LE TIBETAIN

LES ENSEIGNEMENTS DU TIBETAIN

35. Le sentiment de futilité

35. Le sentiment de futilité

Au cours de son travail auprès des patients arrivant aux portes de la mort, le guérisseur peut éprouver un sentiment de futilité. Lui est-il possible de savoir exactement ce qu'il doit faire ?

Doit-il poursuivre son effort pour aider l'âme nouvellement libérée à s'avancer vers la lumière ? Malgré toutes ses connaissances, qui peuvent être étendues, et en dépit de son désir impatient d'aider celui qui part, il semble que le guérisseur ne puisse que s'effacer avec le sentiment d'être complètement inutile, tandis que le bien-aimé franchit la porte qui conduit à quoi, ô mes frères ? Nous pouvons l'accompagner au portail, mais il semble qu'actuellement nous ne puissions aller plus loin. La croyance à la persistance de l'âme éternelle, même profondément enracinée, se révèle insuffisante. Elle ne sert qu'à réconforter personnellement le guérisseur dévoué, sans lui révéler la nature de l'aide qu'il pourrait apporter.

A cette époque significative où nous attendons la révélation prochaine je ne puis donner que de faibles indications. Cette révélation est inéluctable et certaine, et dans deux cents ans on ne posera plus de telles questions. Sur le plan physique, la garantie de ce proche événement se trouve dans la sensibilité croissante de la race humaine aux aperçus de plus en plus subtils, et dans la multiplicité des recherches poursuivies de tous côtés. Cette grande vérité et sa garantie nous sont constamment rappelées par l'histoire de "la glorieuse résurrection du Christ" et de Ses apparitions après Sa mort, et par le puissant rite assez peu compris de l'élévation du Maître lors du sublime grade de la Maçonnerie.

L'aide au moment du "passage dans la lumière" dépend en grande partie de deux facteurs :

1. L'intensité du contact entre le mourant et la personne qui le veille, et le niveau auquel ce contact est le plus étroit.

2. L'aptitude du veilleur à se détacher, à se dissocier de ses propres sentiments, et à s'identifier avec le mourant par un acte de pure volonté désintéressée.

Rien de tout cela n'est réellement possible lorsque le lien entre les deux intéressés reste purement sentimental ou basé sur des relations physiques. Il faut que le contact soit plus profond et plus fort. Il faut qu'il soit personnel sur tous les plans. Lorsqu'il y a vraiment contact d'âme et de personnalité, le problème se réduit à peu de chose. Mais le cas est rare. Néanmoins, j'y aurai fait allusion.

Le veilleur doit réduire au minimum son processus de pensée. A l'heure actuelle on ne lui demande que d'entraîner le mourant en avant dans un courant d'amour constamment plus profond. C'est par le pouvoir de l'imagination créatrice, et non par des concepts intellectuels si élevés soient-ils, qu'il faut aider le mourant à dépouiller le vêtement extérieur dans lequel il a été enfermé et dans lequel il a peiné durant sa vie.

Cela implique un acte de pur oubli de soi, dont peu d'hommes sont actuellement capables. La plupart sont dominés par la peur, ou par un désir ardent de retenir le bien-aimé, ou encore leur but est négligé du fait de l'activité qu'ils déploient pour calmer les douleurs ou les angoisses mortelles. Ils sont consternes par la profondeur de leur ignorance au sujet de "la technique de la mort" lorsqu'ils ont à faire face à des circonstances critiques. Ils sont incapables de voir ce qui se passe au-delà des portes de la mort, et se sentent emportés par l'incertitude mentale qui fait partie de la grande illusion. On sait qu'il n'y a pas de pierre de touche certaine dans le processus de la mort. Tout est incertitude et perplexité, mais cet état de choses prendra fin prochainement.

Les hommes sauront et verront aussi.

Quant à ceux qui sont passés dans la lumière et que vous désirez aider, suivez-les avec votre amour en vous souvenant qu'ils sont toujours pareils à eux-mêmes, moins l'écrin corporel qui les limitait. Servez-les, mais ne cherchez pas à vous servir d'eux. Allez vers eux, mais ne cherchez pas à les ramener à vous.

C'est la vie sur le plan physique qui est le purgatoire, et c'est l'expérience de cette vie qui est l'école de la discipline rigoureuse. Ne craignons ni la mort ni ce qui s'étend au-delà de la mort. Les disciples avisés peinent dans le domaine des services à rendre, mais contemplent constamment l'aurore de la "claire lumière froide dans laquelle ils entreront bientôt pour clore pendant un temps la période de la fièvre, des frictions, et des douleurs de l'existence  terrestre. Mais d'autres phases de l'expérience de la vie se présentent actuellement où les serviteurs du monde se heurtent au sentiment de futilité et de frustration.

Vus par un disciple, les êtres humains intelligents se divisent en trois groupes, après élimination par la pensée du poids mort des masses mentalement inertes qui éprouvent des désirs sans ressentir encore à leur sujet un sentiment de futilité ou de frustration. Elles désirent, puis obtiennent satisfaction ; ou bien elles désirent et, n'étant pas exaucées, sont contrecarrées, ou deviennent jalouses, ou s'irritent contre ceux qui paraissent posséder les objets de leur convoitise ou de leurs exigences, toujours attirants pour leur vie sensuelle.

Ces trois groupes sont les suivants :

1. Les personnalités intégrées et intelligentes, qui sont ambitieuses et s'occupent consciemment de faire aboutir leurs projets, mais se sentent néanmoins frustrées. Cette frustration provient soit des conditions dans le monde qui les freinent trop fortement, soit du fait que leurs propres âmes vigilantes s'imposent à eux et sèment des obstacles sur leur chemin pour les orienter vers la lumière.

2. Les personnes penchant au mysticisme et les visionnaires correctement orientés mais qui n'ont pas encore bâti l'échafaudage mental leur permettant de bien matérialiser leur vision par un juste processus de pensée. Ils sont nombreux aujourd'hui et leur cas est malaisé.

3. Les disciples et aspirants qui s'efforcent de travailler dans le monde, mais qui n'atteignent jamais leur but au cours de leur incarnation par suite de limitations karmiques, de mauvaises applications de la loi, ou de quelque faiblesse fondamentale de leur personnalité. Ils sont alors submergés par un accablant sentiment de futilité.

Au-delà de ces trois groupes, et agissant comme opposé polaire des masses en lutte, se trouvent les disciples intégrés, agissant, et aboutissant. Ils sont trop occupés et trop concentrés pour gaspiller beaucoup de temps à se sentir inférieurs ou à ressasser leurs fautes et leurs échecs.

L'on est donc apte à aider plus intelligemment les personnes qui viennent demander secours lorsqu'on les classe dans l'une des trois catégories qui précédent, en laissant toujours en pensée la porte ouverte à leur passage éventuel dans une catégorie supérieure.

Une grande partie des complexes d'infériorité dont tant de personnes sont aujourd'hui affligées provient certainement de leur réaction aux énergies spirituelles qui affluent. Ces personnes  savent qu'elles valent mieux que leurs accomplissements. Inconsciemment et sans paroles, elles comprennent leur divinité, mais les limites imposées par les circonstances et les obstacles dus à la nature corporelle sont trop grands pour leur permettre de réagir correctement aux événements opportuns et à la réalité. Recherchez ces âmes aidez-les en les comprenant, en les appréciant, en coopérant véritablement avec elles, et dissipez ainsi l'illusion de non-accomplissement qui s'attache à leurs pas. Mais la guérison de l'exhibitionnisme et des hallucinations neurasthéniques relève essentiellement des efforts personnels individuels d'une décentralisation, des transferts d'intérêts, et d'un désintéressement actif. La tension sous laquelle les hommes travaillent aujourd'hui va probablement accroître pendant quelque temps les tendances à la neurasthénie. Les conditions actuelles du monde contraignent les patients à trouver des moyens d'y échapper et à faire appel au pouvoir curatif de leur propre imagination créatrice. La délivrance arrive lorsqu'on accepte le drame de l'ensemble, non celui de la fraction, et lorsqu'on s'occupe patiemment d'un travail créateur sur le plan physique.

Dans l'avenir, des méthodes d'éducation seront mises au point. Leurs stades élémentaires ressortent déjà grâce aux travaux des psychologues dans le monde.