est ouvert aux inspirations nouvelles de l'Amour et de la Pensée de Dieu, par les personnes d'esprit large et bienveillant, dont l'existence personnelle est pure et consacrée.
La nouvelle religion rencontrera les obstacles dressés par les traditionalistes, les gens étroits, les théologiens, par tous ceux qui sont attachés aux anciennes méthodes et interprétations, aux vieilles doctrines, aux idées professées par les hommes, par ceux qui tiennent aux formes, aux rites, aux cérémonies, à la pompe, à l'autorité, aiment à édifier des temples en pierre, en face du désespoir extrême de l'homme d'aujourd'hui, devant sa faim et sa misère.

A l'Eglise catholique s'offre une chance immense et l'occasion aussi de sa plus grave crise. Le catholicisme, fondé sur l'antique tradition, affirme l'autorité ecclésiastique ; attachée aux formes extérieures, ritualiste, malgré sa vaste et bienfaisante philanthropie, elle se montre tout à fait incapable de laisser la liberté à ses ouailles. Si l'Eglise catholique peut modifier sa technique, relâcher son autorité sur les âmes humaines (qu'elle n'a jamais réellement possédé) pour suivre vraiment la voie du Sauveur, l'humble charpentier de Nazareth, elle rendra au monde un service signalé et donnera un exemple destiné à éclairer les spectateurs de toutes les croyances et de toutes les confessions chrétiennes. Le problème de la liberté de l'âme humaine et de sa relation individuelle avec Dieu immanent et transcendant est un problème spirituel, qui se pose maintenant à toutes les religions du monde. Les Eglises ne doivent plus interposer leur autorité et leurs interprétations entre Dieu et l'homme. Cette époque est passée.
Ce problème a surgi lentement à travers les siècles, s'est développé avec la croissance de l'intellect et de l'auto-conscience de l'être humain, et il exige maintenant à grands cris sa solution.

7. LE PROBLEME DE L'UNITE INTERNATIONALE

Le but à viser doit être le bien de tous, grands et petits, dans la justice et l'équité totales. Le fond du problème est économique et implique une juste distribution. Il faut libérer le monde de la misère et les produits de la planète doivent appartenir à tous, selon un sage système de participation générale. Il faut que tous les hommes mangent et vivent libres de l'angoisse et de la crainte.
Il ne s'agit pas d'une utopie gratuite de visionnaire. Une sage administration dans le domaine économique et la distribution des denrées de première nécessité résoudraient le problème. Il exigera de tous les chefs une ferme attitude, afin que les possédants consentent à partager avec ceux qui n'ont rien et pour supprimer l'exploitation du surplus des produits de la terre au bénéfice financier de quelques-uns. Une distribution juste et correctement planifiée du blé, de l'huile, des minerais et des denrées alimentaires nécessaires doit être entreprise par toutes les nations, au profit de tous.

L'alternative est une autre guerre

Il existe forcément bien des problèmes de moindre importance. Mais ceux-ci sont les principaux qui se posent actuellement à l'humanité et auxquels une solution doit être apportée au cours des quinze années à venir. Si nul progrès n'était accompli, si une solution, au moins partielle, n'était pas trouvée, si, en outre, l'humanité retombait dans les conditions existantes avant le conflit, alors rien ne saurait arrêter la prochaine guerre. Si elle éclate, elle portera le coup fatal et définitif à la race humaine. L'humanité, comme nous la connaissons, ne pourrait survivre et il ne serait ni bon ni juste qu'elle survécût. La mort d'une race pourrait alors être décrétée et le long processus du développement d'une race d'hommes exprimant enfin la divinité devrait reprendre du commencement. Et ce ne sont pas là paroles vaines, mais l'expression d'une possibilité facile à se représenter, mais dont la matérialisation n'est pas inévitable, si l'humanité apprend la leçon enseignée par la dernière guerre, reconnaît ses erreurs et entreprend délibérément des démarches pour rendre impossible un événement semblable à la dernière guerre (1914-1945). Elle doit y parvenir par cette simple méthode (simple à décrire, mais difficile à appliquer) : l'établissement de justes relations humaines entre individus et entre nations.

J'ai indiqué sept problèmes, dont l'homme doit s'occuper. Ils se rapportent aux domaines matériel et psychologique de l'activité humaine. Dans ces termes sont inclus les domaines éducatifs et ecclésiastiques. On me permettra d'indiquer encore la question spirituelle immédiate que nous devons tous envisager. Comment dissiper peu à peu la haine, tout en inaugurant la nouvelle technique de la bonne volonté exercée, imaginative, créatrice et pratique ?

La technique de la bonne volonté

La bonne volonté est la première tentative de l'homme pour exprimer l'amour divin. Ses résultats seront la paix sur la terre. D'un moyen si simple et si pratique, les hommes ne réussissent pas à mesurer le pouvoir, ni l'effet scientifique et dynamique. Dans une famille, une seule personne pratiquant la bonne volonté peut transformer complètement les attitudes. La bonne volonté, pratiquée véritablement dans les groupes, au sein de n'importe quelle nation, des partis politiques ou religieux dans n'importe quel pays et dans tout le monde, peut révolutionner la terre entière en quinze ans. Je réitère qu'il ne s'agit pas là d'une déclaration oiseuse, mais d'une technique, qui n'a jamais encore été appliquée sur une vaste échelle.

Réfléchissons à ces problèmes, pour arriver à formuler clairement nos propres idées sur ces questions. Ensuite, nous devrions avoir le courage d'en parler et de proposer leur solution dans notre propre milieu, sans fanatisme, mais avec sagesse et discrétion.

Dans un ouvrage précédent, au sujet de l'humanité, j'ai donné la clé du problème en ces termes :

"La clé des difficultés de l'humanité, convergeant dans les troubles économiques des deux cents dernières années et dans l'impasse théologique des églises orthodoxes, se trouve dans le fait qu'elle a pris sans donner, accepté sans partager, accaparé sans distribuer. Cela implique la transgression d'une loi et a placé l'humanité dans une situation de coupable reconnu. La guerre est l'effroyable châtiment encouru par l'humanité pour son grand péché de séparativité. Les impressions transmises par la Hiérarchie ont été défigurées, appliquées à rebours et mal interprétées ; aussi la tâche du Nouveau Groupe des Serviteurs du Monde est-elle de compenser ce mal." 

L'humanité n'a jamais conformé sa vie à l'enseignement reçu. L'inspiration spirituelle venue de Christ, de Krishna ou de Bouddha et répandue dans les masses par leurs disciples, n'a pas encore trouvé l'expression espérée. Les hommes ne vivent pas selon les principes qu'ils connaissent déjà, ils ne pratiquent point ce qu'ils savent, ils court-circuitent la lumière, ils ne se disciplinent point. La convoitise et l'ambition déréglée les gouvernent et non la connaissance supérieure. En termes scientifiques et ésotériques, l'impression spirituelle a été interrompue et une interférence s'est produite dans la circulation du courant divin. Le devoir des disciples en ce monde consiste à rétablir le courant et à faire cesser cette interférence. Tel est le principal problème à envisager en ce moment par ceux qui vivent sur le plan spirituel.

 

CHAPITRE I

LA RECONSTRUCTION MATERIELLE DU MONDE


Il est essentiel pour toute personne réfléchie de prendre le temps de méditer sur les sept problèmes mondiaux qui s'imposent à nous. Leur importance est urgente. Certains comportent une solution relativement rapide, à condition d'y mettre du bon sens et de comprendre au mieux son propre intérêt.
D'autres exigent des plans à longue échéance et beaucoup de patience, pendant que les mesures nécessaires seront prises l'une après l'autre, pour amener le réajustement des valeurs humaines et l'inauguration de nouvelles attitudes mentales envers les justes relations humaines. D'autres encore s'achemineront pas à pas, très graduellement, vers leurs solutions, que peut seul apporter l'immuable processus de l'évolution. Ce processus a conduit l'humanité du stade de l'instinct primitif au point où le citoyen moyen peut discuter et examiner ces problèmes d'ordre planétaire. La constatation d'un pareil accroissement de la conscience humaine et la différence qui existe manifestement entre les primitifs et notre humanité moderne et intelligente constitue le fondement d'un optimisme inébranlable au sujet de la destinée humaine.

Les horreurs de la guerre, le mal à l'état pur commis par les forces mauvaises et l'écroulement complet d'une civilisation élaborée au cours de l'ère chrétienne et basée sur les époques préchrétiennes, suscitent naturellement de sombres doutes et souvent une profonde inquiétude concernant les bases du développement humain, accompagnés d'un extrême découragement.
Cependant, ceci se produit seulement quand les événements immédiats font écran à la longue histoire du développement humain et oblitèrent le souvenir des changements qui, à travers de longues périodes, ont transformé la conscience humaine. Ceux-ci conditionnent, au fond, les objectifs de l'homme, ses contacts et replacent dans leurs justes perspectives les réactions de la race humaine. Aujourd'hui, les hommes raisonnent à l'échelle planétaire ; la nécessité de chasser pour se procurer leur nourriture quotidienne ne les préoccupe plus, comme le sauvage dans ses forêts primitives. Ils apprennent les événements se déroulant dans les pays éloignés et ne connaissent pas uniquement les nouvelles de la grotte de la tribu. Ils ne sont plus à présent les esclaves d'un aveugle instinct, ni jetés dans l'action par des réactions physiques et momentanées, mais se montrent capables de prévoyance, de calculs précis et intelligents, d'une collaboration organisée et d'une pénétration psychologique indispensable à bien mener leurs plans et leurs projets. Tout cela implique des rapports étendus avec autrui, aussi bien dans le propre groupe social, économique ou commercial qu'avec les habitants des antipodes.

Aux déplacements lents et limités des races primitives de l'humanité ont succédé aujourd'hui la vitesse et les déplacements rapides, d'une rapidité presque incroyable, les facilités de transport qu'offre l'avion, volant à huit cents kilomètres a l'heure et davantage. Les sons grossiers et le vocabulaire restreint des races primitives se sont développés pour aboutir aux systèmes compliqués de langage des nations actuelles. Les divers moyens de communication primitifs, feu ou tamtam, ont cédé la place au télégraphe, au téléphone, à la radio ; le canot creusé dans un tronc d'arbre des insulaires sans culture s'est transformé peu à peu jusqu'au grand paquebot élancé, qui cingle d'un port à l'autre en quelques brèves journées. Les antiques modes de locomotion, à pied, à cheval ou en chariot ont disparu devant les trains, filant à travers les continents à plus de cent vingt kilomètres à l'heure. Aux anciennes et frustes civilisations ont succédé les civilisations compliquées, avec leurs organisations modernes sociales, économiques et politiques. La culture du passé, les arts, la littérature, la musique et la philosophie de tous les temps se trouvent aujourd'hui à la disposition du citoyen moyen. Il ne peut éviter d'en savoir quelque chose.

J'ai indiqué tous ces contrastes comme préliminaire à notre examen du problème humain le plus immédiat, afin de le situer en perspective et sur un fond qui inspirera espoir en l'avenir et confiance dans les fins dernières de l'homme. Il faut pénétrer dans le futur par la porte d'une solide foi en l'intégrité et la vitalité de l'humanité et la certitude que l'homme avance vers la gloire et le service de la planète, vers un destin et un avenir auxquels l'a préparé son passé plein de difficultés et de souffrances. En vérité, ce passé ressemble plus au stade prénatal qu'au processus normal de l'existence. Introduction à une vie plus riche et plus éclairée, il ne représente peut-être que la période préliminaire d'une culture et d'une civilisation, qui contribueront à la gloire de Dieu, en constituant un témoignage vivant de la divinité de l'homme. Pareil tableau n'emprunte pas ses brillantes couleurs à un désir imaginaire, c'est une réalité en germe, dont les racines plongent dans le passé et qui s'épanouira dans l'avenir.

Il importe toutefois de se rappeler deux choses. Le processus de la naissance n'est jamais agréable. La naissance de l'ère nouvelle et d'une civilisation neuve et plus appropriée ne font point exception à cette règle. Un germe poussé à travers les âges va pointer dans la lumière. Des ténèbres du passé naîtra un monde nouveau et meilleur. Quand les misères et l'agonie de cet accouchement seront terminées, une humanité neuve exercera son activité sur la terre, une race humaine renouvelée par son orientation différente.

En second lieu, il a fallu détruire ce que l'homme avait édifié, dont il se contentait et se félicitait même, ne connaissant rien de mieux. Cela, il doit le détruire si totalement, que, lors de la recréation, les différences dans l'aspect physique seront vitales et significatives, tout en marquant une amélioration notoire. L'esprit vivant et éveillé de l'homme exige un monde extérieur nouveau. D'où la nécessité des destructions contemporaines, pour forcer sa main tout en répondant à ses besoins. Nous avons assisté à la destruction sans précédent de la majorité des formes anciennes, qui abritaient notre civilisation passée. Une triple reconstruction incombe à l'homme, sur le plan physique, sur le plan psychologique et sur le plan spirituel. Il faut se souvenir que les formes sont le signe extérieur et visible d'une réalité intérieure et spirituelle. On distingue aujourd'hui l'influence de deux grands mouvements, qui se font sentir chez les hommes ; l'un accuse le besoin d'une transformation physique et l'autre indique la réalité de l'éveil spirituel qui se manifeste partout à présent et va permettre un nouvel accès à la divinité.

Un des remarquables bienfaits de la dernière guerre (si l'on voit loin) et l'un de ses drames les plus torturants (en regardant de trop près) a été la destruction de tant de vieilles villes [7@24] et de centres où se massaient les habitations. Les parties de la planète d'un développement plus récent, telles l'Amérique du Nord, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, ont échappé à la destruction de leurs grandes villes. Elles n'avaient, en effet, guère besoin d'être détruites, étant bâties selon les conceptions nouvelles, et ne se dressaient point sur les caves, les cryptes et les égouts du passé, comme les cités d'Europe et d'autres pays plus vieux encore. Elles sont bâties sur un sol pour ainsi dire vierge. Mais les principales villes d'Europe sont d'une extrême vétusté ; il était essentiel de les détruire et leur destruction sur une grande échelle, actuellement trop familière, sera considérée plus tard comme d'une importance primordiale, vitale et bienfaisante aussi.

Le monde futur sera très différent de celui du passé. Le culte de ce qui est ancien, le goût moderne pour les antiquités auront perdu leur séduction pour les générations à venir. C'est déjà évident. Désormais, hommes et femmes regarderont en avant et ne seront point réactionnaires. Créateurs dans un sens nouveau, ils produiront une beauté, une symétrie et une disposition harmonieuse, inimaginable de nos jours. Ils ne se soucieront de rien, sauf de préserver une beauté exceptionnelle, ou ce qui présente de l'importance au point de vue spirituel (je ne parle pas ici de religion). Les modes de vie si recherchés actuellement leur paraîtront étranges et surannés, aussi bizarres que nous sembleraient maintenant les demeures des anciens habitants de la Grande-Bretagne ou des premiers Romains.

Le feu du ciel a été déversé au plus profond des grandes villes d'Europe, déterrant des maux séculaires, amenant à la lumière le fondement des édifices, nécessitant des plans nouveaux, des constructions neuves et obligeant à rebâtir des villes entières, dans de nombreux pays. C'est excellent. Mais cette terrible destruction ne paraît pas si favorable aux hommes et aux femmes qui y assistaient et étaient accoutumés de vivre à l'ancienne mode.

Si considérables seront changements et différences – nécessaires – qui remplaceront le vieux, l'antique, le cher passé, qu'ils donneront aux villes ni détruites ni donc nettoyées par le feu purificateur, des raisons de regretter d'y avoir échappé. La sagesse leur conseillera de détruire les vieux quartiers sales et insalubres pour reconstruire en remplaçant les anciennes agglomérations d'habitations humaines par des bâtiments mieux accordés aux besoins d'existence de l'humanité. 

Tout cela est déjà arrivé auparavant, mais non à l'échelle planétaire.
D'antiques métropoles aux immenses populations reposent aujourd'hui sous la surface de la terre, oubliées et inconnues jusqu'à ce jour. En leur temps, elles faisaient l'admiration du monde ; maintenant, disparues à nos yeux, elles apparaîtraient étrangement mal adaptées aux besoins de l'homme moderne, si elles resurgissaient. Un processus de destruction plus rapide s'est manifesté au cours des quarante dernières années. Un nouveau réseau planétaire de villes d'une conception moderne, débarrassées des anciennes souillures et des dispositions néfastes, va couvrir la terre durant les trois cents prochaines années. La Grande-Bretagne a eu moins de villes détruites à déplorer que l'Europe continentale. Certaines, telles Coventry, étaient en ruines et de vastes quartiers de Londres ont été dévastés, mais ce pays est relativement petit. Les reconstructions se conformeront plus tard aux idées nouvelles ; reléguant dans le passé leurs mœurs conservatrices et réactionnaires, les Britanniques construiront leurs cités selon les plans d'urbanisme qui émergent dans un monde nouveau. Ils pourraient montrer la voie au monde dans sa tâche de reconstruction.

Des cités comme Paris et Rome ont été épargnées ; peut-être Français et Italiens considéreront-ils cela plus tard comme un immense désastre. Caché dans les entrailles de ces villes, comme dans bien des vieilles cités de diverses parties du monde, se dissimule un domaine du mal, où se perpètrent d'antiques péchés. La purification y serait fort nécessaire. Le mal accumulé dans d'autres villes a été mis à jour et dissipé. L'Allemagne a vu ses plus grandes villes réduites à des décombres. La concentration du mal par la Loge Noire s'est poursuivie pendant longtemps en Allemagne, aussi cet infortuné pays a-t-il subi la plus complète dévastation. L'Allemagne peut et doit reconstruire. Il est intéressant de se souvenir qu'avant la guerre, l'Allemagne, d'instinct, quoique inconsciemment, pourvoyait à ses besoins futurs et menait le mouvement avancé de l'architecture moderne, où la lumière joue un rôle prépondérant, et dont le style est discret, simple, géométrique.

Les plans et les buts planétaires, du point de vue matériel, pénètrent maintenant dans la sphère de conscience du monde pensant. Ces plans et ces buts vont participer à la reconstruction des villes, contribuer à faire abattre et détruire ce qui ne s'harmonise pas avec les styles nouveaux et se manifester par la création de nouveaux centres de population, où s'exprimeront l'art, le style, la culture et la tendance particuliers à chaque nation et à chaque peuple.

La note dominante de la nouvelle architecture sera une simplicité quasi géométrique. L'accent sera mis sur une abondante lumière, sur l'utilité pratique et à la compréhension raisonnée des besoins de l'homme se joindra l'intention de faciliter les loisirs culturels.

L'étude des problèmes de l'humanité ne m'oblige évidemment pas à traiter du mécanisme de la reconstruction des cités futures selon une structure moderne. Un procédé de nettoyage remarquable et efficace est promis à l'humanité. Les cités du passé sont réduites à des décombres, elles se sont écroulées en poussière sous le poids des bombes des Forces de Lumière et sous l'effet des explosifs lâchés non seulement par les avions, mais aussi par l'artillerie lointaine. L'occasion s'offre au monde, en les rebâtissant, d'adopter une note nouvelle et de donner corps à un thème neuf dans la vie quotidienne.
C'est le moment d'apporter eau, lumière et hygiène dans les foyers où elles sont demeurées inconnues jusqu'ici. Les taudis, jamais aménagés avec le confort qui rendait la vie agréable pour les éléments occupant une situation sociale plus élevée, vont découvrir le tout, dont ils font partie, et qui va progressant. La maléfique aura qui flotte sur certains quartiers de toutes les vieilles cités se dissipera, les vieilles formes de pensées mauvaises seront chassées et délivreront ainsi le peuple d'impulsions criminelles, latentes dans l'atmosphère psychique. "Les hommes préfèrent les ténèbres à la lumière, parce que leurs actes sont mauvais", déclare la Bible et il faut s'en souvenir en bâtissant de nouvelles cités et des villes pleines de lumière, d'espace et d'air.

La tâche de la reconstruction fournira un travail abondant dans tous les pays intéressés pendant de nombreuses années. Cela signifie que les nouvelles villes seront fondées sur les tendances nouvelles. A tous s'offriront des chances égales et cela est chargé d'un sens symbolique défini.

Pierre par pierre, les cités se relèveront de la poussière. Bien des faits intéressants seront découverts au cours des travaux de déblaiement, là où rien n'avait été touché depuis des siècles ; bien des objets seront réunis pour les musées futurs ; la parole du Christ et Sa prophétie, qu'a la fin des temps (l'ère des Poissons), toutes choses secrètes seront révélées et les mystères éclaircis, s'accompliront. Jusque dans les entrailles de la terre et les vieux coins sombres de nos villes, la lumière entrera à flots. Cette lumière apportera la révélation et la guérison. Certains dangers existeront, causés par la libération du mal, autrefois scellé, mais ils seront compensés par la présence de la lumière et de l'air, qui nettoieront et purifieront. Jusque dans les profondeurs, la lumière pénétrera.

CHAPITRE II

LA REHABILITATION PSYCHOLOGIQUE DES NATIONS


Ce problème est bien plus compliqué et plonge plus profond qu'il ne paraît au premier abord. S'il s'agissait simplement des psychoses nationales et des conditions mentales causées par la guerre et le fait d'y avoir participé activement, le problème serait déjà sérieux, mais le retour à la sécurité rendrait sa solution aisée, avec un sain traitement psychologique des diverses nationalités, la réhabilitation physique et une liberté d'action retrouvée, des loisirs, enfin, par-dessus tout, l'organisation des hommes et des femmes de bonne volonté. Ce dernier groupe se montrerait disposé à entreprendre les rééducations nécessaires et, chose bien plus importante, ils s'efforceraient de transmettre l'inspiration spirituelle, dont l'humanité a un si urgent besoin à l'heure actuelle. Il se trouve assez d'hommes et de femmes de bonne volonté de par le monde aujourd'hui pour accomplir cette tâche, à condition de pouvoir les atteindre, les inspirer et les encourager dans leurs efforts, autant matériellement que spirituellement.

La situation est bien plus difficile qu'une analyse superficielle ne le laisserait croire. L'origine de ce problème psychologique remonte à plusieurs siècles ; inhérent à l'âme particulière de chaque nation, il conditionne puissamment aujourd'hui toutes leurs populations. Là réside notre principale difficulté et elle ne cédera pas aisément sous les efforts, même spirituels, qu'ils soient entrepris par les églises constituées – et elles manifestent un regrettable manque de compréhension à cet égard – ou par des groupes ou individus aux intérêts spirituels.

Je ne souhaite pas commencer ce chapitre en induisant mes lecteurs en tentation de pessimisme : néanmoins, le travail à accomplir est si pressant et les périls encourus si on le négligeait, si effroyables, que je me vois obligé d'indiquer les principaux points névralgiques et certaines aptitudes nationales, qui constituent une menace à la paix du monde. Ces problèmes se répartissent naturellement en deux catégories :

I.
Les problèmes psychologiques internes de chaque nation ;
II.
Les problèmes mondiaux les plus importants, comme par exemple les rapports entre nations, monde des affaires et forces ouvrières.
La guerre éclata par la faute d'une nation occidentale et d'une nation orientale. La faiblesse et la négativité du peuple allemand la rendirent possible, car elles l'ont poussé, depuis plusieurs générations à accepter le contrôle dominateur d'un groupe national : le parti militaire. Il en alla de même en Orient, à cause de l'attitude négative du peuple japonais, persuadé de son origine divine et entièrement soumis à son divin empereur. Donc, le Japon proposa aux peuples asiatiques sa théorie de la Sphère de Co-prospérité, en pensant obéir à sa mission divine. Les Allemands se proclamaient des surhommes et croyaient par conséquent devoir déterminer le destin des nations occidentales. La caste militaire au pouvoir s'empara de ces idées pour exploiter les masses, qui ne raisonnent point. Aussitôt apparut une situation psychologique bien déterminée. Quand pareille attitude se manifeste dans une famille, ou dans une communauté, accompagnée d'actes violents et qui compromettent la sécurité d'autrui, l'individu se voit bientôt enfermé dans une maison de santé, pour la protection de son entourage. Quand une nation entière, peuplée de millions d'individus, agit et pense de cette manière, la situation n'est pas si simple.

Mon prochain argument, c'est que l'occasion offerte à ces deux nations de détruire la sécurité du monde et de plonger l'humanité dans les horreurs et l'agonie d'une double guerre mondiale (1914-1945) est aussi due aux faiblesses psychologiques, à l'égoïsme et à une indifférence innés chez les autres nations et à d'autres défauts encore, dont aucun pays n'est indemne.

La force combinée des nations du monde aurait pu arrêter l'Allemagne à n'importe quel moment, si l'unité de vues avait existé et si leurs propres faiblesses psychologiques et leurs défauts inhérents ne les avaient empêchées de saisir clairement les risques encourus. Elles ne se sentaient pas enclines à sauver l'humanité, s'il devait leur en coûter quelque chose et leur aveuglement était tel, qu'elles ne firent pas un geste pour empêcher ces deux nations agressives de tenter leur chance de tout conquérir. Donc, avant que le monde puisse devenir plus sûr, plus clément, plus sain et plus beau, toutes les nations doivent non seulement prendre les mesures voulues pour rendre impossible au peuple allemand toute nouvelle agression, mais aussi faire leur examen de conscience et commencer par s'occuper de leurs propres faiblesses et de leurs complexes. Le problème à résoudre présente trois aspects :

1.
Chaque nation doit viser à une solide santé mentale et s'efforcer de réaliser des objectifs psychologiques salutaires :
2.
Il faut arriver à l'unité internationale et la baser non seulement sur la confiance réciproque, mais aussi sur des objectifs mondiaux corrects et une véritable compréhension psychologique.
3.
L'application de mesures de correction, qui s'imposent du point de vue disciplinaire et préventif. L'Allemagne et le Japon doivent être rééduqués et dressés de manière à devenir finalement des membres dignes et utiles de la grande famille des nations.
Il n'entre pas dans mes intentions d'examiner les difficultés psychologiques des diverses nations du point de vue historique. Une abondante littérature existe là-dessus et les nations aiment à connaître les faiblesses et les fautes des autres, tout en ignorant les leurs. Ceux que cela intéresse peuvent trouver dans de nombreux ouvrages les éclaircissements historiques nécessaires et l'explication des causes de la dernière guerre. L'Allemagne et le Japon la précipitèrent, sans aucun doute ; ces deux nations sont responsables des horreurs qui en résultèrent ; néanmoins, les faiblesses, les défauts et les stupidités de toutes les autres ont rendu cette catastrophe possible. Je cherche seulement à montrer la direction des réformes psychologiques à instaurer, si les générations futures doivent vivre en paix, si la chance d'une existence heureuse doit leur être offerte et celle d'exercer une activité créatrice dans une atmosphère de sécurité. On a beaucoup écrit sur les fautes de l'Allemagne et du Japon et de nombreux projets existent pour les réprimer. Je suggérerai en outre qu'il conviendrait de réfréner en même temps les défauts des Nations Unies.

Avant de considérer les défauts des nations alliées et pour me protéger, je ferai remarquer que les généralités – et j'y recourrai pour parler clair et net – ne permettent pas de rendre justice aux cas individuels ; pourtant, la vérité sur le groupe ou la nation où se trouve l'individu peut s'évaluer correctement et avec exactitude.

Il est entendu que tous les Allemands ne sont pas mauvais, tous n'ont pas cédé au nazisme, tous n'ont pas adoré Hitler en lieu et place de Dieu, tous ne désiraient pas dominer le monde. Cependant, et voilà le drame du peuple allemand, la vaste majorité acceptait avec soumission et faiblesse la doctrine nazie et ses conséquences. Son effet général était d'une nation devenue insensée, d'un peuple saisi de frénésie et prêt à perpétrer d'indicibles cruautés parce qu'elle avait accepté ses chefs et effectuait ce qu'ils lui ordonnaient. Cela illustre bien ce que j'entendis pour les généralisations, qui, vraies dans l'ensemble, peuvent induire en erreur au sujet d'une minorité ou de l'individu.
Je voudrais qu'on s'en souvienne et qu'on en tienne compte en lisant le reste de ce chapitre.

En considérant les défauts psychologiques et la possibilité d'y remédier chez les autres nations (car je ne puis traiter que de certaines d'entre elles), il faut aussi se rappeler que je n'écris pas dans un esprit pessimiste, mais en m'appuyant sur une foi inébranlable dans la gloire de l'esprit humain. J'écris avec la ferme conviction qu'à la fin, l'âme humaine émergera triomphante de tous ses défauts éphémères et des circonstances. Partout, hommes et femmes luttent individuellement pour devenir meilleurs ; dans chaque nation se forment des groupes animés du même motif. Cet élan les pousse en avant, vers une plus grande beauté d'expression, de caractère et de conditions d'existence. C'est l'éternelle caractéristique de l'humanité et la plus marquante. Aux stades précédents de l'histoire raciale, cette aspiration se manifestait par le désir d'améliorer les circonstances matérielles et le milieu ; aujourd'hui, elle s'exprime par une exigence de beauté, de loisir, de culture ; elle réclame la possibilité de travailler dans un sens créateur et passe graduellement, mais inévitablement, au stade où de justes relations humaines prennent une importance primordiale, en suscitant la disposition au sacrifice. Finalement, cette aspiration innée engage à chercher Dieu ; alors l'individu devient, non seulement un homme de bonne volonté, mais aussi un aspirant spirituel, qui aime Dieu (selon sa formule particulière) et son prochain aussi, par conséquent.
Alors s'ouvre le sentier qui mène à Dieu. Plus tard, le centre de lumière sera découvert.

Ce qui vaut pour l'individu, vaut éternellement pour les nations et la même espérance d'illumination et de futur triomphe spirituel est annoncé pour elles aussi.

Aujourd'hui une grande et unique chance s'offre à chaque nation.
Jusqu'alors le problème de l'intégration psychologique, d'une vie intelligente, d'une croissance spirituelle et de la révélation divine a été examinée du seul point de vue de l'homme, comme unité. Les conquêtes scientifiques de l'humanité, dues au développement de l'intellect humain, permettent maintenant de penser en termes bien plus vastes et de considérer l'humanité dans une perspective plus vraie. Notre horizon se prolonge à l'infini, notre vue n'est plus accommodée au premier plan immédiat. L'unité familiale est à présent située dans ses rapports avec la communauté, et la communauté reconnue comme partie intégrante et effective de la ville, de l'Etat, de la nation. Vaguement et inefficacement encore, nous projetons cette même conception dans le domaine des relations internationales. Les penseurs du monde entier raisonnent à l'échelle internationale et c'est la garantie de l'avenir, car seules des idées plus larges rendront possibles la fusion de tous les hommes, partout, la naissance de la fraternité et la réalisation de l'humanité, en fait, dans notre conscience. La plupart des hommes pensent aujourd'hui à l'échelle de leur propre patrie ou de leur groupe et c'est leur conception la plus vaste. Ils ont dépassé le stade de leur bien-être physique et moral personnel et envisagent la possibilité d'ajouter leur quote-part d'utilité et de stabilité au patrimoine national. Ils cherchent a collaborer, à comprendre et à contribuer au bien de la communauté. Le cas n'est pas rare et cette description répond à des milliers de citoyens dans toutes les nations. Pareil esprit et pareille attitude caractériseront un jour les nations entre elles. Il n'en va pas encore ainsi et une psychologie bien différente est de règle.
Les nations – et je le dis sans restriction mentale – cherchent et exigent le meilleur pour elles mêmes, sans s'inquiéter de ce qu'il en coûtera aux autres.
Elles jugent cette conduite correcte et caractéristique du bon citoyen. Elles ont influencées par des haines et des préjugés, dont beaucoup sont maintenant aussi injustifiées qu'un langage obscène dans une réunion de prières. Les nations sont divisées et déchirées par des querelles intestines à propos des barrières raciales, des différences de partis, des attitudes religieuses. Le désordre s'ensuit, inévitable, et à la fin, un désastre. Les citoyens de la majorité des pays se distinguent par un nationalisme intense, agressif et vantard, surtout dans leurs rapports réciproques. Cela attise l'antipathie, la méfiance et détruit les justes relations humaines. Toutes les nations (et j'entends bien toutes) se rendent coupables de ces attitudes, exprimées selon leurs divers génies ou leurs cultures particulières. Je désirais commencer par de telles prémisses. Toutes les nations, comme toutes les familles, comprennent des groupes ou des individus reconnus comme fauteurs de troubles par les autres, dont les intentions sont bonnes. Dans la communauté internationale existent des nations qui, depuis longtemps, causent des désordres. A présent, le motif guidant toutes les nations est l'égoïsme ; toutefois, quelques-unes entrevoient un but d'existence supérieur.

Le problème de l'action et des réactions des nations entre elles est surtout d'ordre psychologique, sans l'être entièrement. L'âme nationale exerce une influence puissante. La forme de pensée nationale, édifiée à travers les siècles par les idées, les buts, les ambitions d'une nation, constitue son objectif idéal et conditionne son peuple d'une manière extrêmement efficace. Un Polonais, un Français, un Américain, un Indien, un Britannique ou un Allemand se reconnaissent aisément, où qu'ils se trouvent. Cette identification est basée non sur le seul aspect, l'intonation, les coutumes, mais d'abord sur l'attitude mentale, les manières, le sens de la proportion propres à chaque nationalité. Ces indications expriment la réaction à la pensée nationale particulière, imprimée à l'individu durant son éducation. Si cette réaction crée un bon citoyen, prêt à coopérer dans les limites nationales, elle est bonne et désirable. Si elle le rend agressif, arrogant, critique à l'égard des nationaux d'autres pays, séparatif dans ses idées, il contribue alors à la désunion mondiale et aux conflits internationaux. Il menace la paix du monde. Le problème devient, dès lors, une question où tous les peuples sont impliqués. Les nations peuvent être – et sont souvent – antisociales et chaque nation compte en son sein certains éléments antisociaux.

Il est sage pourtant de se souvenir que ce stade du nationalisme avec son long passé, prédisposant à l'agression, à l'avidité, à l'intérêt personnel et à l'orgueil et fierté nationaux, est la preuve d'un processus d'évolution satisfaisant. C'est une garantie du développement futur de la race des hommes.
Les individus traversent des stades similaires en s'acheminant vers l'utilité au groupe et à la prise de conscience du groupe. L'intérêt égoïste est caractéristique de la plupart des hommes actuels, avec les faiblesses qui en découlent. Pourtant, de nombreux individus existent dans tous les pays, pour qui ces attitudes égocentriques sont dépassées et beaucoup s'intéressent davantage au bien public et national qu'à eux-mêmes. Quelques-uns, très rares par rapport à la masse des hommes, pensent à l'échelle internationale et se préoccupent de bien-être pour l'humanité entière. Ils désirent ardemment la reconnaissance de la notion d'Un Seul Monde, d'Une Seule Humanité.

Le stade de l'égoïsme national et du ferme propos de préserver l'intégrité nationale, souvent interprétée en termes de frontières et d'expansion commerciale, doit peu à peu disparaître. Les nations doivent arriver finalement à une réalisation plus bénéfique et au point où elles regarderont leurs cultures nationales, leurs ressources propres et leurs capacités de servir l'humanité comme des contributions à consacrer au bien commun. L'insistance sur les possessions matérielles et un vaste territoire ne sont pas signes de maturité. Se battre pour les défendre ou les agrandir marque une mentalité d'adolescents.
L'Allemagne et l'Italie manquent de maturité au point de vue de l'intégration comme nation et comme civilisation. A peine l'humanité devient-elle adulte ; elle commence seulement à montrer un sens plus large de ses responsabilités, la capacité de s'attaquer à ses problèmes et à avoir des idées plus généreuses. La dernière guerre était symptomatique du défaut de maturité, d'un raisonnement adolescent, d'émotions puériles et sans retenue, d'exigences à l'égard du bien d'autrui, chez les nations antisociales. Comme des enfants, elles crient "pour en avoir encore".

L'Allemagne et le Japon offraient l'exemple d'un pareil état d'esprit.
L'intense isolationnisme et la politique de "n'y pas toucher" de certains groupes aux Etats-Unis, les exigences d'une Australie ou d'une Afrique du Sud "blanches", le slogan "l'Amérique aux Américains", l'impérialisme britannique, ou la France réclamant la considération en présentent d'autres exemples. Tous indiquent une semblable incapacité de raisonner avec des vues plus larges, ils expriment une irresponsabilité devant le monde et impliquent aussi la puérilité d'une race qui ne réussit pas à mesurer la grandeur du tout, dont chaque nation fait partie. La guerre et de constantes prétentions aux frontières nationales, basées sur l'histoire ancienne, cette insistance sur les possessions matérielles aux dépens d'autres peuples apparaîtront un jour aux yeux d'une race plus mûre pareilles aux disputes enfantines pour un jouet favori. Le cri provoquant : "Ceci est à moi !" cessera un jour de retentir. En attendant, cet esprit infantile d'agression avait mené à la guerre de 1914-1945. Dans mille ans, l'histoire la considérera comme le comble de l'égoïsme puéril, déclenchée par des enfants avides qui ne pouvaient abandonner leurs attitudes agressives, parce que d'autres nations étaient encore assez naïves pour adopter la manière forte à l'apparition des signes précurseurs de la guerre.

La race, au terme de la guerre, se trouva devant une nouvelle crise, où l'occasion se présentait de saisir l'importance des valeurs nouvelles, où l'établissement de justes relations humaines apparaissait comme désirable, non seulement du point de vue idéal, mais aussi sous un angle purement égoïste. Un jour, les principes de collaborations et du partage se substitueront à ceux de l'avidité possessive et de la concurrence.

Je viens de décrire le prochain, l'inévitable progrès de l'humanité, celui auquel tout le processus évolutif l'a préparée C'était contre la réalisation de ces attitudes neuves et souhaitables que les forces du mal (tout aussi réelles que les Forces de Lumière) se sont acharnées à l'aide de l'Allemagne et du Japon, dont la tendance innée est de se rallier à ces dangereux idéaux.

Laissez-moi vous rappeler ici que cela est vrai de toutes les nations, bien qu'à un moindre degré. Dans chacune existent des éléments sensibles aux principes qui ont engendré l'esprit allemand. Ces groupes, dans chaque pays, prolongèrent la guerre en brouillant les questions principales par leur nationalisme intense et leur sentiment de supériorité. En produisant la désunion, ils ralentissaient l'effort pour la victoire. L'égoïsme et leur propre intérêt empêchèrent aussi plusieurs nations de se ranger aux côtés des Forces de Lumière. Préservant une neutralité égoïste, elles prolongèrent de plusieurs années la durée de la guerre. Si, dès l'entrée de l'Allemagne en Pologne et lors de la déclaration de guerre de la France et de la Grande-Bretagne qui s'ensuivit, toutes les nations civilisées du globe, sans exception, avaient aussi déclaré la guerre à l'Allemagne et réuni leurs forces pour défaire l'agresseur, n'est-il pas possible que la guerre eût duré moins longtemps ? La politique intérieure, les jalousies internationales, les vieilles haines et méfiances, la crainte et le refus de regarder les faits en face suscitèrent la désunion. Si toutes les nations avaient vu clair et s'étaient débarrassées de leur égoïsme individuel en 1939, la guerre se fût terminée bien plus tôt. Si toutes les nations avaient passé à l'action aussitôt après l'entrée du Japon en Mandchourie, ou la pénétration de l'Italie en Ethiopie, une guerre, qui a dévasté la totalité de la planète, n'aurait pas été possible. De ce point de vue, aucune nation n'est sans reproche.

J'ai essayé d'éclaircir ce point, afin qu'en considérant le monde d'après guerre, nous raisonnions juste et commencions à prendre les mesures qui, avec le temps, conduiront à la sécurité du monde. Cette période future, car elle viendra sûrement, doit être envisagée par chaque nation avec un juste sentiment de sa propre responsabilité et de sa défaillance psychologique innée. Il est toutefois bien plus difficile d'admettre qu'aucune nation, sa patrie comprise, n'a les mains nettes et que toutes sont coupables d'avidité, de vol, de séparativité, d'orgueil et de préjugés comme aussi de haines nationales et raciales. Toutes ont beaucoup de comptes internes à régler, qu'elles doivent liquider, tout en s'efforçant au-dehors de rendre le monde meilleur et plus habitable. Cet état d'esprit doit devenir mondial, appuyé sur le principe du bien général, où les valeurs supérieures aux bénéfices individuels ou nationaux soient estimées, où le peuple, formé au civisme national, apprenne aussi ses responsabilités de citoyen du monde. Est-ce trop idéaliser le tableau ? Je ne le pense pas. La garantie de sa réalisation est que des milliers raisonnent aujourd'hui conformément à ces principes idéalistes. Des milliers d'hommes élaborent les plans d'un monde meilleur et par milliers, ils discutent de cette possibilité.
Toutes les idées émanant du divin, en l'homme et dans la nature, deviennent finalement des idéaux, même s'ils se déforment légèrement en cours de route, ils finissent pas devenir les principes qui gouvernent les masses. Tel est le développement véritable du processus historique.

Une brève étude des quelques ajustements psychologiques à réaliser par les nations à l'intérieur de leurs frontières, présenterait quelque utilité, car réforme bien ordonnée commence par soi-même. Considérons donc l'image du monde pour en tirer une vision nouvelle, car le verset de la Bible : "Là où manque la vision, le peuple périt" est bien fondé scientifiquement.

L'histoire relate un long passé de batailles, de guerres, de déplacements de frontières, de découvertes de terres nouvelles, suivies promptement par leur annexion, impliquant la soumission des populations indigènes, parfois pour leur plus grand bien-être, mais toujours inexcusable. L'esprit nationaliste et sa croissance forment le fond de l'histoire moderne, enseignée dans nos écoles, où l'orgueil national est alimenté et engendre des hostilités entre pays, des haines raciales et des jalousies. L'histoire se préoccupe des lignes de démarcation entre pays et du genre de gouvernement établi dans chacun d'entre eux. Ces lignes de démarcation sont férocement gardées et les passeports, institués au cours de ce siècle, représentent la cristallisation de ce principe.
L'histoire de chaque nation reflète une détermination implacable de protéger ses frontières à n'importe quel prix, de garder sa civilisation et sa culture intactes, de les accroître si possible, mais de ne rien partager avec aucune autre nation, sauf pour en tirer un profit commercial, réglementé par une législation internationale. Et cependant, l'humanité forme un tout et les produits du sol appartiennent à tous. Pareille attitude n'a pas seulement encouragé le sens séparatif, mais a conduit à l'exploitation des groupes plus faibles par les plus forts et à la ruine économique des masses par une simple poignée de groupes puissants. Ceci posé, je vais essayer de traiter du septième problème, le dernier, parce que sa solution écarterait une des principales causes de guerre et de misère.

L'habitude invétérée de penser et de réagir en masse est difficile à vaincre.
C'est là que se livre la bataille la plus acharnée dans notre monde 'après guerre.
L'opinion publique doit être rééduquée. Déjà, les nations reviennent à leurs modes de conduite et de pensée caractéristiques, si profondément ancrés depuis des générations. Permettez-moi d'être plus explicite ; et si mes dires causent quelque irritation à mes lecteurs de n'importe quelle nationalité, ou provoquent de plausibles excuses, qu'ils se souviennent que, dans l'intérêt général, il faut regarder notre passé en face, reconnaître les tendances nouvelles, renoncer aux vieilles et fâcheuses façons de penser et d'agir si, dans un avenir proche l'humanité ne doit pas descendre plus bas encore que pendant la dernière guerre.

Dans tous les pays, les voix de l'ordre ancien et les exigences des réactionnaires s'élèvent et les demandes de certains groupes radicaux s'y ajoutent. Etablies depuis si longtemps, les voix conservatrices impressionnent et l'humanité lasse laissera prendre toutes les mesures réclamées par les conservateurs, sauf si ceux qui sont dotés d'une vision nouvelle réagissent avec sagesse et rapidité. Jusqu'à présent, il n'en existe que trop peu d'indices.

LA FRANCE

A grands cris, la France réclame que justice soit rendue à son antique gloire, que son ancienne tâche de représenter l'influence prépondérante dans la vieille civilisation européenne ne soit point oubliée et que la France soit sauvegardée et protégée. Elle exige que rien ne se fasse sans la consulter.
Pourtant la France donne depuis des dizaines d'années le spectacle de la désunion, de la corruption et de la vénalité politiques. Elle a toujours manifesté un vif attachement et un violent désir à l'égard des satisfactions matérielles, se glorifie de son réalisme et non d'un idéalisme spirituel, substituant le brio de l'intellect et une perception scientifique aiguë aux réalités subjectives. Sa débâcle de l'été 1940 a-t-elle enseigné à la France que les valeurs de l'esprit doivent remplacer celles qui, jusqu'à présent, ont dicté sa conduite ?
Comprend-elle qu'elle doit regagner le respect du monde, perdu lors de sa reddition et de son essai de collaborer, qui la révélèrent plus faible que des nations bien plus petites, mais qui luttèrent jusqu'à ce que la défaite leur fût imposée ? La France peut-elle émerger de ces épreuves purifiée et capable de manifester une nouvelle façon de penser en termes de relations internationales sans égoïsme, et non plus dans les seuls termes d'une civilisation matérielle, admirablement exprimée par elle durant tant de siècles ? Elle le peut et y parviendra. Son brillant intellect, appliqué à l'étude des questions spirituelles, peut dépasser le niveau des recherches d'intelligences de moindre envergure ; cette perception nette et son talent de traduire la pensée en formules concises et claires comme cristal seront précieux pour amener beaucoup de monde à la compréhension des vérités éternelles. Lorsque la France, ai-je dit ailleurs, aura trouvé son âme spirituelle et sans ne se contenter que de l'intellect, elle s'affirmera comme l'instrument d'une révélation sur la nature de l'âme humaine.
La France en a montré la nature dans le passé, au stade du plus intense individualisme égoïste. Eprouvée par le feu et la souffrance, la France manifestera plus tard les qualités de l'esprit humain.

Remplacer la suprématie des valeurs matérielles, l'insistance emphatique sur l'importance de la France dans le monde par la compréhension de l'importance de l'attitude internationale envers la France, et celle des relations humaines désintéressées, tel est, en bref, le problème psychologique qui se pose actuellement à la France et que plusieurs de ses meilleurs penseurs ont bien saisi. La France peut-elle apprendre à raisonner, compte tenu de ce qui se passe au-delà de ses frontières, ou va-t-elle continuer à "penser français" exclusivement ? Voilà des questions auxquelles elle doit répondre.

L'ALLEMAGNE

Le principal défaut du peuple allemand est son extrême négativité, qui en fait le peuple le plus facile à "conditionner" de tous les temps. La capacité d'accepter la dictature et la propagande sans discussion, ni révolte, dans un profond sentiment d'infériorité, s'y ajoute. Le peuple allemand se laisse, par conséquent, facilement exploiter et convaincre par ceux qui savent hurler et menacer. Il est facile à enrégimenter.

Pour combattre cette négativité, il faut consacrer des soins attentifs à entraîner l'individu à penser et agir avec indépendance, à priser par-dessus tout ses propres idées dans un esprit de bonne volonté. Telle doit être la note dominante pour la future éducation du peuple allemand. Grâce à cela et à une propagande idéaliste bien faite, le peuple allemand peut reprendre le droit chemin, s'habituer à raisonner juste avec la même facilité qu'il s'était laissé entraîner à de mauvaises habitudes et à un raisonnement pervers et séparatif.
L'enrégimentement de l'Allemagne ne saurait encore cesser de longtemps, mais l'orientation doit être complètement changée. Leur principal problème psychologique est d'admettre leurs relations avec tous les autres peuples sur un pied d'égalité. Une des plus grandes difficultés à résoudre pour l'O.N.U. est de soutenir un chef bon et fort, capable d'imposer l'enrégimentement dans un esprit de compréhension et de bonne volonté, jusqu'au moment où ce sera devenu superflu. Alors, Allemands et Allemandes pourront raisonner seuls, non sous l'effet de la propagande d'un groupe ou d'une caste militaire (Ces lignes furent écrites en janvier 1945.).

La responsabilité des Alliés est considérable. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie, aidés de la France, mesureront-ils cette responsabilité et – la période punitive terminée – sauront-ils exploiter le goût allemand pour la propagande et veilleront-ils à en user à des fins justes et spirituelles ?
Prendront-ils soin de confier le système d'éducation de ce peuple infortuné à des gens doués de vision de l'avenir fermement décidés à former la génération montante à se tenir pour des hommes et non des surhommes ?
Pourront-ils imprimer dans la conscience des enfants actuels, ou à naître, le sens et l'importance des justes relations humaines ? Pourront-ils en outre poursuivre cette éducation pendant assez longtemps ? Cette épreuve permettra de juger des intentions véritables des Nations Unies. Le potentiel spirituel du peuple allemand doit entrer en ligne de compte et l'on doit se réjouir de ce qu'un tel enseignement pourrait en tirer. En pratique, les Allemands sont plus faciles à transformer par des méthodes éducatives correctes que n'importe quelle autre nation européenne. Leur mentalité correspond encore à celle du troupeau. Il s'agit de la transmuer en conscience du groupe, celle de l'individu libre, collaborant avec d'autres hommes de bonne volonté pour le bien commun.

L'EMPIRE BRITANNIQUE

Que dire de l'Empire britannique, dont les citoyens se vantent que le soleil ne s'y couche jamais et qui règne en souverain sur tous les océans du globe depuis plusieurs siècles en augmentant sans cesse ses territoires ? La Grande-Bretagne a été une grande puissance impérialiste, portée à acquérir, tenace et ferme dans ses manœuvres politiques, elle a mérité cette accusation dans le passé. Elle a misé sur une politique de puissance, experte en l'art d'équilibrer une nation par une autre, pour préserver le statu quo et l'intégrité des Iles britanniques. Elle a travaillé avec diligence à établir parmi les nations une stabilité lui permettant de fonctionner sans heurt et d'atteindre à ses fins.
Accusée d'intense commercialisme, elle s'est vue traiter de "nation de boutiquiers" par d'autres pays. Les Britanniques sont souvent peu sympathiques aux autres peuples. Leur hauteur distante, leur fierté nationale et leur attitude de maîtres du monde indisposent beaucoup de gens. La Grande-Bretagne apporte le sentiment de caste dans ses relations internationales, tout comme le système des classes caractérise ses rapports internes depuis des siècles. Toutes ces allégations ont un fond de vérité et les ennemis de la Grande-Bretagne ont une juste cause à défendre devant le tribunal. Les Britanniques, dans l'ensemble, se sont montrés réactionnaires, trop prudents et conservateurs, lents à agir et aptes à se satisfaire des conditions existantes, en particulier là où ces conditions étaient strictement britanniques. Toutes ces caractéristiques ont créé une extrême irritation chez d'autres peuples, surtout dans la nation issue de la Grande-Bretagne, les Etats-Unis. Mais ce n'est là qu'un aspect du tableau. Les Britanniques ne sont pas antisociaux. Les premiers, ils établirent des réformes sociales, instituant par exemple les retraites pour la vieillesse longtemps avant que d'autres nations l'imitent. Ils sont d'un profond paternalisme dans leur traitement des nations plus petites ou moins développées et ils les ont réellement aidées. Ces conservateurs trouvent difficile de discerner le moment où il convient de supprimer cette tutelle. La devise de la Maison de Galles est "I serve" (Je sers). La tendance innée de la race britannique est de servir les nations et les races réunies sous l'Union Jack, le drapeau britannique.
Il faut se souvenir que, depuis le début du XXème siècle, de grands changements ont eu lieu dans l'attitude britannique. Bien des vestiges anciens se sont effacés ; le système des castes, avec sa hauteur, son esprit séparatif et son paternalisme est en voie de disparition, car la guerre et les travaillistes ont mis l'accent sur l'égalité essentielle. La Grande-Bretagne forme maintenant un Commonwealth de Nations entièrement indépendantes.

Le plus important problème psychologique, pour le peuple britannique est de gagner la confiance du monde et d'amener les autres nations à reconnaître la justice réelle et les bonnes intentions, qui animent ses idées et ses plans. Cette confiance s'était perdue au cours des derniers siècles, mais il la regagne lentement à présent. Son attitude à l'égard des affaires mondiales repose aujourd'hui sur une base internationale. Il désire le bien de la communauté et se sent prêt à consentir des sacrifices dans l'intérêt commun ; ses intentions sont justes et sa volonté, de collaborer. Les citoyens britanniques, braves et sensés, s'émeuvent de l'antipathie acquise en vertu de leur histoire passée. La présente sympathie, suscitée par les souffrances des Britanniques d'une part et l'abandon de leur timide et orgueilleuse réticence, d'autre part, pourraient se développer librement, alors la Grande-Bretagne et les autres nations du monde chemineraient de compagnie dans la vie, sans divergences majeures.

LA RUSSIE

La Russie demeure une grande énigme pour le reste du monde. Ses potentialités de service humain et sa capacité d'imposer sa volonté, dans une large mesure, au monde entier, dépassent celles de tout autre pays.
Cela suffit à inspirer de la méfiance. Son territoire s'étend sur une vaste partie de l'Europe et tout le nord de l'Asie. Elle a traversé une grande et cruelle révolution, suivie d'une période de réajustement. Elle se prépare à collaborer avec le monde et manifeste l'intention de stipuler ses propres conditions, c'est à-dire, d'exercer un contrôle général sur d'autres pays, à commencer par les nations plus petites à ses frontières occidentales. Sur son propre territoire, elle a tiré les populations de leur ignorance et de leur pauvreté, pour les faire accéder à l'instruction et à un niveau d'existence suffisant. Le reste du monde se méfie profondément de la Russie, en particulier les éléments conservateurs, pour deux raisons : d'abord, à cause de la cruauté des débuts de la révolution, période appelée couramment bolchevisme et en second lieu, à cause de l'isolationnisme délibéré et sévère derrière ses frontières fermées. C'était pourtant le silence de la création. La guerre força ensuite la Russie à rompre ce silence et à collaborer avec le monde. Elle se vit forcée de participer à la guerre mondiale. La Russie est le terrain d'une révélation en germe, dont la valeur spirituelle sera grande et significative pour le groupe et cette révélation s'adressera à l'humanité entière. Une intuition vague et assez inexacte de ce fait favorise son insidieuse propagande.

La Russie a créé dans d'autres pays une fermentation, avant de savoir elle-même de quelle révélation elle a la garde. Son activité est donc prématurée. Le véritable secret de la fraternité, jusqu'ici inconnu et non encore réalisé, lui appartient pour le répandre dans le monde, mais elle ne sait encore ce qu'il est.
Le fait que la Russie détient une révélation spirituelle est pressenti par les autres nations du monde. Leur première réaction a été la peur, basée sur certaines erreurs initiales et sur une activité prématurée sur le plan matériel.
Néanmoins, tous les pays regardent la Russie dans un sentiment d'expectative, car ils réalisent obscurément qu'il en sortira quelque chose de nouveau ; la Russie, en effet, mûrit et s'intègre rapidement et prouvera qu'elle a beaucoup à donner.

Le monde assiste à l'élévation et à la croissance rapide d'une nation, qui a accompli en un quart de siècle ce que d'autres nations ont mis plusieurs générations à réaliser. La Russie est une géante avançant à grands pas, jeune géante, qui a pris conscience de ses vastes possibilités et animée d'un esprit profondément religieux, quoique peu orthodoxe. Elle est gênée par ses traits orientaux et ses ambitions occidentales, en butte à la défiance mondiale, à cause de ses manœuvres erronées. Elles consistent en tentatives de s'infiltrer dans d'autres nations, pour saper leur stabilité et les affranchir, tant qu'elles se laissent facilement imbriquer dans l'édifice humain que la Russie s'efforce de construire. Intérieurement, mais encore inconsciemment, la Russie s'inspire du désir de donner naissance à la fraternité. Seul le temps, et aussi une sage activité et une propagande sensée de la part de la Russie, peuvent prouver l'exactitude de mes affirmations. Son problème psychologique est, en dernière analyse, de s'occuper de ses propres affaires, de stabiliser et d'intégrer sa vaste population et de conduire ses peuples vers la lumière. La Russie doit aussi apprendre à coopérer avec autrui d'égal à égal. Elle ne doit pas chercher à entraîner, par ambition et calcul, les petites puissances dans sa zone d'activité contre leur gré et par la force, ou une irrésistible pression. Il reste beaucoup à faire en Russie pour les immenses territoires et leurs populations déjà compris dans sa sphère d'influence ; les autres nations doivent aussi accomplir leur propre destin sans être soumises par la force à l'autorité russe. Surtout, le problème qui se présente à la Russie est d'offrir aux autres nations du monde un exemple de sage gouvernement, de libre expression des buts individuels et de l'usage d'une éducation inclusive et solide, tel que les autres nations se modèlent sur la démonstration effectuée en Russie, tout en préservant leurs propres voies culturelles, leurs formes de gouvernements librement choisies et leur manière particulière d'exprimer la fraternité. Inhérente à la Russie existe une forme nouvelle de conscience du monde, et par son moyen, une nouvelle expression planétaire se forgera graduellement au feu de l'expérience scientifique et vécue. Cette grande nation, synthèse de l'Est et de l'Ouest, doit apprendre à gouverner sans cruauté, sans enfreindre le libre arbitre individuel et ceci, grâce à une entière confiance dans les bienfaits des idéaux en voie de développement, mais n'ayant pas encore atteint à leur expression.

LA POLOGNE

Au peuple polonais, je désire rappeler qu'un long passé historique place sur ses épaules la responsabilité d'exercer une influence bien définie sur les cultures des nations avoisinantes, et de les imprégner de spiritualité, tâche dont il est apparemment encore inconscient. Son insistance continuelle sur les possessions territoriales semble l'aveugler à l'égard de la vraie valeur de sa contribution à apporter au monde. Ce peuple fortement émotif et individualiste est, dans le cadre de ses frontières, en proie aux dissensions et à des frictions constantes. Il ne possède pas d'unité interne. Son problème psychologique consiste à parvenir a l'intégration, dont la base serait une victoire sur les haines de race. Ce problème national doit se résoudre en termes de bonne volonté et non d'intérêts égoïstes.

Par parenthèses, si les problèmes de frontières, de possessions, de territoires, de colonies et d'entreprises matérielles prennent la prépondérance aux yeux de toutes les nations, le fait de cette insistance purement matérielle manifeste son peu d'importance relative une fois placé dans sa vraie perspective. Le seul facteur comptant vraiment à cette heure est l'humanité même et devant l'agonie, la détresse, la misère humaine, déblatérer sur les frontières est une stupide dépense d'énergie. Des ajustements s'imposent, il faut fixer des frontières, mais les décisions ultimes ne doivent pas dépendre de l'histoire ou de la gloire d'autrefois, mais se baser sur ce qui est le plus favorable pour les peuples impliqués. A eux de déterminer la décision finale.
Cette unique raison m'a poussé à toucher au problème de la Pologne, car j'ai seulement le temps d'indiquer l'action nécessaire évoquée par les problèmes psychologiques des grandes puissances.

Cette guerre mondiale a été présentée par les esprits les plus distingués et les idéalistes des nations alliées comme la lutte menée ostensiblement pour la liberté humaine, pourtant toutes les grandes puissances y ont participé, poussées par des mobiles égoïstes et par l'instinct de conservation. Le fait est universellement reconnu. Au fond, toutes professaient plus ou moins un sain et généreux idéalisme : délivrer l'humanité de la dictature. Après la guerre vint l'épreuve de gagner la victoire. C'est à dessein que j'emploie ce terme. Si les nations de la terre entière bénéficient d'élections libres, si les peuples des territoires disputés ont la latitude de décider par un plébiscite sans contrainte où vont leurs préférences et leur attachement, et si la liberté de parole, de religion et une presse, ainsi qu'une radio, véritablement libres résultent de la dernière guerre, un grand pas en avant aura été franchi par la famille humaine tout entière.

Compte doit aussi être tenu du fait qu'en s'incarnant, les âmes choisissent le milieu favorable et l'endroit où elles peuvent se développer et progresser. Elles discernent immédiatement le pays où apprendre les leçons dont elles ont besoin. Dûment médité, ce facteur devrait éclaircir les idées humaines et c'est un facteur vital aujourd'hui, parallèlement au fait, plus vaste et général, qu'une grande bataille planétaire se déroule entre Forces de Lumière et Forces du Mal. L'humanité forme le champ de bataille de ces forces ; elle est l'enclume où frappent les coups des deux côtés, au cours du vaste processus de libération, prévu par le Dieu Qui régit notre monde.

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