LE PLAN A LONGUE PORTEE

LE PLAN A LONGUE PORTEE

 

Formulons maintenant un plan plus vaste pour l'éducation future des enfants du monde. Nous avons remarqué que, malgré les méthodes universelles d'éducation et les nombreux centres d'études de chaque pays, nous n'avons pas encore réussi à donner à notre jeunesse une éducation qui lui permette de mener une existence complète et constructive. Le développement de l'éducation mondiale s'est poursuivi dans trois directions surtout, d'abord en Orient et qui atteignent aujourd'hui leur point culminant en Occident.
Naturellement je ne parle ici que des deux ou trois derniers millénaires. En Asie, certains individus sélectionnés ont été éduqués à travers les siècles, mais les masses demeuraient complètement négligées. L'Asie, et l'Asie seule, a produit les grandes figures faisant, aujourd'hui encore, l'objet de la énération universelle, telles Lao-Tsé, Confucius, Bouddha, Shri Krishna et Christ. Ils ont marqué des millions d'hommes et continuent à les influencer.

En Europe, plus tard, l'attention des éducateurs s'est concentrée sur certains groupes privilégiés, leur donnant une formation et une culture soigneusement établies, mais n'enseignant aux masses que des rudiments de culture. Cela a produit périodiquement des époques de haute culture, comme la Renaissance, la période élisabéthaine, l'ère victorienne, le Romantisme, avec ses poètes et ses musiciens en Allemagne, et les diverses Ecoles de peinture qui font la gloire de l'Italie, de la Hollande et de l'Espagne.

Enfin, dans les pays plus neufs, tels que les Etats-Unis, l'Australie et le Canada, l'instruction des masses fut instituée et copiée largement dans la totalité du monde civilisé. Le niveau général de la culture baissa considérablement, mais le niveau d'information et de compétence de la masse s'accrut beaucoup. La question se pose maintenant de savoir quel sera le prochain développement dans l'évolution du système éducatif. Qu'arrivera-t-il après cette faillite complète du monde et l'incapacité reconnue des méthodes éducatives à l'empêcher ?

Rappelons-nous un fait important. Les excès regrettables où peut mené l'éducation se sont nettement montrés en Allemagne, par la suppression de l'idéalisme, l'imposition de fausses relations humaines et d'attitudes déplorables, avec la glorification de l'égoïsme, de la brutalité et de l'agression.
Le nazisme a prouvé combien le conditionnement par l'éducation, correctement organisé, surveillé, monté en système et promu au rang d'idéologie, peut être puissant et efficace, surtout si l'enfant est pris tout jeune et isolé de tout enseignement contraire pendant assez longtemps. Rappelons-nous aussi que cette puissance démontrée peut agir dans les deux sens et que ce qui s'est manifesté à rebours peut aussi agir dans le bon sens.

Il faut comprendre que deux mesures s'imposent : d'abord consacrer les plus grands soins à l'éducation des moins de seize ans ; plus on commencera jeune, mieux cela vaudra, et deuxièmement, commencer avec les moyens dont on dispose, tout en reconnaissant les limitations des systèmes actuels. Nous devons en renforcer les aspects bons et désirables, mais en éliminer ceux qui se sont avérés inadéquats à préparer les hommes à faire face à leur milieu ambiant.
Ils nous faut cultiver des attitudes et des techniques nouvelles, préparant l'enfant à une vie complète et qui le rendront ainsi vraiment humain, membre créateur et constructif de la famille humaine. Le meilleur du passé doit être conservé, mais comme base d'un système meilleur et plus sage pour atteindre le but visé : former des citoyens du monde.

Le moment est peut-être favorable pour définir une éducation inspirée d'une vision fidèle correspondant aux besoins du monde et aux exigences des temps, tels qu'on les pressent.

L'éducation consiste à former la jeunesse du monde, de façon intelligente, pour lui permettre de prendre contact avec son milieu, munie d'un bon sens avisé et sachant s'adapter aux conditions existantes. C'est aujourd'hui d'une importance primordiale et un des poteaux indicateurs qui émergent d'un monde écroulé. Il n'y reste pas grand-chose sur quoi bâtir, ou, du moins, où des gens éclairés veuillent bâtir.

L'instruction est un processus durant lequel l'enfant est équipé des connaissances qui le rendront capable de se conduire en bon citoyen et de bien remplir son rôle de parent. Elle doit prendre en considération les tendances héréditaires du sujet, ses qualités nationales et raciales et s'efforcer d'y ajouter un savoir qui l'amènera à travailler de façon constructive dans les circonstances où il se trouve placé et de s'y montrer un citoyen utile. La tendance générale de son éducation doit être plus psychologique que par le passé, et le savoir ainsi acquis doit être adapté à sa situation particulière. Tous les enfants possèdent certains talents, qu'il faudrait leur enseigner à utiliser. Ils partagent ces talents avec l'humanité entière, sans égard aux races ou aux nationalités. Les pédagogues devraient donc insister à l'avenir sur :

1.
Le développement de la maîtrise mentale de la nature affective.
2.
La vision, ou capacité de voir ce qui pourrait être au-delà de ce qui est.
3.
L'héritage de faits connus, auquel viendra s'ajouter la sagesse future.
4.
La capacité d'ajuster sagement ses rapports, d'admettre et d'assumer ses responsabilités.
5.
La faculté d'user doublement de son intelligence :
a.
Par le "bon sens" (au sens ancien du terme), pour l'analyse et la synthèse des données apportées par les cinq sens ;
b.
Par la pénétration, comme avec le faisceau lumineux d'un phare, dans le monde des idées et de la vérité abstraite.

Le savoir vient par deux voies. Il résulte de l'usage intelligent des cinq sens et s'acquiert aussi en essayant de saisir et d'assimiler des idées. On s'engage dans les deux voies par curiosité et par amour de la recherche.

L'éducation devrait être de trois sortes, toutes trois nécessaires pour amener l'humanité au point voulu de son développement.

D'abord, le procédé pour amasser des faits, passés ou actuels et l'art d'apprendre à tirer des informations recueillies et graduellement accumulées ce qu'on peut utiliser pratiquement dans telle ou telle circonstance. Ce procédé est impliqué dans les fondements de nos présents systèmes pédagogiques.

En second lieu vient le procédé de décanter la sagesse du savoir et de comprendre, en l'assimilant, le sens caché derrière les faits appris. C'est la faculté de mettre en pratique ce savoir, de manière à ce qu'une vie saine, un esprit compréhensif et des règles intelligentes de conduite en soient les conséquences naturelles. Cela implique aussi la préparation à certaines activités, selon les tendances innées, les talents ou le génie.

Enfin, un procédé destiné à cultiver l'unité ou le sens de la synthèse. La jeunesse future apprendra à considérer son propre rapport à celui du groupe, à l'unité familiale et à la nation où le destin l'a faite naître. On lui apprendra aussi à raisonner en termes de relations mondiales et, pour chaque pays, en termes de ses relations avec les autres pays. Cela comprend la formation du citoyen, du futur parent et une compréhension du monde. La base en est de nature psychologique et devrait amener à la compréhension de l'humanité. En donnant ce genre d'éducation, on formera des hommes et des femmes à la fois civilisés et cultivés, doués aussi de la faculté de progresser en avançant dans la vie, vers le monde de la signification, sous-jacent au monde des phénomènes.
Ces jeunes commenceront à considérer les événements humains sous l'angle des plus profondes valeurs spirituelles et universelles.

L'éducation devrait être un procédé permettant d'enseigner à la jeunesse de raisonner de cause à effet, afin de savoir pourquoi certaines actions produisent forcément certains résultats, et pourquoi, moyennant un certain conditionnement affectif et mental et avec une qualification psychologique déterminée, on peut nettement orienter la vie vers des professions ou des carrières favorables au développement, offrant ainsi un champ d'expériences utiles et profitables. Des tentatives de ce genre ont été faites dans des universités et des écoles, en vue de connaître les aptitudes psychologiques d'un garçon ou d'une fille à certaines vocations, mais ce sont encore des efforts isolés. Lorsque ces efforts deviendront plus scientifiques, ils ouvriront la porte aux disciplines des sciences. Ils donneront valeur et signification à l'histoire, la biographie et l'érudition, évitant ainsi la simple accumulation des faits par le grossier procédé de la mémoire, qui caractérise les méthodes anciennes.

L'instruction nouvelle envisagera l'enfant compte tenu de son hérédité, de sa position sociale, de son conditionnement national, de son milieu, enfin de ses propres ressources mentales et affectives, pour chercher à lui ouvrir entièrement le monde de l'effort, en lui expliquant que les barrières apparentes au progrès sont seulement destinées à le stimuler pour faire mieux. On cherchera donc à le "mener hors" (ce qui est le sens étymologique du mot "éduquer") de toute limitation et à l'entraîner à penser en termes de citoyen constructif du monde. Toujours grandir sera le motif réitéré.

Le futur éducateur attaquera le problème de la jeunesse du point de vue de la réaction instinctive de l'enfant, de sa capacité intellectuelle et de ses potentialités intuitionnelles. Dans la petite enfance et dans les premières classes à l'école, on surveillera le développement de réactions instinctives correctes en les encourageant ; dans les classes plus avancées, dans les écoles secondaires, l'attention se portera sur le développement intellectuel et la maîtrise des processus mentaux, tandis que dans les universités et les grandes écoles, on cultivera l'intuition, l'importance des idées et des idéals, la faculté de la pensée et de la perception abstraite. Cette dernière phase s'appuiera solidement sur une base intellectuelle bien établie. Ces trois facteurs, instinct, intellect et intuition, fourniront la note dominante des trois institutions pédagogiques que devra fréquenter chaque individu jeune, comme font aujourd'hui des milliers de gens.

Les écoles modernes (écoles primaires, secondaires, universités) présentent une image imparfaite, mais symbolique, du triple objectif de l'éducation future : la civilisation, la culture et l'unité des citoyens du monde.

Les écoles primaires peuvent être considérées comme gardiennes de la civilisation, elles doivent commencer à discipliner l'enfant, selon la nature du monde où il devra jouer son rôle, en lui apprenant quelle est sa place dans le groupe et en le préparant à vivre intelligemment dans de justes relations sociales. La lecture, l'écriture, l'arithmétique et des notions d'histoire en insistant sur l'histoire mondiale, de géographie et de poésie lui seront enseignées ; il sera informé de certains faits importants de la vie et la maîtrise de soi lui sera inculquée.

Les écoles secondaires se considéreront comme gardiennes de la culture.

Elles doivent insister sur les valeurs principales de l'histoire et de la littérature et donner quelques notions d'art. Elles devraient commencer à former le garçon ou la fillette pour la progression future ou le mode de vie qui les conditionnera évidemment. L'instruction civique leur sera donnée en termes plus larges et ils seront initiés au monde des valeurs véritables en cultivant l'idéal de façon consciente et définie. L'accent sera mis sur l'application pratique des idéals.

Nos collèges et nos universités devraient être une extension plus élevée de ce qui a déjà été fait. Ils devraient embellir et compléter la structure érigée en traitant plus directement du monde de la signification. Les problèmes internationaux, économiques, sociaux, politiques et religieux, devraient être pris en considération et les rapports de l'être humain avec le monde, comme un tout, mis plus clairement en évidence. Cela n'entraînerait nullement la négligence à l'égard des problèmes ou des entreprises individuelles ou nationales, mais on s'efforcerait, au contraire, de les incorporer au tout, dont ils font partie intégrante et effective. Ainsi évitera-t-on les attitudes séparatistes, cause de l'effondrement de notre monde moderne.

Plus tard, avec la véritable religion restaurée, il s'avérera que cette formation sera fondamentalement spirituelle, dans le sens où ce terme signifie compréhension, obligeance, fraternité, justes relations humaines et la foi en la réalité du monde caché derrière le cadre des phénomènes. Préparer un homme à être citoyen du royaume de Dieu ne constitue pas une activité religieuse, réservée aux églises et consistant en un enseignement théologique.
Cela peut néanmoins y contribuer puissamment. C'est sans nul doute la tâche de l'éducation supérieure de donner à la matière enseignée un but et une valeur réels.

L'ordre suivant est suggéré par l'étude du programme à établir pour les jeunes générations actuelles

Instruction primaire Civilisation Âges : 4-12 ans
Instruction secondaire Culture Âges : 12-18 ans
Instruction supérieure Civisme mondial Âges : 18-25 ans

A l'avenir, l'éducation utilisera davantage la psychologie. Cette tendance se remarque déjà. La nature des garçons ou des filles – physique, vitale, affective et mentale – sera étudiée avec soin et leur existence incohérente sera dirigée dans les voies correctes. On leur enseignera à se connaître comme êtres agissants, sentants, pensants. Ainsi leur sera enseignée la responsabilité du "Moi" central, occupant du corps. Cela transformera l'attitude actuelle de la jeunesse mondiale à l'égard de son milieu, en développant, dès l'âge le plus tendre, la notion du rôle à jouer, et de la responsabilité à assumer. L'éducation sera considérée comme méthode préparatoire à un avenir utile et intéressant.

On voit donc de mieux en mieux que l'instruction future se définira, dans un sens nouveau et plus large, comme la Science des Justes Relations humaines et de l'Organisation sociale. Tout programme d'enseignement s'assumera un but relativement nouveau, sans pourtant que rien de ce qui était compris auparavant n'en soit nécessairement exclu. Seuls des motifs supérieurs s'imposeront et on évitera une présentation nationaliste et égoïste. Si l'histoire par exemple est présentée sous l'aspect des idées qui ont façonné l'humanité et l'ont faite progresser, et non sous l'aspect des guerres d'agression et de la spoliation nationale ou internationale, alors l'éducation s'occupera de la perception et de l'usage correct des idées, de leur transformation en idéals agissants et de leur application dans le sens de la volonté-de-bien, de la volonté-de-vérité et de la volonté-de-beauté. Ainsi s'opérera un changement bien nécessaire des visées humaines, par rapport aux objectifs présents d'ambition matérielle et de rivalités. Ces buts nouveaux exprimeront plus complètement la Règle d'Or et de justes relations s'établiront entre individus, groupes, partis, nations et dans tout le monde international.

De plus en plus, l'éducation devrait se préoccuper de la totalité de la vie en même temps que des détails de l'existence quotidienne. L'enfant, comme individu sera développé, équipé, formé et pourvu de principes, enfin ses responsabilités à l'égard du tout et la valeur de son apport possible et nécessaire au groupe lui seront enseignées.

Peut-être est-ce une platitude de dire que l'instruction devrait nécessairement s'occuper du développement des facultés de raisonnement de l'enfant et non, comme c'est généralement le cas, de lui meubler d'abord la mémoire d'une accumulation de faits, de dates et d'informations, sans liens, mal digérés, appris comme un perroquet. L'histoire de la croissance des facultés de perception chez l'homme, dans des conditions nationales et raciales différentes, est d'un profond intérêt. Les figures marquantes de l'histoire, de la littérature, de l'art et de la religion seront certainement étudiées du point de vue de leur effet et de leur influence, bonne ou mauvaise, sur leur période. La qualité et le but de ces influences prépondérantes seront évalués. Ainsi l'enfant absorbera une quantité d'information historique, d'activité créatrice d'idéalisme et de philosophie, non seulement avec plus de facilité, mais avec un effet permanent sur son caractère.

L'effort continu, les effets de l'antique tradition sur la civilisation, les événements, bons ou mauvais, et l'action réciproque des divers aspects culturels de la civilisation seront signalés à son attention, tandis que les faits, les dates et les noms arides tomberont en désuétude. Toutes les branches du savoir humain pourraient ainsi être revivifiées et arriver à un niveau supérieur d'utilité constructive. Une nette et salutaire tendance dans ce sens se fait déjà sentir. Le passé de l'humanité, base des événements actuels, et le présent, facteur déterminant l'avenir, seront de plus en plus envisagés comme tels, et il en résultera de grands et nécessaires changements dans l'ensemble de la psychologie humaine.

L'aptitude créatrice de l'être humain devrait aussi, dans la nouvelle ère, recevoir plus d'attention. L'enfant sera encouragé à un effort personnel, adapté à son tempérament et à ses facultés. Ainsi on le persuadera d'apporter sa quotepart de beauté au monde et sa pensée juste à la somme totale de la pensée humaine. On l'encouragera à s'intéresser au monde scientifique ouvert devant lui. Au-delà de ces motifs pratiques, se trouveront ceux de la bonne volonté et des justes relations humaines.

Enfin, l'éducation devrait certainement faire état de l'hypothèse de l'âme en l'homme, comme facteur intérieur produisant le bien, le vrai et le beau.
L'expression créatrice et l'effort humanitaire recevront donc une base logique.
Cela se fera non par un endoctrinement théologique, comme actuellement, mais sous l'aspect d'un problème digne d'étude, et d'un effort pour résoudre la question : Qu'est-ce que l'homme ? Quelle est sa raison d'être intrinsèque dans l'ordre des choses ? On étudiera cette influence vivante et le but exprimé par la constante apparition des chefs spirituels, des grandes figures dans le domaine de la culture et de l'art à travers les âges. Ces vies feront l'objet de recherches historiques et psychologiques. Cela ouvrira les yeux de la jeunesse à tout le problème de la direction et des mobiles d'action. L'éducation sera donc donnée sous forme d'intérêt humain, d'accomplissement humain et de possibilités humaines. Elle sera faite de manière non seulement à enrichir l'esprit de l'élève de faits historiques et littéraires, mais aussi en enflammant son imagination et en stimulant ses aspirations et son ambition dans de bonnes et de justes directions. Le monde de l'effort humain passé lui sera présenté dans une perspective plus juste et l'avenir lui sera ouvert aussi, en faisant appel à son effort individuel et à sa contribution personnelle.

Ceci n'implique nullement une condamnation des méthodes anciennes, sauf dans la mesure où le monde d'aujourd'hui les condamne. Cela ne constitue ni une vision irréalisable ni une espérance mystique, conçues en prenant ses vœux pour des réalités. Cela concerne une attitude devant la vie et l'avenir commune aujourd'hui à bien des gens, dont de nombreux éducateurs de tous pays. Les erreurs et les fautes des techniques passées sont évidentes, mais il est inutile de perdre son temps à les souligner, ni à en citer des exemples. Ce qu'il faut, c'est comprendre l'urgence des circonstances et le fait que la nécessité de déplacer les objectifs et de modifier les méthodes exigera bien du temps. Il faudra former les éducateurs autrement et perdre beaucoup de temps en tâtonnant à la recherche de méthodes nouvelles et meilleures, pour élaborer de nouveaux manuels et trouver les hommes et les femmes pénétrés de la vision nouvelle et qui travailleront à la civilisation nouvelle. 

J'ai simplement cherché ici à mettre l'accent sur les principes et je sais bien que nombre d'entre eux n'ont rien de neuf, mais qu'il faut les réitérer. La guerre a démontré les déficiences de notre enseignement. Un meilleur système d'éducation doit donc être élaboré, présentant toutes les possibilités pour amener les hommes à vivre de manière à renverser les barrières, à se débarrasser des préjugés. Il faut former l'enfant en voie de développement pour qu'à l'âge adulte, il vive dans l'harmonie et la bonne volonté à l'égard de son prochain. Cela peut se faire, si l'on développe la patience et la compréhension et si les éducateurs sont bien persuadés que "là où manque la vision, le peuple périt".

Un système d'éducation international, élaboré de concert par des membres du corps enseignant aux idées larges, de tous pays, constitue aujourd'hui une nécessité urgente et serait d'une utilité majeure pour préserver la paix mondiale.
Des tentatives de ce genre sont en cours et des groupes d'éducateurs se réunissent pour discuter d'un système meilleur, garantissant aux enfants des diverses nations, à commencer par les millions de jeunes qu'il est nécessaire aujourd'hui d'instruire, qu'ils recevront un enseignement vrai, sans idées préconçues, ni préjugés. La démocratie mondiale naîtra lorsque les hommes de partout seront vraiment considérés comme égaux, lorsque garçons et filles apprendront, qu'un homme soit Asiatique, Américain, Européen, Britannique, Juif ou gentil, cela n'a point d'importance. Chacun a un passé historique qui lui permet de contribuer en quelque manière au bien général et la plus importante qualité est une attitude s'efforçant constamment, avec bonté de développer les justes relations humaines. L'Unité mondiale sera un fait quand les enfants auront appris que les différences religieuses ne sont guère qu'une question de naissance : si un homme est né en Italie, il sera probablement catholique romain, s'il est né Juif, il suivra la religion israélite, s'il est né en Asie, il peut être mahométan, bouddhiste ou appartenir à quelque secte hindoue. S'il est né ailleurs, peut-être sera-t-il protestant, etc. Ainsi l'enfant apprendra que les différences entre religions proviennent surtout de querelles d'origine humaine sur l'interprétation humaine de la vérité. Graduellement, nos différends et nos querelles s'apaiseront et l'idée de l'Humanité Une les remplacera.

On devra, dans l'avenir, apporter un soin bien plus grand au choix et à la formation des instituteurs et surtout de ceux qui, dans les pays sinistrés, tâcheront d'apporter au peuple la [7@81] possibilité de s'instruire. Leur niveau intellectuel et leurs connaissances dans leur branche particulière, seront importants, mais plus importante encore est leur absence de préjugés et le fait de considérer tous les hommes comme une seule famille. L'éducateur de l'avenir aura besoin d'être un psychologue mieux exercé que celui d'aujourd'hui. A part le savoir académique qu'il enseignera, il comprendra que sa tâche principale est de faire naître chez ses élèves le véritable sens des responsabilités. Quoi qu'il enseigne : histoire, géographie, mathématiques, langues, sciences ou philosophie, il établira le rapport entre son sujet et la Science des Justes Relations humaines et tâchera de placer l'Organisation sociale dans une perspective plus juste qu'auparavant.

Quand sous l'effet de l'application de ces principes, la jeunesse de l'avenir sera civilisée, cultivée et prête à se ranger parmi les citoyens du monde, le monde sera peuplé d'hommes éveillés, créateurs, doués d'un vrai sens des valeurs, d'un point de vue sain et constructif sur les affaires mondiales. Cela prendra du temps pour y arriver, mais ce n'est pas impossible, comme l'histoire même le prouve. Un jour, on analysera l'apport des trois grands continents, Europe, Asie, Amérique sur l'évolution générale de l'humanité. La révélation graduelle de la gloire de l'esprit humain attend encore son expression écrite, l'ensemble de sa gloire, et non pas ses seuls aspects nationaux. Elle consiste en ceci : chaque race et chaque nation a toujours produit des êtres manifestant le summum de ce qui était possible à leur génération et à leur époque. En ces hommes s'unissaient les trois éléments de base mentionnés auparavant : l'instinct, l'intellect et l'intuition. Ils ont été relativement peu nombreux au début du développement humain, mais aujourd'hui leur nombre s'accroît rapidement.

Le simple bon sens, toutefois, permet de comprendre que cette intégration n'est pas accessible à chacun des élèves qui passent entre les mains de nos instituteurs. Les élèves doivent être estimés d'après les trois points dont traite le fond de cet article :

1.
Ceux qui sont capables de civilisation. Je me réfère à la masse des hommes.
2.
Ceux qui sont capables de pénétrer le monde de la culture. Ils sont en grand nombre.
3.
Ceux qui ajoutent aux valeurs de la civilisation et de la culture, la capacité de fonctionner en tant qu'âmes, non seulement sur le plan de la vie instinctive et intellectuelle, mais aussi dans le monde des valeurs spirituelles et d'accomplir ainsi une triple intégration.
Quelles que soient leurs facultés innées, tous peuvent être initiés à la Science des Justes Relations humaines et tendre vers l'objectif principal des systèmes d'éducation futurs. Cela se voit partout, mais jusqu'à présent, on n'a pas veillé à la formation des instituteurs, ni à celle des parents. Certes, des groupes éclairés ont agi partout, en étudiant les exigences civiques, ou en se livrant à des recherches sur les relations sociales. Il en va de même pour les nombreuses organisations, qui essaient d'inculquer aux masses le sens de leurs responsabilités envers le bonheur et le bien-être de l'humanité. Pareil travail doit commencer dans la tendre enfance, afin que la conscience de l'enfant, si malléable, puisse adopter, dès l'abord, une attitude dépourvue d'égoïsme à l'égard de ses compagnons.

C'est un travail de liaison qui doit être accompli maintenant, liaison entre ce qui existe aujourd'hui et ce qui pourra venir. Si nous développons cette technique de liaison au cours des prochaines cent cinquante années, assurant la liaison entre éléments séparés dans la famille humaine, apaisant les haines raciales et les attitudes séparatives des nations et des individus, nous aurons réussi à mettre en chantier un monde d'où la guerre sera bannie. L'humanité se considérera comme une seule famille et non un agrégat de nations et de peuples luttant et rivalisant pour se tromper les uns les autres, en attisant haines et préjugés. Cela, nous l'avons vu, c'est de l'histoire ancienne. L'homme a dépassé l'animal isolé, guidé par son instinct de préservation, mangeant et se reproduisant. Il a passé par les stades de la famille, de la tribu, de la nation, jusqu'au point où, aujourd'hui, un idéal plus vaste lui devient accessible : l'unité internationale, où fonctionnera sans heurt l'Humanité Une. Cet idéalisme croissant tâche de gagner la première place dans la conscience humaine, malgré tous ses ennemis séparatistes. C'est en partie la cause du chaos actuel et aussi du groupement effectué par les Nations unies. Cela a produit les idéologistes qui, entrés en conflit, cherchent à s'exprimer à l'échelle mondiale. Cela a produit l'apparition dramatique des soi-disant sauveurs nationaux, prophètes mondiaux, et de ceux qui travaillent pour le monde, idéalistes, opportunistes, dictateurs, chercheurs ou philanthropes. Le heurt de ces idées est bon signe, que nous soyons ou non d'accord avec elles. Elles sont de nettes réactions, devant l'exigence humaine juste et pressante, de meilleures conditions, de plus de lumière, de compréhension, d'une collaboration accrue, de sécurité, de paix, d'abondance, au lieu de terreur, de crainte et de famine.