La cause de la crise actuelle

La cause de la crise actuelle


Vous n'ignorez nullement que la grande Loi de renaissance est la loi majeure qui domine tous les processus de la manifestation. Elle gouverne l'expression exotérique d'un Logos solaire comme celle d'un être humain, et l'objet de ce processus qui se reproduit constamment est de procurer une forme toujours plus parfaite au service en expansion de l'âme. Pour la première fois depuis sa naissance, la famille humaine est en mesure d'observer pour elle même les processus de renaissance d'une civilisation en tant qu'expression de la culture spirituelle à un point particulier de son évolution. D'où l'ampleur de cette crise à mesure qu'elle s'impose dans la conscience humaine. De nombreuses crises moins importantes se sont produites qui ont provoqué des expériences spécifiquement tribales, nationales et raciales dans le domaine du renouvellement de la forme ; elles ont été enregistrées par l'un ou l'autre groupe dans une nation, ou par la nation elle-même si elle était suffisamment avancée.
Une prise de conscience nationale de ce genre se produisit pour la première fois au moment de la Révolution française. De telles prises de conscience du dessein de l'évolution ont été ressenties avec de plus en plus de clarté et de compréhension au cours des deux cents dernières années. De telles crises sont intervenues dans pratiquement tous les pays à l'époque moderne ; elles ont été dans une certaine mesure reconnues et ont fait l'objet de développements de la part des historiens et de spéculations de la part des philosophes. Mais la crise d'aujourd'hui est beaucoup plus vaste puisqu'elle embrasse la majorité des nations des deux hémisphères. A l'heure actuelle, toutes les nations sont touchées et les résultats en sont, et doivent être, perçus dans un aspect ou l'autre de la vie nationale.
Etant donné les relations mutuelles de fait qui existent partout entre les nations et la rapidité des communications. La crise présente est la première crise internationale majeure dans les affaires humaines et elle couvre une période de vingt-huit ans (de 1914 à 1942). Ce sont là des chiffres intéressants, car 28 correspond à 4 × 7, durée d'un cycle complet de la personnalité. Je ne souhaite pas vous voir déduire de ce que j'ai dit ci-dessus que la période des combats et du conflit ouvert doive nécessairement se prolonger jusqu'en 1942.
Il n'en est rien. La fin rapide du conflit, ou sa prolongation indéfinie, est entre les mains de l'humanité elle-même. Les hommes doivent de plus en plus déterminer leur propre destin à mesure qu'ils sortent du stade de l'adolescence pour entrer dans celui de la maturité, de la responsabilité et de l'accomplissement. Cette période de vingt-huit ans est néanmoins d'une importance primordiale, et beaucoup de choses dépendent des trois prochaines années.
Je vous répète encore une fois que la Hiérarchie elle-même, avec tout son savoir, sa vision, sa compréhension et toutes ses ressources, ne peut exercer aucune coercition sur ce que fera l'humanité, ni prévoir ce qu'elle fera. Elle peut la stimuler à agir correctement, et elle ne s'en prive pas ; elle peut indiquer quelles sont les possibilités et les responsabilités, et elle le fait ; elle peut envoyer ses instructeurs et ses disciples pour éduquer et guider l'humanité, ce qu'elle fait aussi, mais elle ne peut en aucun cas ni de quelque façon que ce soit donner des ordres ou prendre en mains la direction. Du mal elle peut tirer du bien, et elle éclaire ainsi certaines situations, et indique la solution d'un problème donné ; mais la Hiérarchie ne peut aller plus loin. Si elle s'arrogeait la conduite autoritaire des affaires, c'est une race d'automates qui se développerait et non une race d'hommes responsables se dirigeant par eux-mêmes et remplis d'aspiration. Ceci doit certainement vous paraître évident et peut servir à répondre à la question qui est aujourd'hui au premier plan de la pensée des étudiants irréfléchis de l'occultisme. Pourquoi la Hiérarchie n'a-t-elle pas pu empêcher cette catastrophe ? Il ne fait aucun doute que les Maîtres de la Sagesse, avec leur savoir et leur maîtrise des forces auraient pu intervenir ; mais en agissant ainsi, ils auraient transgressé une loi occulte et entravé le vrai développement de l'humanité. Et cela, ils ne le feront jamais. L'homme doit apprendre à se tenir debout et à agir seul, quel qu'en soit le prix. Les Maîtres, après avoir fait tout ce qui leur était possible, se tiennent maintenant aux côtés de l'humanité souffrante et désorientée. Avec une profonde compassion et un profond amour, ils aident les hommes à redresser les torts que ces derniers ont instaurés, à apprendre les leçons nécessaires et à sortir enrichis de la crise qu'ils ont eux-mêmes précipitée, et sortir purifiés par les feux de l'adversité. Ce ne sont pas des platitudes que j'énonce, mais des vérités éternelles.
Cette crise mondiale, malgré toute son horreur et ses souffrances, est en dernière analyse le résultat de processus d'évolution qui ont fonctionné avec succès. Nous sommes prêts à admettre que lorsque le cycle de la vie d'un homme a été parcouru et qu'il a appris les leçons  que l'expérience de n'importe quelle vie en particulier était destinée à lui apprendre, son corps physique et les aspects intérieurs de la forme, représentant la totalité de l'expression de sa personnalité, commencent à se détériorer. Des agents destructeurs au sein même de la forme deviennent actifs, pour parvenir finalement à la mort, ce qui a pour résultat de libérer la vie qui habitait la forme, afin qu'une nouvelle et meilleure forme puisse être construite. Nous acceptons forcement cela, aveuglément ou intelligemment, le considérant comme un processus naturel et inéluctable. Des cycles de civilisation tels que celui que nous appelons notre civilisation moderne sont analogues à une incarnation humaine individuelle et particulière, depuis sa naissance, en passant par ses progrès, sa croissance, sa maturité utile et la détérioration qui s'ensuit, jusqu'à la mort subséquente, ou disparition de la forme.
Les formes sont toujours vulnérables aux attaques. Leurs deux sauvegardes sont une forte vie subjective et le détachement spirituel. Lorsque la forme est plus puissante que la vie, il y a danger imminent ; lorsqu'il existe un attachement à l'aspect ou à l'organisation matérielle, les valeurs spirituelles sont perdues.
Aujourd'hui, nous assistons à la mort d'une civilisation, ou d'un cycle d'incarnation de l'humanité. Dans tous les domaines de l'expression humaine, la cristallisation et la détérioration se sont installées. Les dogmes religieux dépassés, l'emprise de la théologie et des églises traditionnelles ne suffisent plus à garder soumise la puissante vie spirituelle intérieure. L'humanité est profondément spirituelle et le sens religieux est inné en elle, mais il lui faut
maintenant une nouvelle forme dont revêtir les anciennes vérités. Les vieilles écoles politiques ont été jugées insuffisantes, et de nouvelles idéologies témoignent de la vigueur de la vie qui cherche une expression plus adéquate.
Les systèmes d'éducation, maintenant qu'ils ont rempli leur rôle, sont de plus en plus considérés comme inadaptés pour satisfaire les exigences croissantes de la vie de la race humaine. Partout on réclame les changements et les formes nouvelles qui permettront une expression spirituelle meilleure et plus libre dans la vie religieuse, politique, éducative et économique. De tels changements apparaissent rapidement et sont considérés par certains comme une mort terrible, à éviter si possible. C'est en effet une mort, mais elle est bénéfique et nécessaire. C'est cette prise de conscience de la disparition d'une civilisation qui suscite les avertissements réguliers du genre : "C'est la mort de la civilisation, il faut empêcher cela !" ; "C'est la fin de l'ordre, et l'ordre ancien doit être sauvé." ; "C'est la destruction des valeurs anciennes auxquelles nous sommes attachés, il ne faut pas le permettre."
Il est absolument exact que l'humanité réalise ce changement nécessaire par des moyens qui sont inutilement cruels et douloureux, tout comme il est vrai qu'aujourd'hui les êtres humains, par leurs fausses idées, leurs habitudes physiques insensées et leurs attitudes émotionnelles indésirables, précipitent l'effondrement physique, et finalement la mort. Néanmoins, pour le progrès de l'âme de l'individu et de l'âme de l'humanité, la mort est inévitable, bonne et nécessaire ; c'est également une pratique avec laquelle nous sommes quasiment tous familiarisés de par notre propre expérience et pour l'avoir observée chez d'autres. Mais il nous faut nous souvenir que la pire mort qui soit pour l'humanité serait une forme de civilisation qui deviendrait statique et éternelle ; si l'ordre ancien ne changeait jamais et si les anciennes valeurs n'étaient jamais transmuées en des valeurs plus élevées et meilleures, ce serait véritablement un désastre.
Il est aussi nécessaire de garder à l'esprit le fait que les forces de destruction ou de mort sont doubles :
Premièrement, il y a la vie qui émerge et qui se développe rapidement, exigeant plus de place pour s'exprimer et pour avoir une expérience plus complète, et qui aspire spirituellement au changement et au progrès.
Deuxièmement, il y a les forces réactionnaires et les attitudes conservatrices, qui s'en tiennent à ce qui est connu et familier, et qui détestent ce qui est nouveau, inconnu et non expérimenté.
Ces deux facteurs produisent la grande transition divine du passé à l'avenir, de ce qui est vieux à ce qui est nouveau, de l'expérience à la fructification et de nouveau à l'expérience. Les réalités sont éternelles et ne meurent pas ; les formes sont éphémères et temporaires ; l'âme persiste et est immortelle ; la forme est changeante et destinée à mourir. Les processus de l'évolution ont réussi dans le passé, et réussiront dans l'avenir, à amener les formes à la naissance, à la maturité et à la mort.
Mais, (et c'est là le point intéressant et significatif) pour la première fois, l'humanité est consciente du processus. Pour la première fois, elle a intelligemment décidé d'observer ce qui se passe et de le relier à son expérience et à son environnement. Cela indique déjà en soi un stade de véritable développement hautement désirable. Le raisonnement, l'analyse et la présentation de points de vue différents se poursuivent sur une grande échelle dans tous les pays, avec des résultats variables selon les différents types de tempérament, de tradition, de développement et de formation.
Ce stade de la mort et de la naissance (car toutes deux sont simultanées) peut être facilement compris par l'ésotériste s'il étudie la guerre mondiale dans ses deux périodes distinctes de 1914 à 1918 et de 1939 à 1942. Le premier stade (si vous pouviez voir la situation telle qu'elle est réellement) a été très nettement le stade de la mort ; le second stade, dans lequel nous nous trouvons actuellement, est littéralement le stade de la naissance, des douleurs de l'enfantement, du nouvel ordre et de la nouvelle civilisation par lesquels l'humanité pourra exprimer son sens de la vie. La mère meurt pour que l'enfant vive ; la forme est sacrifiée à la vie. Mais aujourd'hui, l'aspect forme, la mère, ou l'aspect matière, meurt consciemment, et l'enfant (la civilisation dans son enfance) vient à l'existence tout aussi consciemment. C'est cela qui est nouveau et à quoi nous participons tous. C'est la mort de la personnalité de l'humanité et l'apparition de son âme. Une telle mort est toujours un processus douloureux. La douleur a toujours été l'agent de purification employé par les Seigneurs de la Destinée pour engendrer la libération. La douleur accumulée au cours de la guerre actuelle et celle héritée du stade antérieur (commencé en 1914) provoquent un changement salutaire dans la conscience mondiale. Le Seigneur de la Douleur est descendu de son trône et foule aujourd'hui les chemins de la terre, apportant détresse, souffrance et terreur à ceux qui ne peuvent interpréter ses fins, mais apportant aussi une stimulation nouvelle à l'instinct de conservation qui, dans son aspect supérieur, est l'instinct menant à l'immortalité ; ceci tend à centrer l'attention de l'humanité sur l'aspect vie et non sur la forme. Les noms des Seigneurs du Karma signifient symboliquement, et sous l'angle de leur sens intérieur : Relation, Illumination, Douleur et Retour. Réfléchissez-y. Ils sont tous particulièrement actifs, actuellement, et l'espoir de l'humanité repose sur leur action.