LIVRE I - 15. Le non-attachement est la libération de toute convoitise pour tous les objets du désir, qu'ils soient de nature terrestre ou traditionnelle, d'ici-bas ou de l'au-delà.

15. Le non-attachement est la libération de toute convoitise pour tous les objets du désir, qu'ils soient de nature terrestre ou traditionnelle, d'ici-bas ou de l'au-delà.


Le non-attachement peut aussi être décrit comme étant absence de soif.
C'est le terme occulte le plus correct puisqu'il implique à la fois l'idée de l'eau, symbole de l'existence matérielle, et du désir, qualité distinctive du plan astral, dont le symbole est également l'eau. La notion de l'homme en tant que "poisson" est ici curieusement exacte. Ce symbole (comme c'est le cas de tous les symboles) a sept significations, dont deux trouvent ici leur place :

1.
Le poisson est le symbole de l'aspect Vishnou, le principe christique, l'aspect second de la divinité, le Christ en incarnation, qu'il s'agisse du Christ cosmique (S'exprimant à travers un système solaire) ou du Christ individuel, sauveur en puissance dans chaque être humain. C'est là le "Christ en vous, l'espérance de la gloire." (Col. 1 : 27) Si l'étudiant veut bien entreprendre aussi l'étude de l'Avatar de Vishnou en tant que poisson, il en apprendra encore davantage.
2.
Le poisson nageant dans les eaux de la matière, extension de la même idée, mais rabaissée à son expression actuelle la plus manifeste : l'homme en tant que personnalité. Là où n'existe aucune convoitise pour quelque objet que ce soit, où ne se trouve pas le désir de renaître (toujours consécutif à l'ardent désir de l' "expression formelle" ou manifestation matérielle), le véritable état d'absence de soif est atteint ; l'homme libéré se détourne de toutes les formes des trois mondes inférieurs et devient un véritable sauveur.

Dans la "Bhagavad Gita" se trouvent ces paroles illuminées :

"Car ceux qui possèdent la sagesse, unis dans la vision de l'âme, renonçant au fruit des œuvres, libérés de la servitude des renaissances, atteignent le havre où nulle affliction ne demeure."

"Quand ton âme passera au-delà de la forêt de l'illusion, tu ne feras plus de cas de ce qui fut enseigné ou sera enseigné."
"Quand, s'étant soustraite à l'enseignement traditionnel, ton âme se dressera, stable et ferme en sa vision d'âme, ton gain sera alors l'union avec l'Ame." (Gîta II, 52 et 53)

J.H. Woods rend ce texte clair dans sa traduction du commentaire de Veda Vyasa reproduit ci-dessous :
"L'absence de passion est la conscience d'être un Maître, que possède celui qui s'est libéré de l'avidité pour les objets, qu'ils soient vus ou révélés."

"Si la substance mentale (chitta) s'est libérée de l'avidité pour les objets vus, tels que les femmes, la nourriture, la boisson ou le pouvoir ; si elle s'est libérée de l'objet révélé (dans les Védas), tels que l'accès au Ciel, à l'état désincarné ou à la dissolution en la matière originelle ; si même étant en contact avec des objets supernormaux ou non, elle est, par la vertu de sa grandeur, consciente de l'imperfection des objets – elle aura conscience d'être un Maître..."

Le mot "traditionnel" écarte la pensée de l'étudiant de ce qui est généralement considéré comme l'objet de la perception sensible dans le monde des formes-pensées, cette "forêt de l'illusion" suscitée par les idées que l'homme entretient sur Dieu, le ciel ou l'enfer. La sublimation de tout cela et l'expression la plus haute qui y est donnée dans les trois mondes, est ce "dévachan" qui représente le but pour la majorité des fils des hommes.
Toutefois, L'expérience dévachanique doit en définitive se transformer en réalisation nirvanique.

L'étudiant pourra avec fruit se souvenir que le ciel, objet de son désir et de son aspiration – en même temps que produit de l'enseignement traditionnel et de toutes les expressions des credos doctrinaux – a, pour l'occultiste, des sens multiples. En vue de rendre ce qui précède plus clairement intelligible, le texte suivant pourra être d'une certaine utilité :

1.
Le Ciel, état de conscience sur le plan astral, concrétise le désir impatient de l'aspirant pour le repos, la paix et le bonheur ; il est basé sur les "formes de la joie", il est un état de plaisir sensible et, comme chaque individu l'édifie à son propre usage, il est aussi divers que ceux qui y aspirent. A l'égard du ciel, le non-attachement doit être réalisé. Il est conçu comme offrant des jouissances s'adressant au soi inférieur et à l'homme privé de son corps astral pour passer sur le plan mental.
2.
Le Dévachan, état de conscience sur le plan mental dans lequel passe l'âme quand, privée de son corps astral, elle fonctionne dans son corps mental, ou se trouve limitée par lui. Le Dévachan est d'un ordre plus élevé que le Ciel ordinaire et la félicité éprouvée est plus mentale que le sens donné à ce mot ne le comporte généralement ; elle reste néanmoins dans le monde inférieur de la forme et sera dépassée quand le non-attachement sera reconnu.
3.
Le Nirvana, condition dans laquelle passe l'adepte quand les trois mondes inférieurs ne sont plus "liés" à lui par ses inclinations ou son karma et dont il fait l'expérience après :
a. avoir passé certaines initiations.
b. s'être libéré des trois mondes.
c. avoir organisé son corps Bouddhique.

A strictement parler, les adeptes qui ont réalisé le non-attachement, mais ont choisi de se sacrifier en demeurant parmi les fils des hommes afin de les servir et les aider, ne sont pas, techniquement, des Nirvanis. Ils sont des Seigneurs de Compassion s'étant engagés à souffrir conjointement certaines conditions analogues (bien que non identiques) aux conditions régissant les hommes encore attachés au monde de la forme, et à être régis par elles.