CHAPITRE VI — LES ÉTAPES DE LA MÉDITATION (suite)

CHAPITRE VI

LES ÉTAPES DE LA MÉDITATION (suite)

 

 Le déroulement de la perception consciente.

 La perception passive et la perception active.

 Les deux activités de l’intellect. Les sens et la réalité.

 "Milarepa s’étant finalement débarrassé de la Double-Ombre s’éleva dans l’Espace Spirituel jusqu’à ce qu’il eut atteint le But en qui toutes les doctrines s’unifient... Toutes ses idées, tous ses concepts s’étant perdus dans la Cause Première, il avait éliminé l’illusion de la Dualité".

 RECHUNG (du Tibétain).

 

Nous avons poursuivi notre pratique de la méditation selon ce que l’on pourrait appeler des lignes séculaires, car l’emploi du mental a été impliqué et, quoique le sujet de la méditation ait été présumé religieux, les mêmes résultats peuvent être obtenus avec un thème profane comme l’objet ou la pensée-semence.

 Le but a été d’apprendre à l’intellect à demeurer fixé sur une idée choisie.

Par conséquent, nous nous sommes occupés de ce que l’on pourrait légitimement appeler une partie du processus éducatif. C’est à ce point que paraît la divergence entre les méthodes orientale et occidentale. Dans une école, avant toute chose, on apprend aux élèves à contrôler l’instrument de la pensée, à découvrir, au début, l’existence de cet instrument par la faillite dans ce contrôle, puis, grâce à la pratique de la concentration et de la méditation, à acquérir la facilité d’obliger le mental à demeurer centré vers une seule et unique direction.

 L’autre école pose en principe la possession d’une faculté appelée intellect et se met en devoir de le combler d’informations ; elle développe l’aspect mémoire en sorte que les faits retenus soient aisément accessibles à l’élève. Peu nombreux sont ceux qui, parvenus à ce stade, fassent un usage réel de leur intellect, l’appliquant à des fins scientifiques ou matérielles. La majorité des gens n’atteint jamais au contrôle de l’intellect. Les méthodes éducatives, telles que nous les avons aujourd’hui, n’enseignent pas aux élèves cette technique préliminaire, d’où la confusion profonde en ce qui concerne la nature de l’intellect et la distinction entre l’intellect et le cerveau.

 Si le cerveau et les cellules cérébrales sont tout ce qu’il y a, alors, la position du penseur matérialiste, considérant la pensée comme entièrement dépendante de la qualité des cellules, est logique et correcte. Ludwig Fischer, dans son livre La Structure de la Pensée, nous montre la part que le cerveau joue dans ce processus.

 "La perfection des processus d’appréhension dépend principalement de la structure et du fonctionnement de certains organes, qui reçoivent et relient les différentes impressions des sens et qui, de plus, retiennent partiellement les traces d’impressions antérieures et leur permettent indirectement d’entrer en action. Cet organe est le cerveau avec ses ramifications et ses organes subsidiaires. La perfection de la structure et du fonctionnement de cet organe détermine la perfection avec laquelle nous pouvons réussir à produire, dans un effort délibéré, une représentation du complexe du Tout, usant des formes spécifiques de la perception sensorielle qui sont à nos ordres...

 Le cerveau nous permet d’avoir une intuition et une appréhension intellectuelle du monde dans sa complexité. La manière dont ceci est produit dépend de la structure interne extrêmement compliquée de cet organe et de ses relations réciproques avec les autres parties du Tout, relation qui a de nombreux degrés".

 Fischer Ludwig, The Structure of Thought, p. 135.

 

 Si la perception et l’appréhension sensorielles, avec leurs conséquentes réalisations et l’institution d’un processus mental subséquent, ont leur source dans le cerveau, le Dr Sellars a raison, lorsqu’il écrit dans Evolutionary Naturalism, que l’intellect doit être regardé comme une "catégorie physique" et que "par-là, il faut entendre les processus nerveux qui trouvent leur expression dans une conduite intelligente".

 Sellars, Dr Roy Wood, Evolutionary Naturalism, p. 300.

 

Mais cette idée ne satisfait pas la majorité des penseurs et la plupart, appartenant à des écoles autres que l’école purement matérialiste, conçoivent quelque chose de plus que la matière et considèrent l’intellect comme distinct du cerveau. Ils soutiennent l’hypothèse que l’intellect est une réalité subjective substantielle, qui peut se servir du cerveau comme de son expression terminale et qui peut l’impressionner afin d’exprimer ces concepts et ces intuitions que l’homme est susceptible d’utiliser consciemment.

 Ce que nous considérons n’est aucunement une faculté supernormale ou la possession d’un instrument spécialisé dont une élite serait douée, l’intellect devrait être employé par tous les gens éduqués, et, à la fin de l’éducation (poursuivie pendant les années de formation) un homme devrait être en possession d’une faculté qu’il comprenne et emploie à volonté.

 Le Dr Mac Dougall fait remarquer, dans Psychology, the Science of Behaviour, que l’activité mentale (qui est généralement inconsciente) peut être subnormale, normale ou supernormale (Mc Dougall William, Psychology, the Science of Behaviour.). Dans le premier cas, vous aurez l’idiot ou faible d’esprit ; dans le second, le citoyen moyen, intelligent, dont l’intellect est un théâtre ou plutôt un cinéma, enregistrant tout ce qui arrive ; et, finalement, nous découvrirons ces rares âmes dont la conscience est illuminée et dont l’intellect retient ce qui est caché à la majorité. Nous n’avons point affaire encore à cette dernière classe ; ces êtres sont le produit des étapes finales de la méditation : la contemplation et l’illumination. La concentration et la méditation concernent le plus grand nombre et les gens normaux.

 En Orient, et par beaucoup de personnes en Occident, l’intellect est considéré comme séparé et distinct du cerveau. Le Dr C. Lloyd Morgan, dans Emergent Evolution, cite Descartes : "Il y a en vérité : 1° la substance corporelle (res extensa) et 2° la substance mentale ou pensante (res cogitans), mais leur existence nécessite le concours de Dieu... A l’exception de cette commune dépendance de Dieu, elles sont indépendantes l’une de l’autre (Morgan C. Lloyd, Emergent Evolution, p. 291.). Lloyd Morgan résume son propre point de vue dans un autre livre : Life, Mind an Spirit. Il dit :

 L’Esprit n’est aucunement séparable de la Vie et de l’Intellect et inversement. Ce qui est offert à la contemplation réflective, c’est un plan-universel d’événements naturels. J’affirme que ce plan-universel est une manifestation des intentions Divines... Nous aussi sommes des manifestations de l’Esprit qui est "révélé" en nous. Chacun de nous est une vie, un intellect et un Esprit, un exemple de vie en une expression du Plan-Universel, d’intellect, en une expression différente du Plan-Universel, d’Esprit, dans la mesure où la Substance de ce Plan-Universel est révélée en nous... Cette révélation est seulement partielle, chacun de nous étant seulement un exemple individuel de ce qui, dans la manifestation totale est universel (Morgan C. Lloyd, Life, Mind and Spirit, p. 32.).

 Dieu révèle son dessein à travers l’activité de la forme. Il fait de même à travers l’activité du mental qui agit à son tour sur le cerveau à l’état réceptif.

Plus tard, l’intellect devient capable de réagir à une illumination émanant de l’aspect Esprit et c’est ce que nous allons examiner brièvement. Ceci est très proche de la position orientale qui suppose "une substance mentale", mise en activité de l’extérieur (monde des affaires humaines) par l’agent des sens, par les émotions et par d’autres intellects. Cette intense activité de la substance mentale doit être catégoriquement éloignée par la concentration et par la méditation, si l’on veut que l’intellect soit dans les conditions permettant de le re-centrer, de le réorienter vers un autre champ de perceptions, un autre ordre d’idées. Pour l’ésotériste, l’objectif de la méditation (poussé jusqu’à ses dernières étapes) est donc de faire cesser toute forme d’activité à l’intellect, si haute soit-elle, et commencer à enregistrer les impressions venant de ce facteur en constante manifestation, que nous appelons, faute d’un meilleur terme, l’Intelligence de Dieu, le Mental Universel.

 Ce mental se distingue par un sens de Plénitude et de synthèse.

 L’histoire entière de l’humanité poursuivant son évolution peut être considérée sous l’angle de ce Plan, tout l’intérêt concentré sur le fait que, dans l’homme, croît la conscience d’un Univers qui est la révélation d’une Vie et d’une Déité et dans lequel l’humanité joue sa partie dans le plus grand Tout.

 Ludwig Fischer attire notre attention sur le fait que toutes nos facultés "sont fondées sur ce mystérieux et inconscient quelque chose qui domine notre vie intellectuelle" et signale la nécessité de ce qu’il appelle l’élément non rationnel, dans les réponses que nous donnons aux questions complexes de chaque jour. Ses conclusions, quant à la situation fondamentale que l’homme doit affronter par rapport à la pensée et à nos progrès dans les régions supérieures et non rationnelles, sont vraies et puissantes. Il dit :

 Il n’est qu’un seul chemin possible, pour avancer. Ce chemin est suivi par l’intuition des intellects plus instinctivement sensitifs qu’à l’ordinaire, la raison analytique suit, consolidant la position et rendant la route praticable au reste de l’humanité. L’avance dans l’inconnu commence par une hypothèse, et une hypothèse n’est rien de plus qu’une structure plus ou moins irrationnelle, obtenue intuitivement.

Une fois établie, elle est comparée dans tout ce qu’elle implique avec l’expérience et, si possible, mise à l’épreuve et rationalisée.

 Fischer Ludwig, The Structure of Thought, p. 361.

 

Nous sommes arrivés, dans notre étude du contrôle de l’intellect, au point où nous devons procéder par hypothèse. Cependant, ce ne sera une hypothèse que pour le matérialiste, car les conclusions auxquelles on est parvenu, le royaume de connaissance dans lequel on a pénétré, sont enregistrés comme vérité et faits prouvés, par des milliers d’êtres, à travers les âges.

 Nous avons donné un aperçu d’une méthode ancienne, expérimentée, par laquelle on prétend que l’intellect peut être saisi, employé à volonté, et nous avons signalé un moyen grâce auquel les facteurs ayant retenu notre attention jusqu’à maintenant peuvent être annulés et un nouveau champ de perceptions devenir possible. Avant de poursuivre ces instructions, il est peut-être utile de définir l’hypothèse sur laquelle nous allons nous appuyer.

 Il y a un royaume de l’âme appelé le royaume de Dieu. Il est en réalité un autre règne de la nature, le cinquième. L’entrée dans ce règne est un procédé aussi naturel que l’a été le passage de la vie montant d’un règne de la nature à un autre, au cours de l’évolution. Quand les sens et tout ce qu’ils transmettent est concentré dans le "sens-commun" (nom donné à l’intellect par les mystiques tels que Meister Eckhart), ils enrichissent l’intellect, le rendent susceptible de nombreux états de conscience. Quand ces activités peuvent être annulées et quand l’intellect enrichi peut, à son tour, être re-centré, il devient un appareil sensitif (un sixième sens, si vous voulez) qui enregistre "les choses du Royaume de Dieu" et procure à l’homme en profonde méditation des états de conscience et des degrés de connaissance qui, jusque-là, lui avaient été scellés, mais qui sont une partie du Tout et du contenu de l’Univers, autant que tout autre champ d’investigation. C’est là notre hypothèse et c’est d’elle que nous partons.

 La perception instinctive a fait place chez l’homme au savoir intellectuel.

 Est-il possible que cette perception intellectuelle soit à son tour dépassée et remplacée par une connaissance intuitive ?

 A ce point de notre argumentation, certaines déclarations semblent nécessaires ; elles aideront à élucider le thème de ce livre. Elles sont au nombre de trois :

 I.

Au cours du long processus évolutif qui a conduit l’homme du stade animal à celui d’être humain, nous constatons que nous sommes arrivés maintenant à la phase dans laquelle il est soi-conscient et s’en réfère à lui-même. Il se tient au centre de son propre monde et l’univers tourne autour de lui. Tout ce qui advient se rapporte à lui, à ses affaires, et le facteur important est l’effet que la vie et les circonstances produisent sur lui.

 II.

A mesure que l’homme croît en savoir et en perception intellectuelle, le cerveau et l’intellect se coordonnent. Le cerveau devient l’outil ou l’instrument des instincts disciplinés et de l’intellect contrôlé.

Celui-ci tire du "contenu du subconscient", de la mémoire active et de l’entourage, ce qui est nécessaire au progrès de la vie, dans un monde exigeant. L’homme devient un être capable, utile et prend sa place comme cellule consciente dans le corps de l’humanité. Il commence à comprendre quelque peu ses relations avec le groupe. Mais il y a davantage.

 III.

Depuis le stade primitif de l’existence humaine, jusqu’au grade élevé de l’homme coordonné, il y a toujours eu présente la conscience de quelque chose d’autre, d’un facteur sis au-delà de l’expérience humaine connue, d’un but, d’une Déité. Cette perception subtile et indéfinissable émerge inévitablement et maintient l’homme en quête de ce que ni son intellect (tel qu’il le connaît) ni les circonstances, ni son entourage ne semblent capables de lui donner.

Ceci peut être appelé la recherche de la certitude, l’entreprise de l’expérience mystique, ou l’impulsion religieuse, mais, quelque nom que nous lui donnions, cela est infailliblement présent.

Ces trois propositions traduisent grossièrement le chemin que l’homme a parcouru dans sa conscience. Elles dépeignent la condition dans laquelle, en ce temps, nous trouvons un grand nombre d’êtres humains, intellectuels, bien informés, responsables mais qui, en même temps, ne sont pas satisfaits. Ils interrogent l’avenir, confrontent la mort inéluctable ; ils souhaitent parvenir à une conscience plus vaste, une certitude quant aux choses spirituelles et à l’ultime Réalité. Cette poussée vers une compréhension et un savoir plus grands se révèle sur une large échelle, à cette époque, et la continuation de la croissance évolutive déjà établie persiste apparemment et doit se poursuivre, si un nouveau règne ou état de conscience doit être ajouté à ceux déjà atteints.

C’est à ce point que toutes les grandes religions du monde offrent à l’homme un mode de connaissance et un procédé de développement qui peut hâter la croissance spirituelle et y réussit, en effet.

 Le Dr Otto, dans The Idea of the Holy, dit que l’homme "doit être conduit et mené par la considération et la discussion de cette matière, selon les voies de son propre intellect, jusqu’à ce qu’il atteigne le point où le "numinous" en lui s’éveille de force, prenne vie et conscience".

 Otto Rudolf, The Idea of the Holy, p. 7.

 

On nous dit que le mot "numinous" vient du latin "numen" qui signifie pouvoir divin surnaturel. Il représente "l’appréhension religieuse spécifique, non-rationnelle et son objet, à tous les niveaux, depuis les premières vagues impulsions où l’on peut à peine dire que la religion existe, jusqu’aux formes les plus exaltées de l’expérience spirituelle".

 Ibid., p. 17 de la préface du traducteur.

 

Son traducteur, le Dr Harvey, professeur de philosophie au collège Armstrong, ajoute qu’il se développe dans l’homme une connaissance croissante d’un objet, déité (...) une réponse, pour ainsi dire, au choc suscité dans l’intellect humain quand le "Divin" se révèle soit obscurément, soit avec clarté. Le fait principal est la confrontation de l’intellect humain avec un Quelque chose dont le caractère est graduellement découvert mais qui, dès le début, est senti comme une présence transcendante, l’ "au-delà", même quand cela est aussi perçu comme l’ "au-dedans" de l’homme.

 3 Ibid., p. 15 de la préface du traducteur.

 

Par l’attention apportée au but de la vie, par la concentration dans le travail quotidien, par l’intérêt intense dans les sciences qui captivent nos plus grandes intelligences et par la méditation, telle qu’elle est pratiquée par certains, ans le domaine religieux, beaucoup d’individus sont parvenus au point où deux choses se produisent : l’idée de sainteté, de l’Etre et de la relation avec cet Etre entre dans la vie comme facteur dominant. Secondement, l’intellect commence à manifester une nouvelle activité. Au lieu d’enregistrer et d’emmagasiner dans la mémoire les contacts que les sens lui ont communiqués et d’absorber les informations fournies par les livres et la parole, il se réoriente vers un nouveau savoir et commence à puiser à d’autres sources d’information.

L’instinct et l’intellect ont fait leur travail ; maintenant, l’intuition commence à jouer son rôle. C’est à ce point que nous a conduits la pratique de la méditation que nous avons étudiée après que l’éducation de la mémoire et la classification du savoir humain nous y eurent préparés. Celles-ci ont eu leur temps. Pour des milliers d’individus, un nouvel effort est donc dans l’ordre. Se peut-il qu’à ces âmes nées aujourd’hui à l’expérience du monde, la vieille éducation avec son développement de la mémoire, ses livres, ses conférences et ses appropriations de pseudo-faits, soit devenue insuffisante ? Pour elles, nous devons soit formuler une nouvelle méthode, soit modifier la technique présente, afin de trouver du temps pour la réorientation de l’intellect, réorientation qui permettra à l’homme d’étendre ses contacts à d’autres champs de connaissance. Ainsi, nous démontrerons la vérité des paroles de Mr Chaplin, dans son précieux petit livre The Soul. Il dit que... "c’est par l’âme que les processus corporels prennent leur signification".

 1 Chaplin F. K., The Soul, p. 63.

 

La conquête du royaume de l’âme s’offre vaguement à l’homme.

 Le jour est proche où le mot Psychologie reprendra sa signification originelle. L’éducation aura dès lors deux fonctions : Elle rendra l’homme capable de mener à bien les affaires de ce monde et d’employer intelligemment cet appareil que les "Behaviouristes (Partisans de la psychologie des réactions organiques.)" ont tenté d’expliquer ; elle l’initiera aussi au royaume dont les mystiques se sont toujours portés garants et dont l’intellect, correctement employé, détient la clé.

 Dans le chapitre précédent, il a été traité de la méthode par laquelle un homme peut commencer à maîtriser son instrument, l’intellect, et apprendre à concentrer sa pensée sur un thème choisi ou une idée, en sorte qu’il soit fermé à tout concept extérieur et que la porte sur le monde phénoménal soit complètement close. Nous allons considérer la manière dont il pourrait monter de plus en plus haut sa pensée (pour parler le langage des mystiques) jusqu’à ce que l’intellect faillisse et que lui-même se trouve sur un sommet de pensée d’où s’offre à lui la vision d’un monde nouveau. Dans la pratique de la méditation jusqu’à ce stade, il y a eu une activité intense ; aucune condition de quiétude négative ou de réceptivité passive n’a été permise. Le corps physique a été oublié et le cerveau tenu dans un état de réceptivité positive, prêt à être mis en action par l’intellect, quand celui-ci tourne de nouveau son attention vers le bas.

Il faut nous rappeler que nous parlons symboliquement, lorsque nous employons des mots tels que "en haut" et "en bas", "plus haut" ou "plus bas".

Une des premières choses que le mystique doive apprendre, c’est qu’il n’existe pas de dimension dans la conscience et que l’ "intérieur", l’ "extérieur", "le plus haut" et "le plus bas" sont des expressions figurées, par lesquelles sont transmises certaines idées concernant des conditions de connaissance réalisées.

 Nous touchons maintenant au domaine transcendant. Nous poursuivons par le chemin de l’hypothèse. Le tangible et l’objectif sont temporairement oubliés et ne retiennent plus notre attention ; aucune forme de sensation n’est non plus visée. Pour l’instant, tout sentiment doit être exclu. Les petits ennuis, les peines comme les joies doivent être oubliés, car nous ne cherchons pas les "consolations de la religion". L’attention est concentrée dans l’intellect et les seules réactions retenues sont mentales. La pensée a dominé la conscience pendant la "méditation avec semence" ou avec un objet, mais cela doit être dépassé à présent.

 "Comment chasserai-je le mental hors du mental ?" a demandé un mystique. Car l’objectif n’est ni la sensation, ni le sentiment ; il n’est pas davantage la pensée. Là se trouve le grand obstacle à l’intuition et à l’illumination. L’effort de maintenir quelque chose dans l’intellect ne doit pas être prolongé ; il n’y a plus rien à quoi penser. Le raisonnement doit être mis de côté et l’exercice d’une faculté supérieure, jusque-là probablement inemployée, doit lui faire place. La pensée-semence a attiré notre attention, éveillé notre intérêt et de là s’est maintenue, pendant la phase de concentration. Cela se prolonge de nouveau dans la contemplation, et le résultat de cette dernière est l’illumination. Ici, nous avons un bref résumé du processus entier : Attraction,

Intérêt, Attention concentrée et réflexion prolongée sur un seul point, ou méditation.

 Quels ont été, jusqu’ici, les résultats de la méditation ? Ils peuvent se résumer ainsi :

 1. La réorganisation et la réorientation de l’intellect ;

 2. La concentration de l’attention sur le monde de la pensée et non plus sur celui des émotions ; d’où le retrait du foyer d’attraction des sens ;

 3. Le développement d’une faculté de concentration instantanée, préalablement à l’exercice de la méditation et la capacité de fixer l’intellect sur tout objet choisi.

Evelyn Underhill définit cette faculté de la manière suivante : "L’acte de parfaite concentration, la fixation passionnée du soi sur le point unique, quand dans l’unité de l’esprit et les liens de l’amour il est appliqué aux choses réelles et transcendantes, constitue dans le langage technique du mysticisme, l’état de méditation ou réflexion et (...) est le prélude nécessaire à la contemplation pure."

 Underhill Evelyn, Mysticism, p. 58.