LIVRE I - 30. Les obstacles à la connaissance de l'âme sont l'invalidité du corps, l'inertie mentale, l'interrogation irrationnelle, la négligence, la paresse, la non impassibilité, la perception erronée, l'inaptitude à la concentration, l'échec dans le

30. Les obstacles à la connaissance de l'âme sont l'invalidité du corps, l'inertie mentale, l'interrogation irrationnelle, la négligence, la paresse, la non impassibilité, la perception erronée, l'inaptitude à la concentration, l'échec dans le maintien de l'attitude méditative après qu'elle a été réalisée.

 

Obstacle I. Invalidité du corps

Il est intéressant de noter que le premier obstacle se rapporte au corps physique. Les aspirants feront bien de s'en souvenir et de chercher à adapter le véhicule physique à ce qui lui sera demandé par la suite. Les ajustements à faire seront importants et se répartissent en quatre groupes :

1.
Immuniser le corps contre les assauts de la maladie ou des malaises, ce qui représente un triple processus comprenant :
a.
L'élimination de toute maladie actuelle.
b.
L'affinage et la purification du corps en vue de sa reconstruction ultérieure.
c.
La protection du corps contre toute crise à venir et son utilisation en tant que véhicule de l'âme.

2.
Fortifier et affiner le corps éthérique, en vue de l'élever finalement à un certain taux de vibration permettant d'entreprendre en toute sécurité le travail de direction de la force. Le disciple doit faire passer à travers son corps les forces qu'il emploie dans son travail.

3.
Développer et réveiller les centres du corps éthérique ; centraliser les feux du corps et les faire monter, en une juste progression, le long de l'épine dorsale, afin de réaliser leur union avec le feu de l'âme.

4.
Coordonner les deux divisions du corps physique et les aligner ensuite sur l'âme par la voie du sutratma ou fil, qui est la chaîne magnétique.
Le troisième ajustement dont il a été question ne peut être entrepris sans risque avant que les trois pratiques de Yoga aient été employées et développées. Ce sont :

I.
Les cinq commandements. (Voir Livre II, Sutras 30 et 31)

II.
Les cinq règles. (Voir Livre II, Sutras 32 à 46)

III.
Le juste équilibre. (Voir Livre II, Sutras 46 à 48)

C'est là un point qu'oublient souvent les aspirants au Yoga et dont résultent les troubles et désastres si souvent constatés parmi ceux qui s'occupent prématurément de l'éveil des centres et de la mise en activité du serpent de feu.
Avant d'avoir entièrement établi sa position en relation avec l'économie sociale (comme il en est question dans les commandements) ; avant de s'être mis à la tâche ayant pour but de purifier et régulariser la triple nature inférieure (comme il est indiqué dans les règles) et avant d'avoir atteint un état de maîtrise de la nature émotive, ainsi qu'un juste équilibre, l'aspirant au Raja Yoga ne peut poursuivre sans danger le travail plus ésotérique et occulte se rapportant aux feux de son petit organisme. On ne peut insister assez sur ce point. Ce n'est qu'à un stade très avancé de l'état de disciple que l'homme peut sans risques aborder consciemment les feux vitaux et diriger correctement leur montée progressive le long de l'épine dorsale. Rares sont ceux qui ont jusqu'ici "gardé la loi et les commandements".

Obstacle II. Inertie mentale

L'obstacle fondamental suivant (ces obstacles étant énumérés dans l'ordre de leur pouvoir respectif sur l'homme moyen) est l'inaptitude à fixer clairement la pensée sur le problème de la réalisation. Si une pensée claire ne précède pas l'action, l'impulsion sera insuffisante et s'accompagnera d'un manque d'appréciation de l'ampleur du problème. L'inertie mentale est due à une condition léthargique du "vêtement de la conscience", que nous appelons le corps mental, et à une lourdeur dans la cadence du rythme, qui est le fait de la plupart des gens. C'est la raison pour laquelle le Raja Yoga exerce nécessairement un plus grand attrait sur les hommes du type mental que sur les purs et simples dévots ; ce qui explique pourquoi ceux dont le corps mental est bien équipé et activement employé peuvent être plus rapidement instruits dans l'exercice de cette science sacrée. Pour la majorité des gens, l'éveil du corps mental, l'apparition d'un intérêt intellectuel et la substitution de la maîtrise mentale à la prédominance des émotions, doivent précéder tout savoir ultérieur concernant les exigences de la culture de l'âme. Il est nécessaire d'établir un contact avec le mécanisme de la pensée, et de s'en servir, avant de pouvoir intelligemment évaluer la nature du penseur.

De la compréhension de ce fait résultera une appréciation plus juste de la contribution qu'ont apportée au développement humain les grandes écoles de pensée nommées Science mentale, Science chrétienne, Nouvelle pensée, et autres groupes qui mettent l'accent sur les états mentaux. La famille humaine commence seulement à comprendre ce qu'est le "vêtement de la conscience", nommé par nous corps mental.

Ce vêtement que l'étudiant en occultisme appelle le corps mental, la majorité des gens ont encore à le confectionner. C'est dans leurs rangs que se recrutent les Raja Yogis.

Obstacle III. Interrogation irrationnelle

C'est le stade suivant, lequel dépend aussi d'un certain degré de développement mental. Quelques traducteurs l'appellent "doute". Cette interrogation irrationnelle se base sur une perception inférieure et sur l'identification de l'homme réel avec son instrument illusoire, le corps mental ; ce qui l'incite à mettre en question les vérités éternelles, à douter de l'existence des réalités fondamentales et à chercher la solution de ses problèmes dans ce qui est éphémère et transitoire, ainsi que dans le domaine des sens.

Il y a une interrogation correcte et rationnelle. Il s'agit des "questions" auxquelles se réfèrent les paroles du Christ : "Demandez et vous recevrez." En Orient, tous les Maîtres véritables cultivent délibérément chez leurs disciples cette faculté d'investigation. Ils leur enseignent à formuler des questions au sujet des réalités intérieures, puis à en trouver la réponse eux-mêmes en se mettant en quête de la source de toute connaissance, latente au cœur de tous les êtres. Afin de poser des questions avec intelligence et d'en trouver la réponse, ils doivent d'abord se libérer de toute contrainte imposée par une autorité extérieure, de toutes les traditions et de toutes les exigences dogmatiques, qu'elles soient d'ordre théologique, religieux ou scientifique.
Ainsi seulement pourra-t-il découvrir la réalité et percevoir la vérité.

"Lorsque ton Ame aura dépassé la forêt de l'illusion, tu ne considéreras plus ce qui doit être enseigné ni ce qui a été enseigné.

Lorsque ton Ame se sera dégagée de l'enseignement traditionnel et se tiendra stable et ferme en sa vision d'âme, alors tu acquerras l'union avec l'Ame." (Gita II, 51-52)

Obstacle IV. Négligence

L'attitude mentale dont il est ici question a parfois été traduite par "frivolité". En réalité, c'est l'attitude mentale versatile, qui rend l'attention et la concentration sur un objectif unique si difficile à réaliser. Littéralement, c'est la tendance qu'a la substance mentale à façonner des formes-pensées ; elle a été décrite également comme étant "la tendance du mental à voltiger d'une chose à l'autre". Voir Livre III Sutra 2.

Obstacle V. Paresse

Tous les commentateurs sont d'accord sur cette traduction ; ils emploient les termes d'indolence, apathie ou paresse. Cela ne s'applique pas tant à l'inertie mentale (qui peut s'accompagner d'une perception mentale aiguë) qu'à l'indolence de l'homme inférieur tout entier, qui l'empêche de s'élever à un niveau de discernement intellectuel et d'aspiration intérieure. Ce qu'il devait faire à été prescrit à l'aspirant ; les "pratiques du Yoga" lui sont clairement connues ; il a entrevu l'idéal et pris conscience des obstacles ; théoriquement, il est averti des démarches qu'il doit entreprendre, mais son activité et son savoir ne concordent pas. Il y a chez lui une lacune entre l'aspiration et l'accomplissement. Bien qu'il désire ardemment la réalisation et la connaissance, les conditions à remplir sont un trop dur travail. Sa volonté n'est pas assez forte pour le contraindre à aller de l'avant. Il laisse glisser le temps, et ne fait rien.

Obstacle VI. Attitude passionnée

Ceci a été bien traduit par l'expression "attachement aux objets". C'est le désir des choses matérielles et sensorielles ; c'est l'amour pour les perceptions des sens et l'attraction pour tout ce qui ramène un homme, encore et toujours, à la condition d'existence sur le plan physique. Le disciple doit cultiver "l'absence de passion", c'est-à-dire l'attitude de celui qui ne s'identifie jamais avec quelque forme que ce soit, mais reste toujours détaché et distant, soustrait aux limitations qu'imposent les biens et possessions. Ce sujet étant maintes fois traité dans les divers sutras, il n'est pas nécessaire de le développer ici.

Obstacle VII. Perception erronée

Cette inaptitude à percevoir correctement les choses en les voyant telles qu'elles sont en réalité, est une conséquence naturelle des six obstacles précédents. Les perceptions du penseur resteront erronées tant qu'il s'identifiera à la forme, tant que les petites vies des enveloppes inférieures de la conscience pourront le garder captif et tant qu'il se refusera à se dissocier de l'aspect matériel. Il y a plusieurs sortes de visions, qui peuvent être énumérées comme suit :

1.
La vision physique.

Elle révèle la nature du plan physique et s'accomplit au moyen des yeux en photographiant, grâce au cristallin de l'œil, l'aspect de la forme tangible sur la pellicule merveilleuse que possède tout homme. Cette vision est circonscrite et limitée.

2.
La vision éthérique.

C'est une faculté de l'œil humain, qui se développe rapidement et dévoile finalement l'aura de santé de toutes les formes dans les quatre règnes de la nature ; elle aboutira à la perception des émanations praniques vitales de tous les centres et révélera les conditions dans lesquelles ils se trouvent.

3.
La clairvoyance.

C'est la faculté de vision sur le plan astral, l'un des "siddhis" – ou pouvoirs psychiques – inférieurs ; elle résulte d'une sensibilité superficielle de l'ensemble du "corps de sensation", ou enveloppe émotive, et consiste en une perception sensorielle portée à un point très avancé. Elle est fallacieuse et constitue, en exceptant la perception spirituelle correspondant au degré supérieur, une véritable apothéose de la maya ou illusion.

4.
La vision symbolique.

Cette faculté du corps mental est le facteur déterminant de la vision des couleurs, des symboles géométriques, de la perception dans la quatrième dimension, et des rêves et visions qui sont des produits de l'activité mentale et non de la vue astrale. Ces visions ont fréquemment un caractère de prévisions.
Ces quatre types de vision engendrent la perception fausse et ne produisent qu'erreurs et illusions, tant que les formes supérieures de vision énumérées plus bas ne viennent pas s'y substituer. Ces formes supérieures de vision englobent les autres.

5.
La vision pure.

Patanjali en parle en ces termes :
"Le voyant est pure connaissance (gnose). Bien que pur il considère, par l'intermédiaire du mental, l'idée offerte." (Livre II, Sutra 20)

Les mots "pure connaissance" ont été traduits par "pure vision". Cette vision est une faculté de l'âme, qui est pure connaissance ; elle devient manifeste lorsque l'âme se sert du mental comme instrument de vision.
Charles Johnston traduit comme suit ce même sutra : "Le voyant est pure vision... Il regarde au dehors à travers le vêtement du mental."

Cette claire pénétration dans la connaissance et la parfaite compréhension des choses de l'âme caractérisent l'homme qui – par la concentration et la méditation – a réalisé la maîtrise du mental. Le mental devient alors la fenêtre de l'âme, à travers laquelle l'homme spirituel peut contempler un domaine de connaissance nouveau et plus élevé. Tandis que se développe ce type de vision, la glande pinéale devient simultanément active et le troisième œil (en matière éthérique) se développe en une activité parallèle.

6.
La vision spirituelle ou perception véritable.

Ce type de vision révèle le monde du plan intuitif ou bouddhique. Son détenteur est entraîné par lui au-delà des niveaux abstraits du plan mental ; il prend ainsi conscience des choses de l'esprit pur et des desseins fondamentaux sous-jacents à toute manifestation, tout comme la pure vision permet à celui qui la possède de capter les ressources de la pure sagesse. Avec le développement de cette vision, le centre alta major entre en activité et le lotus aux mille pétales 3 s'épanouit.
3 Le centre coronal. (N.d.l.t.)

7.
La vision cosmique.

La nature de cette vision est inconcevable pour l'homme ; elle est le fait d'une connaissance consciente des Existences Qui Se manifestent au moyen de l'agencement planétaire d'un système solaire, de même qu'un homme se manifeste au moyen de ses corps.
L'étude de ces types de perception permettra à l'étudiant d'atteindre à une juste appréciation du travail qu'il doit accomplir ; elle l'aidera à situer sa position actuelle et à se préparer ainsi avec intelligence en vue de ses prochains pas en avant.

Obstacle VIII. L'inaptitude à la concentration

Les deux derniers obstacles indiquent la voie par laquelle "les choses anciennes disparaissent" et comment l'homme entre en possession de son héritage. La méthode appliquée par le disciple ne doit pas comporter seulement la discipline de soi qui consiste à subjuguer les vêtements ou gaines, ni se borner à inclure le service ou l'identification à la conscience de groupe ; elle doit également comprendre les deux stades de concentration, la mise au point ou la maîtrise du mental, et la méditation, processus sans défaillance de réflexion profonde sur ce qui est entre en contact avec l'âme et sur ce qu'elle sait. Ces deux sujets devant être traités plus loin, il n'en sera rien dit de plus ici.

Obstacle IX. L'échec dans le maintien de l'attitude méditative

Il est donc clair que les six premiers obstacles ont trait aux conditions incorrectes et les trois derniers aux résultats de ces dites conditions. Ils contiennent une allusion à la méthode permettant de se libérer des états de conscience incorrects.

Le sutra suivant est des plus intéressants, car il traite des effets produits sur chacun des quatre corps de la nature inférieure, dans le cas d'un homme qui n'a pas surmonté les obstacles.