LE TIBETAIN

LES ENSEIGNEMENTS DU TIBETAIN

LIVRE II - 1. Le yoga de l'action, conduisant à l'union avec l'âme, est aspiration ardente, lecture spirituelle et dévotion à Ishvara.

1. Le yoga de l'action, conduisant à l'union avec l'âme, est aspiration ardente, lecture spirituelle et dévotion à Ishvara.

 

Nous devons ici fixer notre esprit sur le fait que nous abordons le livre où se trouve esquissée la partie du travail donnant les règles que l'aspirant doit suivre s'il espère réussir dans son entreprise, et indiquant les méthodes qui le conduiront à la réalisation de la conscience spirituelle. Le livre I traitait de l'objectif à atteindre. En achevant ce livre I, l'aspirant dit tout naturellement :
"Que tout cela est souhaitable et juste ! Mais comment y parvenir ? Par où dois-je commencer ?"

Patanjali prend son point de départ tout au début et indique dans ce second livre quels sont :

1.
Les conditions de base exigées de la personnalité.
2.
Les obstacles qui peuvent alors être notés par le disciple sérieux.
3.
Les huit "moyens de yoga" ou les huit sortes d'activité qui amèneront les résultats voulus.

 
La simplicité même de cette esquisse en fait la très grande valeur ; elle ne comporte ni confusion, ni dissertations compliquées, mais se borne à un clair et simple exposé des conditions requises.

Il peut être utile ici de donner un aperçu des divers "yogas", pour permettre à l'étudiant de se former une claire conception de ce qui les distingue, en exerçant ainsi son sens de la discrimination.

Les principaux yogas sont au nombre de trois, les divers autres "yogas" – ou nommément tels – se situant dans l'un de ces trois groupes :

1. Le Raja Yoga : le yoga du mental ou volonté.
2. Le Bhakti Yoga : le yoga du cœur ou dévotionnel.
3. Le Karma Yoga : le yoga de l'action.

Le Raja Yoga se suffit à lui-même.

Il est la science royale parmi tous les autres, la somme de tous les autres ; il est un point culminant qui complète, au sein du règne humain, le travail de développement. Il est la science du mental et de la volonté qu'un dessein anime ; il place sous la domination du Souverain Intérieur la plus haute des gaines de l'homme dans les trois mondes. Cette science coordonne l'homme inférieur triple tout entier, lui imposant une situation où il n'est plus qu'un véhicule pour l'âme ou Dieu intérieur. Il englobe les autres yogas et tire avantage de leurs réalisations. Il synthétise le travail de l'évolution et donne à l'homme la couronne royale.

Le Bhakti Yoga est le yoga du cœur.

Par lui, tous les sentiments, désirs et émotions sont subordonnés à l'unique bien-aimé, vu et connu dans le cœur. Il est la sublimation de tout ce qui est amour sur les plans inférieurs. Tous les désirs, toutes les ardeurs sont asservis, en faveur d'une seule aspiration fervente : connaître le Dieu d'amour et l'amour de Dieu.

Ce fut la science "royale" de la précédente race-racine, ou race atlantéenne, tout comme la science du Raja Yoga est la science majeure de notre civilisation aryenne.

Le Bhakti Yoga faisait de son dévot un arhat, le conduisant jusqu'à la quatrième initiation. Le Raja Yoga en fait un adepte et le conduit jusqu'au portail de la cinquième initiation. Tous deux mènent à la libération, car si l'arhat est affranchi du cycle des renaissances, le Raja Yoga lui procure la libération en vue d'un service parachevé et la liberté de travailler en tant que Magicien blanc. Le Bhakti Yoga est le yoga du cœur et du corps astral.

Le Karma Yoga

Il est en relation particulière avec l'activité du plan physique et avec la mise en œuvre d'une manifestation objective de toutes les impulsions intérieures. Dans sa forme ancienne la plus simple, il fut le yoga de la troisième race-racine, dite lémurienne, et ses deux expressions les plus connues sont :

a.
Le Hatha Yoga.
b.
Le Laya Yoga.

Le premier a trait particulièrement au corps physique, à son fonctionnement conscient (à l'exclusion de la subconscience ou de l'automatisme) et aux diverses pratiques donnant à l'homme la maîtrise des différents organes et de l'ensemble du mécanisme caractérisant le corps physique. Le second concerne le corps éthérique, les centres de force ou chakras qui s'y trouvent, ainsi que la distribution des courants de force et l'éveil du serpent de feu.

On peut attirer l'attention sur le point suivant : si l'on divise le torse humain en trois sections, il peut être établi que :

1.
Le Karma Yoga avait pour résultat l'éveil des quatre centres situés au-dessous du diaphragme.
2.
Le Bhakti Yoga provoquait leur transmutation et transfert dans les deux centres situés au-dessous du diaphragme mais encore dans le torse, c'est-à-dire le cœur et la gorge.
3.
Le Raja Yoga synthétise toutes les forces du corps dans la tête et, de là, les distribue et les contrôle.

Le Raja Yoga, dont Patanjali fait son thème dominant, englobe les effets de tous les autres yogas. Il n'est possible qu'après la mise en pratique des autres ; ce qui ne signifie pas que ce dernier travail doit être accompli au cours de cette vie-ci. L'évolution a conduit tous les fils des hommes (prêts à être des chelas ou disciples) à travers les races diverses ; au temps de la race lémurienne (ou même pendant la chaîne précédente ou plus grand cycle), ils furent tous des hatha ou laya yogis. Il en résulte le développement et la maîtrise du corps physique en sa double nature, dense et éthérique.

La race atlantéenne vit se développer le corps du désir ou corps astral ; l'élite de cette race se composait de vrais fils du bhakti yoga et de véritables dévots. Actuellement, le plus élevé des trois corps doit être amené à parachever son développement ; c'est là le rôle du Raja Yoga et l'objectif visé par l'œuvre de Patanjali. La race aryenne apportera à l'économie générale la contribution de ce parfait développement et la famille humaine tout entière (à l'exception d'un pourcentage d'êtres pour qui l'entrée dans la race fut trop tardive pour permettre le plein épanouissement de l'âme) se révélera composée de Fils de Dieu, possédant tous les pouvoirs divins, épanouis et consciemment employés sur le plan physique et dans le corps physique. Trois choses, dit Patanjali, provoqueront ce résultat, jointes à la pratique de certaines méthodes et règles, qui sont :

1.
Une aspiration ardente et l'empire sur l'homme physique, afin que chaque atome de son corps soit enflammé de zèle et voué à l'effort.

2.
La lecture spirituelle, qui se rapporte à la capacité du corps mental de percevoir ce qu'il y a derrière un symbole ou de prendre contact avec le sujet qui gît derrière l'objet.

3.
La dévotion à Ishvara, concernant le corps astral ou émotif, le cœur entier se répandant en amour pour Dieu – Dieu dans le cœur même de l'être, Dieu dans le cœur de son frère et Dieu tel qu'Il Se voit en toutes formes.
L'aspiration ardente est la sublimation du karma yoga ; la dévotion à Ishvara est la sublimation du bhakti yoga, tandis que la lecture spirituelle est le premier pas menant au Raja Yoga.

La "dévotion à Ishvara" est une expression dont le sens, large et général, comprend à la fois le rapport du soi personnel avec le soi supérieur – le principe d'Ishvara ou principe christique dans le cœur – et le rapport de l'Ishvara individuel avec l'Ishvara universel ou cosmique ; cette expression se rapporte à la prise de conscience, par l'âme qui est en l'homme, [23@124] du fait qu'elle est partie intégrante de l'âme suprême ; il en découle la conscience de groupe, et c'est là l'objectif de la science royale.

La dévotion implique certains facteurs dont il sera appréciable, pour le dévot, de prendre connaissance :

1.
L'aptitude à se décentraliser, à échanger une attitude d'égocentrisme et d'égoïsme contre une attitude consistant à sortir de soi-même pour aller au-devant de l'être aimé. La perte de toutes choses compte pour rien, pourvu que soit atteint l'objet de la dévotion.

2.
L'obédience à l'objet aimé sitôt que cet objet est connue ; ce qui, dans certaines traductions, a été nommé la "complète obédience au Maître", cette interprétation étant juste et fidèle. Cependant, par le fait que le mot Maître signifie (pour l'étudiant en occultisme) l'un des adeptes, nous avons préféré traduire ce mot par "Ishvara", le Dieu unique dans le cœur de l'homme, le divin Jiva ou "Point de la Vie divine" au centre de l'être de l'homme. Il est le même en tous les hommes, chez le sauvage comme chez l'adepte ; la différence ne réside que dans le degré de manifestation ou de maîtrise. La vraie science du yoga ne préconise jamais l'obédience complète à quelque gourou ou mahatma, dans le sens d'une sujétion totale de la volonté. L'enseignement qu'elle donne est la soumission de l'homme inférieur à la volonté du Dieu intérieur. Toutes les méthodes de yogas ont en vue cette fin particulière. Il est nécessaire de garder ce fait bien présent à l'esprit.
La "lecture spirituelle" est, dans ce sens, le préliminaire le plus occulte et significatif.

Toute forme est le résultat de la pensée et du son. Toute forme voile ou dissimule une idée ou un concept. Toute forme, en conséquence, n'est que le symbole, ou tentative de représentation, d'une idée ; cela est vrai, sans exception, sur tous les plans de notre système solaire, partout où se trouvent des formes, qu'elles soient créées par Dieu, homme ou déva.

Un des objectifs de l'entraînement du disciple consiste à le mettre à même de constater ce qui gît à l'arrière-plan de toute forme dans l'un quelconque des règnes de la nature et d'être, de ce fait, informé du caractère de l'énergie spirituelle qui a donné naissance à cette forme. L'amplitude de ce symbolisme cosmique deviendra apparent même au plus superficiel des penseurs, et le débutant sur le sentier suivi par le chela doit apprendre à classer les formes multiples en groupements déterminés représentant certaines idées de base. Il doit interpréter les idées qui gisent derrière les symboles particuliers et chercher l'impulsion distincte latente en toute forme. Il peut en commencer la pratique dans son entourage et à la place où il se trouve. Il peut chercher à déceler l'idée que voile la forme de son frère : il peut rechercher Dieu à l'arrière-plan du corps de tout homme quel qu'il soit.

Le sutra qui fait l'objet de cette étude mène ainsi l'aspirant sur le plan le plus pratique de la vie ; il le met en face de trois questions fondamentales qui l'amèneront inévitablement, tandis qu'il en cherche la réponse correcte, à s'équiper en vue de fouler le sentier. Ces trois questions sont :

1.
Vers quel objectif tendent tous les désirs et aspirations de mon âme ?
Vers Dieu ou vers les choses matérielles ?

2.
Ma nature inférieure tout entière est-elle placée par moi sous la domination d'Ishvara ou homme spirituel véritable ?

3.
Au cours de mes contacts quotidiens, Dieu est-Il vu par moi à l'arrièreplan de toute forme et de toute circonstance ?

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